Les premières images du nouveau documentaire du réalisateur Victor Kossakovsky sont énigmatiques. Sous un ciel neigeux et en compagnie de quelques artisans, l’architecte italien Michele De Lucchi dévoile lentement son projet paysager : dans son jardin, un cercle prend forme, pierre par pierre. On comprend au fil des échanges entre les différents intervenants que ce cercle symbolise le cycle de la vie et l’équilibre entre l’homme et la nature, un espace devenant le motif central pour réfléchir à la manière dont nos choix architecturaux peuvent influer sur notre avenir collectif. Victor Kossakovsky clôt ici sa trilogie sur les grands thèmes explorés dans ses précédents films, ¡Vivan las Antipodas! et Aquarela. S’inscrivant dans la continuité de ces œuvres introspectives, Architecton est une exploration visuelle et poétique de l’architecture.
ARCHITECTON
Ecrit et réalisé par Victor Kossakovsky
> Sortie nationale le 27 novembre 2024
Espace intouché
Victor Kossakovsky a grandi à Saint-Pétersbourg mais c’est en vivant à Berlin, près du vaste espace vide de Tempelhof, qu’il a eu une vision : ce lieu, en plein cœur de la capitale allemande, est un ancien aéroport transformé en espace public sans construction. Ici, pas de centres commerciaux ni de tours en verre, juste un vide que les Berlinois ont choisi de préserver, comme une respiration au milieu de la ville.
Cette idée d’un espace intouché, préservé de la frénésie immobilière, devient le point de départ de sa réflexion. Kossakovsky interroge : et si nous arrêtions de tout construire ? À une époque où l’urbanisation galopante nous pousse à occuper chaque parcelle disponible, ce documentaire est un plaidoyer pour ralentir et repenser nos priorités.
La leçon des anciens
A travers l’architecte Michele De Lucchi, figure centrale du film, Kossakovsky se pose en critique acerbe de la pensée à court-terme, et s’oppose à cette tendance qui consiste à démolir des bâtiments après seulement quelques dizaines d’années, ces milliers d’édifices jugés obsolètes et détruits chaque année. L’histoire prône ici le retour à des matériaux durables comme la pierre qui revêt en réalité le rôle majeur du film, garant d’une longévité face à la tentation d’une rentabilité brutale. Trouver une nouvelle idée de la beauté, où construction rime avec respect de l’environnement et durabilité.
Au Liban, sur le site de Baalbek, Kossakovsky et De Lucchi contemplent des mégalithes datant de plusieurs milliers d’années. Des blocs monumentaux, taillés avec une précision que même nos technologies modernes peinent à égaler, nous rappellent que les civilisations passées savaient construire pour l’éternité. La question est simple mais essentielle : avons-nous perdu ce savoir-faire ? À une époque où tout est jetable, peut-être est-il temps de retrouver cette sagesse qui consistait à bâtir pour durer.
Des espaces pour la nature en ville
Repenser notre rapport à la nature est encore une de leçon d’Architecton. On imagine des espaces urbains intouchés, des sanctuaires en plein cœur des villes, où la nature reprend ses droits. Des lieux symboliques, non pas en périphérie, mais au centre. Non pas des parcs publics mais des zones de biodiversité sacrées.
À travers ce documentaire, Kossakovsky lance donc un appel à concevoir autrement. La question qu’il pose résonne comme un souffle d’espoir : « Pourquoi continuons-nous à construire des édifices destinés à être démolis ? Peut-être est-il temps de revenir à l’essence même de l’architecture qui consiste à créer des espaces qui élèvent l’esprit humain tout en respectant la nature. »
Ecrit et réalisé par Victor Kossakovsky
Les acteurs
Architecte : Michele De Lucchi
Maçons : Mauro Mella, Davide Alioli
Artiste : Nick Steur
Conservateur de Baalbek : Abdul Nabi af-Afi
Spécialiste des ruines du Moyen-Orient : Maksim Gaubetc
2024 • Festival international du film de Berlin – Berlinale • Berlin (Allemagne) 2024 • États généraux du film documentaire • Lussas (France)
France, Allemagne – 2024 – 1h37 – Scope – 5.1
En salles le 27 novembre 2024
