Furoncle sur la Tamise; Tout plus sûr avec Wilmotte; Patrik Schumacher voit le futur; Embrouille chez les burners; Panier à prendre au USA.
Motivé
Radieux Jean-Michel Wilmotte lors de l’interview que lui a accordé Le Parisien. A 68 ans, l’architecte « a conscience d’avoir de la chance de conduire autant de beaux projets dans Paris » – dans le désordre et sans être exhaustif, la Halle Freyssinet, le Lutetia ou la très bulbeuse cathédrale orthodoxe russe, pointant ses cinq oignons dorés dans le ciel francilien. S’il voit dans Réinventer Paris l’équivalent d’une sorte de psychanalyse de groupe, « l’occasion de faire un point sur l’état d’esprit et la philosophie des architectes à un moment donné » là où l’on pensait qu’il s’agissait plutôt de projets, Wilmotte ne manque pas d’idées pour la capitale. Il veut de la lumière électrique dans la Pyramide du Louvre, déplacer la grande roue, et encore d’autres sujets qu’il aborde avec « toujours avec la même motivation ». S’il trouve ses propres projets « magnifiques » ou « sublimes » Wilmotte n’est pas toujours tendre pour ses confrères. En témoigne cette critique aux accents sécuritaires de la place de la République, qu’il juge « intéressante et bien traitée » mais « incontrôlable, générant des difficultés pour la sécurité et l’ordre public ». Une bonne façon de proposer ses services dans un climat de peur et d’angoisse rampante, une attention pour la sécurité qui tourne à l’obsession ou au matraquage… commercial. « On aura des contrôles et des sécurités partout. C’est un projet magnifique », explique l’architecte à propos de son intervention Gare du Nord, qui se positionne sans fard sur un créneau pouvant garantir la sécurité, de la commande, à défaut du reste.
Via Le Parisien
Paramétré
« Comment vivre l’après Zaha Hadid ? », a demandé en substance The Guardian à l’avenant Patrik Schumacher. L’ex-associé de l’architecte Anglo-Irakienne disparue en mars dernier a répondu en exposant au quotidien anglais sa feuille de route pour l’avenir. « La passion insatiable et infectieuse de Zaha pour l’architecture, son perfectionnisme infatigable nous manque » explique Schumacher, « mais j’ai découvert que ma propre volonté et ma propre passion pour l’architecture et le progrès de notre discipline – joint à l’enthousiasme et au dévouement de nos équipes – pouvaient nous propulser toujours vers l’avant sans perte d’inertie ». En marche, donc, l’architecte se lance sans surprise dans un plaidoyer pour le paramétrique, dont il est l’un des apologues les plus fervents, et qui semble rimer chez lui avec coup de trique, et pas seulement pour sa tolérance à l’envers de ses dictateurs clients. Rare partisan du Brexit chez les architectes, ancien trotskiste converti au libéralisme sauvage, Schumacher voit dans le paramétrisme rien de moins que le style architectural du capitalisme, proposant à ses confrères d’adopter d’urgence ce style et sans doute les idées qui vont avec. « Si j’étais un financier susceptible d’investir dans votre produit, comment arriveriez-vous à me convaincre ? » a demandé à Parametric Pat le journaliste Rowan Moore. « Ce n’est pas aussi facile que ça, on ne peut pas le résumer aussi simplement », a répondu l’architecte embarrassé. « J’avais l’impression d’avoir donné à Rowan plus d’arguments que ce qu’il rapporte ici, je suppose que ça n’a pas cliqué » a réagit Schumacher sur Facebook après la publication de l’article. Vivement des journalistes paramétriques.
