AccueilArchitectureTribunes« Soutenir une culture des matériaux au sein des agences d’architecture pour...

« Soutenir une culture des matériaux au sein des agences d’architecture pour des choix conscients »

Animée par l’envie de relier les architectes à la matière, Chloé Grossetête, diplômée en architecture HMONP-urbaniste, a créé MAAU, agence de sourcing en matériaux et produits pour l’architecture et l’aménagement urbain.

Entretien avec Chloé Grossetête, fondatrice de MAAU

Pourriez-vous présenter votre entreprise ?
Le choix des matériaux est un enjeu reconnu comme fondamental par les architectes. Or, la réalité en agence se confronte à une offre abondante, en constante évolution et chronophage à appréhender. « Sur certains aspects de prescription, on se rend compte que l’on agit presque par habitude, que l’on perd l’idée de se requestionner sur ces sujets » ; « on manque de nouvelles solutions, d’alternatives plus vertueuses » sont des témoignages récurrents parmi la profession. C’est ainsi qu’est née la vision de MAAU : soutenir une culture des matériaux au sein des agences d’architecture pour les aider à faire des choix conscients.
MAAU propose des solutions concrètes pour surmonter les problématiques liées aux matériaux, offrant des réponses précises à ceux qui peinent à trouver des options satisfaisantes. Elle aide également à identifier les filières locales spécifiques d’un lieu de concours, permettant ainsi d’orienter des propositions de manière optimale. Grâce à son expertise, elle comble les lacunes de connaissances sur les possibilités techniques, débloquant ainsi des projets restés en suspens. Par ailleurs, elle sensibilise les maîtres d’ouvrage à l’importance de la dimension locale dans la conception des projets urbains, tout en apportant un regard d’architecte pour guider les réflexions sur le choix des matériaux.

Salon Material District, Utrecht

Quel est votre parcours ?
J’ai fait mes études à l’Ecole d’architecture de Saint-Etienne, poursuivi par un master à l’Institut d’urbanisme de Grenoble qui m’a permis d’entrer dans une grande agence parisienne. J’ai travaillé quelques années sur des sujets de coordination architecturale et urbaine, de nouveaux quartiers, de dessin d’espace public. J’ai ensuite fait ma HMONP à l’Ecole d’architecture de la ville & des territoires Paris-Est. Cette formation m’a donné envie de revenir à l’échelle architecturale et de me confronter au chantier, ce qui a été une expérience très formatrice.
En 2020, le covid m’a offert un temps de réflexion. J’ai quitté mon poste sur la base d’une simple idée, j’ai intégré des programmes de jeunes entrepreneurs pour la faire maturer et m’imprégner de l’esprit entrepreneurial. MAAU, mon agence de sourcing en matériaux, est née un an plus tard, dans un format que je ne cesse depuis de réinterpréter au gré des rencontres.

Quels sont les objectifs de MAAU ?
Un double constat m’a interpellé : d’une part ce fort consensus de la profession sur les matériaux comme l’un des fondamentaux de l’architecture (entendre matériaux au sens large : matériaux/produits/composants/systèmes…), et de l’autre une réalité en agence qui ne permet pas toujours sa mise en pratique. Pris par le temps, les nombreuses autres exigences, le sujet du choix matériaux peut rapidement passer à la trappe. En tant que prescripteur, l’architecte a une responsabilité immense. Les matériaux sont aussi politiques, sociétaux avec les sujets de transition écologique, de décarbonation qu’il est de plus en plus nécessaire d’intégrer.
J’ai créé MAAU dans le but de soutenir une culture des matériaux au sein des agences d’architecture pour les aider à faire des choix conscients. Le monde des matériaux est vaste et empli de spécialistes très pointus dans leur domaine. A travers MAAU, mon positionnement est celui d’une généraliste parmi les spécialistes. Mon rôle consiste à avoir une vision d’ensemble des possibilités et d’être un filtre hors de tout discours commercial et de greenwashing.

Quels sont les matériaux qui vous fascinent le plus ?
Les matériaux peu transformés et sublimés par leur mise en œuvre, qui durent au sein d’une architecture intemporelle, ont ma préférence. La justesse d’un choix de matériau est indissociable d’un projet : un matériau à l’esthétique massive posé en parement de façade peut créer une confusion des sens quand l’épaisseur fait défaut et qu’une impression de légèreté s’instaure ou au contraire participer pleinement à l’écriture architecturale. Je dois dire que cela va de pair avec l’évolution des modes constructifs et de systèmes d’assemblages qui peuvent introduire ces travers.
Tout matériau est en soit incroyable dès lors que l’on s’intéresse à son processus de production, c’est pourquoi je consacre beaucoup de temps aux visites d’unités de production, pour voir la transformation d’une matière en matériau/produit et que j’encourage fortement tout architecte à le faire !A mon sens, il est nécessaire de s’intéresser à tous les matériaux pour se forger une éthique, aller au-delà de nos idées reçues. Cela implique d’étudier aussi ce que l’on cautionne a priori moins.

Comment classez-vous les matériaux, quels critères retenez-vous pour orienter vos conseils ?
Davantage qu’une notion de classement qui est intéressante lorsque l’on parle d’une matériauthèque, ce que je retiens d’une demande, c’est sa motivation principale. Ce peut être l’axe environnemental qui est alors très dépendant du lieu de projet. Ce peut être une intention de matérialité, une esthétique particulière, un effet de masse par exemple. L’économie de projet peut également s’avérer le critère déterminant de certaines recherches.
Enfin, je suis architecte et le reste dans ma posture : le projet avant tout. Je filtre les propositions à travers ma culture architecturale et la compréhension de celle véhiculée par l’agence que j’accompagne.

Visite chez Briqueteries du Nord

Quelles sont les principales innovations parmi les matériaux les plus récents ?
Les innovations majeures me semblent provenir de l’étude de la nature et du devenir des déchets, dans une attention constante au développement durable. De plus en plus d’architectes se saisissent d’ailleurs de ces sujets et deviennent industriels. Il y a beaucoup de R et D autour de systèmes constructifs B.T.P (bois/ terre /paille), tel que l’étude d’un système de terre coulée, à la mise en œuvre qui ne modifierait pas les habitudes des compagnons, isocoût avec un béton. 
Depuis quelques années, on observe également de larges développements autour des liants (alternatives au ciment, pour l’industrie des dérivés du bois…) qui sont de gros enjeux de décarbonation.Enfin, les innovations liées aux mises en œuvre et aux méthodes d’assemblage, par exemple celles qui s’affranchissent de colles/mortier sont au centre des attentions.

www.maau-conseil.fr
https://www.instagram.com/maau_materialcorpus/

ARTICLES SIMILAIRES

A lire aussi