A la lisière de Paris, boulevard du Général Jean Simon, entre les quartiers du 13e et la Seine, l’immeuble Wood’up s’érige dans un contexte hybride entre infrastructure routière, flux urbains et périphérie. L’édifice en bois structurel — une première en Europe pour une hauteur aussi importante — explore les potentialités de ce matériau, tout en répondant aux enjeux de la ville contemporaine.
La densification n’est pas ici un vain mot. À l’intersection des grandes mutations du quartier Masséna-Bruneseau, l’édifice questionne le rapport entre l’urbain et l’habitant. Les espaces partagés, presque en suspension, réinterprètent la porosité entre intérieur et extérieur, et les circulations s’effacent absorbant autant que faire se peut le bruit des Maréchaux. En résulte une série de lieux hybrides, demi-niveaux, escaliers ouverts, terrasses collectives, formant une architecture à la fois objet et interface.
Articuler les complexité
L’idée maîtresse résidait de fait pour les architectes dans la gestion d’une géographie complexe et des flux qui l’entourent. L’immeuble s’insère dans un site aux multiples niveaux, entre les ponts des Maréchaux et les interstices du boulevard périphérique. Sept mètres de dénivelé caractérise en effet le site entre le quai d’Ivry et le rez-de-chaussée du nouvel édifice, accessible côté boulevard. Le défi dépasse dès lors la gestion d’un plan masse : donner forme à de nouveaux espaces capables d’articuler ces hauteurs disparates. Ainsi une série d’escaliers, tout en l’élevant au-dessus du chaos routier, relie le bâtiment à la ville, l’expose et l’en protège à la fois. Une promenade architecturale s’insinue dans le tissu urbain.
Le commun moteur de l’habitat
La générosité des espaces communs caractérise le projet. Non plus lieux de passage, ils se posent en extension de l’habitat individuel. « Près de 2000 m² d’espaces communs sont répartis à travers l’immeuble : demi-niveaux, terrasses collectives, jardins, escaliers extérieurs… Chaque habitant est en lien direct avec la ville », explique Umberto Napolitano. Autant de lieux qui participent d’une requalification de l’habitat collectif, en offrant, là où l’urbanité se densifie, des lieux de rencontre et de sociabilité.
Perchée à 38 mètres de hauteur – symbole de l’ancienne hauteur haussmannienne -, une vaste terrasse ouvre sur une vue panoramique de Paris, calibrée pour accueillir jusqu’à 400 personnes. En rez-de-chaussée, le hall semi-ouvert s’inscrit dans la continuité de la placette adjacente, créant un espace de transition et une perméabilité rare en milieu urbain dense.
Travailler la matière bois
L’enjeu structurel de Wood’up est d’autant plus radical que le bois en est le matériau principal. Contrairement au béton, ce dernier impose ses propres limites et ses propres contraintes. « Le bois, par nature, est plus rigide dans son organisation, ce qui nous a conduits à réinventer l’habitat en jouant sur la flexibilité des trames », précise l’architecte. « La stratégie fut de composer avec une dimension de 3.90 m pour s’adapter à toutes les typologie d’habitation. A cela s’est ajoutée la volonté de dédoubler les niveaux pour renforcer l’idée de double échelle. » La pièce devient donc l’unité de mesure, et la trame structurelle, régulière, permet de repenser les volumes traditionnels.
La construction bois permet aux architectes de pousser plus loin la réflexion sur l’habitat moderne. « Nous avons cherché à tirer parti de la matière bois, non seulement pour sa capacité à moduler les espaces, mais aussi pour repenser l’habitation dans un contexte de densité ». Le bois, par essence naturel, devient ici un outil d’articulation sociale ; les logements, ouverts les uns sur les autres, créent des micro-communautés qui favorisent la cohabitation et l’échange.
De grands coulissants participent enfin d’une ouverture totale de l’immeuble vers l’extérieur, tandis que la structure en bois, avec ses mouvements naturels, intègre une technique inédite : « Nous avons conçu des coulissants sur pendules, capables d’absorber les déplacements de la structure bois tout en garantissant l’étanchéité », détaille Benoit Jallon. Une prouesse technique qui permet à l’immeuble de respirer tout en s’ouvrant largement sur la ville.
S’élever grâce au hêtre
Chaque essence de bois répond à une fonction spécifique. « Dans Wood’up, nous avons opté pour le hêtre pour les structures verticales, issu des forêts normandes et acheminé par la Seine. C’est la première fois qu’un immeuble de cette hauteur utilise du hêtre en structure, là où d’autres ont souvent recours aux résineux », précise Paul Jarquin président-fondateur du promoteur REI Habitat et président de Fibois France. Le choix est stratégique : le hêtre, plus dense que le résineux, offre une résistance inédite pour soutenir les efforts verticaux.
Les poutres sont quant à elles en résineux, plus souples face aux efforts horizontaux. La sécurité incendie, talon d’Achille des constructions bois, a fait l’objet de tests approfondis : « Nous avons brûlé les poteaux et les poutres en situation réelle, afin de prouver leur résistance au feu et garantir la sécurité des habitants ». Une approche expérimentale qui confère à Wood’up une résilience inédite face aux risques inhérents à ce procédé.
Alors que la structure en bois, visible, participe de l’ambiance générale des logements, elle vient répondre à des critères écologiques stricts, et les choix faits par les architectes veulent incarner une approche contextuelle et durable : « La création de matière est le vrai problème lié à l’émission de carbone. Ici on ne crée pas de matière, on la transforme. Le chemin aujourd’hui consiste à savoir comment recycler, transformer, avec toujours cette idée de créer le moins de matière possible ».
Maître d’œuvre : LAN
Entreprise générale : SPIE
Entreprise bois : Poulingue
Aménageur : SEMAPA
Promoteur : REI Habitat
Hauteur de construction : 15 étages
8940 m2
152 logements
Spécificités du projet :
Bois de construction français, approvisionné par voie fluviale (Seine)
Réutilisation du bois de chantier pour l’aménagement des espaces partagés
Terrasses communes végétalisées aux niveaux R+8 et R+16
Socle commercial au rez-de-chaussée
Démarche « 1 immeuble 1 forêt »