Dans le quartier d’Empalot, à Toulouse, entre les vestiges du grand ensemble des années 60 et les prémices d’un territoire en recomposition, un îlot singulier s’élève. Ni geste autoritaire ni mimétisme docile, Les Formes hautes, conçues par l’Atelier Stéphane Fernandez, revendiquent une présence calme et puissante. Elles habitent le paysage autant qu’elles le dessinent.
Le site est à la croisée de trajectoires urbaines en friction : la Garonne et sa nouvelle passerelle, l’île du Ramier en devenir, la prairie des sports voisine, les barres existantes d’Empalot. Cette série de séquences spatiales réclamaient une réponse à la fois contextuelle et prospective. Le projet se distingue par son respect du sol naturel, son dialogue avec les horizons, mais aussi sa volonté de composer avec une complexité urbaine sans s’y dissoudre.



Une architecture pensée pour durer et se transformer
L’îlot, dense mais poreux, accueille 188 logements étudiants et 50 appartements familiaux. Ici, l’unité se tient à une trame solide, pensée pour le temps long. Ce socle habité, rythmé par d’imposantes colonnes, forme un espace hypostyle à l’échelle de la ville, telle une matrice structurelle se prêtant à l’indétermination. De parkings à équipements publics ou culturels, le projet anticipe la transformation, dans une architecture ouverte, évolutive, réversible.
À l’intérieur de cette grille constructive généreuse, les modules de façade préfabriqués s’imbriquent avec une précision millimétrée, prêts à être déposés, remplacés, réinventés, sans que la structure ne s’en trouve altérée. Loin d’une approche techniciste de la durabilité, le projet assume une forme de résilience architecturale, portée par la robustesse du béton de site et la tactilité du calcaire.



Une partition urbaine et sensorielle
Trois volumes émergent de ce socle : R+3, R+6, R+7. Ils ne s’alignent pas, ne se répètent pas, mais se désaxent, glissent, se tendent les uns vers les autres. La composition est volontairement instable, presque musicale. Elle dessine des failles visuelles, ouvre des perspectives, crée du mouvement. Les biseaux, cannelures, jeux d’ombres et de lumière donnent à l’ensemble une profondeur cinétique, bienvenue dans ce type de programme.
Le sol n’est pas oublié : pavés de calcaire, rampes, patios, places et rues intérieures. L’îlot n’est pas clos : il s’ouvre en séquences traversantes, en micro-espaces publics, en seuils appropriables. Il s’élève tout en rejouant le sol en hauteur, dans une tentative sensible de faire dialoguer les strates urbaines, d’ancrer sans alourdir, d’émerger sans dominer.
Une urbanité douce, une radicalité silencieuse
Dans un quartier longtemps stigmatisé, Les Formes hautes n’exhibent pas leur modernité. Elles l’infusent. Par leur justesse d’implantation, par leur sobriété exigeante, elles font ville autrement. Ici, l’idée de densité se conjugue avec celle de porosité ; celle de monumentalité, avec celle de soin.
À Toulouse, ce projet donne à voir une manière d’habiter le présent. Ni pastiche, ni rupture. Mais une proposition sensible et structurée, capable de soutenir les incertitudes du temps par la précision d’un geste.
Maîtrise d’ouvrage : Vinci Immobilier Grand Ouest – Oppidea (31)
Architecte mandataire : Atelier Stéphane Fernandez
Urbaniste : Germe et Jam
Coût : 14 000 000 € HT
Surface : 8700m² SDP, 8090m² SHAB
Qualité, Labels environnements : RT2012-20% NF habitat 9*
Photographe : © WE ARE CONTENT(S)