Le nouvel édifice est la pièce maîtresse du projet de réaménagement de la porte d’Aix à Marseille. Sur un terrain récupéré après le déplacement de l’entrée autoroutière de la ville, l’Institut Méditerranéen de la Ville et des Territoires se tient au cœur du parc urbain conçu par Alfred Peter et l’agence marseillaise Stoa, juste avant la montée vers la gare Saint-Charles. Dans une velléité de reconquérir un centre en déshérence, la nouvelle école veut ici promouvoir l’urbanité qui manquait au site, irrigué par d’imposantes infrastructures, le port ouvert sur la Méditerranée, les voies ferrées et les autoroutes assurant les liaisons vers le nord.
Le programme évoque à lui seul un retour à la ville, rassemblant trois institutions distinctes, l’École nationale supérieure d’architecture de Marseille (ensa.m), l’antenne locale de l’École nationale supérieure de paysage de Versailles (ENSP-VM) et l’Institut d’urbanisme et d’aménagement régional (IUAR). Dans ce devenir urbain, le projet de l’équipe composée de NP2F, Point Supreme architects, Marion Bernard architectes, Odile Seyler/Jacques Lucan, et Atelier Roberta, se fait poreux, ouvert à la diversité des possibles.
Enseigner l’architecture
Le projet se propose avant tout de répondre à la question fondamentale consistant à définir ce que doit (ou peut) être une école d’architecture aujourd’hui. Alors que l’Ecole d’architecture de Marseille, conçue par l’architecte René Egger, était depuis plus de cinquante ans située sur le campus de Luminy dans le parc des Calanques, envisager son retour dans le centre en l’associant à deux autres institutions liées à l’urbanisme et au paysage, pour rassembler près de 1 300 étudiants et plus de 350 enseignants et chercheurs, pose naturellement la question de son rôle, à différentes échelles.
Le projet est le fruit d’un travail collectif de plusieurs agences dont les approches sont elles-mêmes distinctes malgré leurs origines méditerranéennes communes marseillaises, niçoises et athéniennes-, travail soutenu par l’architecte historien Jacques Lucan (tristement disparu le 8 octobre dernier). La volonté était ici partagée d’offrir un dispositif d’enseignement ouvert sur l’extérieur, propre à l’agora dans la conception des espaces partagés, et garant d’un sentiment de communauté vertueux pour ces trois champs d’étude différents.
Située en hauteur, et profitant du panorama urbain, l’école s’affiche ensuite comme un manifeste en faveur des fondamentaux : une structure Dom-Ino en béton élevée sur quatre niveaux et composée de poteaux cylindriques et de dalles alvéolaires de portique en portique, abritant des cloisons intérieures en bois amovibles. Trois bâtiments disposés autour d’un vide en forme de Y se répartissent ainsi sur le terrain en pente : à l’ouest, le rez-de-chaussée qui s’ouvre sur l’esplanade de la porte d’Aix, au sud le premier étage sur le boulevard Charles-Nédélec, et à l’est le second rejoignant la rue Joseph-Biaggi.
Architecture programmatique
Le parti-pris des architectes fut de ne pas attribuer une institution à chacun de ces trois blocs mais de les définir, au contraire, par élément de programme : la barre montant en escalier abrite ainsi les ateliers, tandis que les deux autres volumes rectangulaires accueillent les espaces mutualisés et la recherche. Les hauteurs sous plafond divergent et génèrent des spatialités différenciées : le socle et l’attique offrent de fait des doubles hauteurs avec la présence de mezzanines dans les ateliers du dernier étage. Et les amphithéâtres placés au centre, dans la continuité de la cour d’entrée, suivent la pente du terrain et peuvent fusionner pour former une grande salle ouverte sur l’extérieur.
Affinités électives
La structure rationnelle du projet se voit ici ornementée de nombreux détails. Les trois unités reliées entre elles par de larges coursives et des placettes, offrent autant d’espaces de travail en extérieur dessinés en gradins. Des brise-soleil en béton le long de la bibliothèque, ou encore les balustrades transparentes de la cage d’escalier, viennent eux aussi rompre l’aspect générique de l’ensemble. Des détails raffinés enfin, à l’image du béton blanc portant les traces des planches de coffrage accolé aux panneaux de bois peints en blanc, le carrelage foncé enfin de la cafétéria.
Le projet respecte pour finir les principes de l’architecture climatique avec des retraits de façades au sud et à l’ouest, permettant à l’édifice de se protéger du soleil, et des dalles actives rafraîchissant les espaces intérieurs par géothermie, complétées par de gigantesques ventilateurs au plafond.
« La perception de l’IMVT n’est pas celle d’un ensemble compact et renfermé sur lui-même, qui se protègerait du regard des autres. La perception de l’IMVT est celle d’un ensemble ajouré, qui veut l’ouverture, qui laisse transparaître la diversité de ses usages, qui laisse respirer l’intérieur vers l’extérieur, qui s’ouvre résolument vers la ville pour en recevoir tous les échos ».
Jacques Lucan
Maîtrise d’ouvrage : Ministère de la Culture, direction générale des patrimoines et de l’architecture
Maîtrise d’ouvrage déléguée: L’Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la
Culture, Oppic
Maîtrise d’œuvre :
Architectes : NP2F architectes mandataire (François Chas, Nicolas Guérin, Fabrice Long et Paul Maitre Devallon) associés à Marion Bernard (Manon Gaillet et Sylvain Bérard), Point Supreme (Konstantinos Pantazis et Marianna Rentzou), Odile Seyler & Jacques Lucan
Paysagiste : Atelier Roberta (Céline Aubernias, Alice Mahin et Chloé Sanson)
Economiste : VPEAS
BET Structure : DVVD
BET Fluides : Alto ingénierie
Acousticien : Peutz et associés
Eclaragiste : 8’18
Surface utile : 12 800 m²
Superficie de la parcelle: 4 998,82 m²
Capacité d’accueil: 1860 personnes dont 1452 étudiants
Crédits photo : Maxime Delvaux et Antoine Espinasseau