Via The Guardian
Burner
Un campement de 70 000 personnes, déconnecté des réseaux et qui s’entoure progressivement de murs : non, vous n’êtes pas dans une version XXL de la jungle de Calais, mais à Burning man, une zone autonome temporaire ou l’on peut goûter la folie et la liberté totale pendant une semaine, pour la modique somme de 1300 euros minimum, selon des estimations prenant en compte le ticket d’entrée, le coût du véhicule, tente, etc. Né sur une plage de Californie, le festival implanté depuis dans le désert du Nevada cherche à garder son esprit contre-culture malgré une fréquentation en hausse constante, la part de festivaliers huppé augmentant mathématiquement avec la population des burners. Le débat est récurrent depuis plusieurs années, alors que les rois de la Silicon Valley et célébrités y débarquent en fanfare. Marc Zuckerberg, PDG de Facebook, s’y est rendu en 2012, descendant d’hélicoptère pour faire griller des sandwichs au fromage avec des burners. La tension est montée d’un cran avec l’attaque d’un sous-campement à 25 000 $US, dont la rumeur dit qu’il serait financer par le fils d’un oligarque russe. Un plainte a été déposée à la police, qui normalement n’entre pas dans le campement. « C’est logique que vous ayez été sabotés, car votre camp est fermé et pas accueillant » aurait répondu un des organisateurs à l’un des responsable site attaqué, baptisé White Camp. La contre-culture n’a pas encore succombé aux charmes de la gated community.
Via Le Monde
Malin au panier
Tout est plus grand en Amérique : l’adage connu de tous a été maintes fois confirmé par la réalité . Ainsi à Newark, Ohio, se dresse un panier 160 fois plus grand que la normale. Muni de fenêtres et de sept niveaux de plancher, ce canard de 1997 dessiné par l’agence NBBJ concrétise le rêve de Dave Longaberger, qui voulait installer le siège de sa compagnie dans un immeuble à l’image des paniers tressés qu’elle fabriquait. On ne peut pas nier la force publicitaire de l’édifice, malheureusement insuffisante pour enrayer la chute des ventes, passées de 1 milliard d’US$ dans les années 1970 à 100 millions en 2012. Résultat : l’entreprise brade son plus gros modèle, soldant pour 5 millions d’US$ un panier qui en avait couté 32 à fabriquer, et qui devrait en valoir le double au prix actuel du marché immobilier. On en apprend un peu plus sur ce bâtiment mondialement célèbre à l’occasion de la vente : ces parois en bois sont percées de fenêtres qui éclairent généreusement un espace intérieur qui n’a rien de « panierique (baskety)». « Rien ne vous rappelle que vous êtes dans un panier. Vous avez plutôt le sentiment d’être dans une belle tour de bureau » explique l’agent immobilier chargé de la vente. Tout ça pour ça… Les anses posent de nombreux problèmes : chauffées pour éviter l’accumulation de neige, la peinture qu’on y applique s’écaille. « On pourrait les enlever » explique l’agent qui envisage des changements de programme pour vendre son embarrassant panier dégarni. Mais la forme architecturale limite les possibilité d’évolution. « Je suis sûr qu’un bon architecte pourrait trouver une moyen de le repeindre pour qu’il ne ressemble plus à un panier » estime l’agent. Et pourquoi pas une surélévation en forme de victuailles?
Lauriers doux et amers
Qui connait de ce côté-ci de l’Atlantique ZGF architects et Westlake Reed Leskosky ? Devançant la plus familière SOM, Skydmore Owen Merrill, ces agences ressortent en tête du classement 2016 des 50 plus grandes agences des USA établi par l’ordre des architectes américains à partir d’un questionnaire multi-critères. Bonne nouvelle, près de 80% des agences recensées ont connu une hausse de revenu en 2015, mais seules 1/3 de ces structures proposent un intéressement à leurs employés. Combien de ces 50 grandes agences ont reçu la Carbuncle Cup, Prix du Furoncle organisé par le magazine Building Design ? C’est une information absente qui mériterait de figurer dans le classement. Pour 2016, le gagnant du prix que l’on tremble de recevoir est l’agence BUJ, qui l’emporte avec le Lincoln Plaza, ensemble de logement décrit comme un « bazar indescriptible » par les membres du jury. Le promoteur Galliard a beau vanter « les vues à couper le souffle, des services de première classe, un habitat superlatif dans un site de rayonnement international » , les jurés du prix y voient plutôt « l’incarnation architecturale du mal de mer, des vagues de nausées congelées dans des gaines de verre et d’aluminium de couleur qui, lorsqu’on les contemple trop longtemps, suscitent le malaise, l’inconfort, et chez les plus malchanceux, un renvoi du déjeuner aussi inévitable que des flaques d’eau après l’orage ». Affaire de point de vue : la nausée est souvent dans l’œil du regardeur !
Via the Architect Magazine et Building Design
Olivier Namias