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« Hans Hollein TransFORMS » au Centre Pompidou

Rares sont les concepteurs dont le geste semble aussi constamment engagé dans une tentative d’élargir les frontières de la discipline. Hans Hollein appartient à cette lignée d’architectes-théoriciens qui ont su faire de l’architecture une pensée critique, un langage visuel, un système d’images et de signes. À travers une grande rétrospective présentée au Centre Pompidou jusqu’au 2 juin 2025, le Musée national d’art moderne revisite l’œuvre plurielle de cet architecte autrichien, figure centrale de la scène radicale européenne des années 1960 et acteur-clé du postmodernisme naissant.

Commissariée par Frédéric Migayrou, avec Julia Motard et Yuki Yoshikawa, l’exposition propose un parcours en treize séquences, non comme une chronologie, mais comme une constellation d’obsessions : matière, image, perception, mémoire, technologie.

Tout commence par un refus
Formé à Vienne, à Chicago et en Californie, Hollein revient en Europe dans un climat intellectuel marqué par l’épuisement du fonctionnalisme. Il ne propose pas de style, ni même de langage, mais une posture critique : celle de l’architecte qui doute, démonte, interroge. Dans ses premiers projets, il n’est pas encore question de bâtir, mais de penser : photomontages, dessins-manifestes, visions symboliques. Überbauung Wien (1960) ou Projekt für eine Stadt ne sont pas des projets à réaliser, mais des machines à questionner. « Tout est architecture », proclame-t-il dès 1968 dans un texte resté célèbre. Un objet, un média, un vêtement, un corps : l’architecture est dans tout ce qui forme notre environnement sensoriel et culturel. Une déclaration provocatrice, mais aussi une invitation à réenchanter un monde saturé de rationalité.

Entre mythe et machine
L’œuvre d’Hollein se construit sur des paradoxes. Technologie et archaïsme. Communication et spiritualité. Monumentalité et trivialité. Il admire autant Kiesler que les objets cultuels amérindiens, emprunte à Oldenburg son goût pour l’échelle disloquée, détourne les icônes industrielles en leur redonnant une charge magique. L’architecture, pour lui, n’est jamais neutre : elle est rituelle, symbolique, chargée de récits latents. Dès les années 1970, Hollein développe des installations puissantes – Work and Behaviour, Life and Death, Everyday Situations – qui mettent en scène des situations de vie, de crise, d’absurde. Ces dispositifs performatifs seront déterminants dans son œuvre, et certains sont ici exposés pour la première fois depuis leur création.

Construire avec distance
Hollein n’est pas un architecte replié sur le papier. Il construit. À partir des années 1980, sa reconnaissance s’internationalise : il reçoit le Pritzker Prize en 1985, intervient à la Biennale de Venise (où il signe une installation mémorable pour la Strada Novissima en 1980), conçoit des bâtiments publics, des musées, des boutiques. Mais jamais il n’abandonne la distance critique : ses projets sont des collages historiques, des manipulations conscientes de l’héritage architectural. Il s’inscrit dans un courant postmoderne qui ne cherche pas à rompre, mais à relier autrement – jouer des codes pour les faire parler autrement.

Une actualité brûlante
Redécouvrir Hollein aujourd’hui, c’est retrouver une pensée qui échappe aux classifications faciles. Entre le radicalisme des avant-gardes et les langages reconstruits de l’histoire, il propose une alternative : faire de l’architecture un médium culturel actif, un instrument pour lire le monde. Dans un moment où l’architecture est à nouveau sommée de justifier son rôle – face à l’urgence climatique, aux mutations sociales, aux dérives technocratiques – la démarche d’Hollein résonne. Elle nous rappelle que l’architecture peut (et doit) être discursive, sensible, symbolique.

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Exposition Hans Hollein transFORMS
Centre Pompidou, Paris 
du 5 mars au 2 juin 2025
11h – 21h, tous les jours sauf mardis

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