texte rédigé par les architectes
crédit photos Jean-Baptiste Thiriet
Le bâtiment Louis Pasteur
Construit en 1964, le bâtiment Pasteur est situé à l’extrémité nord – ouest du site, un peu à l’écart des autres activités de l’hôpital, lui conférant une position privilégiée face aux jardins arborés à l’est et à la maison de retraite L’Orbe conçue par André Bruyère. Il est construit sur trois niveaux, dont un niveau bas de rez-de-jardin semi-enterré qui accueille la pharmacie de l’hôpital, un rez-de-chaussée comportant l’accès principal sur rue et un étage également accessible par deux escaliers extérieurs. Les façades souffrent d’une écriture assez rigide et hermétique, où le rapport déséquilibré entre les pleins et les vides accentue l’aspect austère de l’édifice. La faïence en façade participe à inscrire le bâtiment dans son époque de construction.



Un centre de recherche sur l’Autonomie
Propriétaire du centre hospitalo-universitaire Charles Foix, l’Assistance publique des hôpitaux de Paris (AP-HP) a mis à destination de Sorbonne Université les deux niveaux supérieurs du bâtiment Pasteur, pour y installer le centre. Il s’agit du premier centre de recherche et d’expérimentation sur l’autonomie des personnes dans un environnement hospitalier, regroupant utilisateurs, chercheurs et cliniciens. Plateforme de recherche en innovation technologique d’envergure internationale, son objectif est de favoriser les travaux de recherche et de développement afin de lutter contre la dépendance liée à la maladie, au vieillissement ou aux situations de handicap. Le centre se place ainsi en plein coeur de l’écosystème santé, au croisement de l’hôpital, de la ville et du domicile, dans un espace ouvert public-privé permettant synergies et collaborations en conditions de vie réelle.
La transformation du bâtiment
La structure du bâtiment est constituée d’une ossature poteaux-poutres avec des remplissages en maçonnerie de briques. Ce dispositif constructif permet une reconfiguration souple et aisée des espaces intérieurs et des façades. La disposition en L du bâtiment et la répartition des circulations verticales offrent une surface capable appréciable pour sa nouvelle destination, mais révèle un manque de lumière naturelle et de repères. Aussi, afin d’améliorer la lisibilité et le confort des espaces, la majorité des ouvertures sont agrandies pour garantir un bon niveau de luminosité et des vues dégagées. Les cloisonnements sont revus intégralement afin de répondre aux besoins du programme, et les façades sont isolées et bardées permettant d’améliorer le confort thermique du bâtiment.
Des façades métamorphosées
Les façades sont isolées par l’extérieur avec de la laine de verre de 16 cm puis revêtues d’un bardage à faux claire-voie en Douglas massif d’origine française de 44 mm d’épaisseur. Ce bardage épais assure une très bonne tenue dans le temps et son traitement par imprégnation grise offre une protection durable par autoclave, qui permet de se rapprocher de l’aspect naturel obtenu après plusieurs années d’exposition en extérieur. Un jeu de calepinage horizontal et vertical apporte rythme et structure aux façades, qui s’intègrent harmonieusement au contexte historique et fortement arboré de l’hôpital. Les volumes existants du bâtiment sont conservés et mis en valeur par un changement de teinte du bardage. Enfin, un travail particulier sur le hall s’attache à redonner de la lisibilité à l’accueil du bâtiment.




Une réhabilitation lourde
L’opération s’est déroulée partiellement en site occupé, afin de maintenir l’activité de la pharmacie hospitalière positionnée au sous-sol du bâtiment et non concernée par la réhabilitation. L’ensemble du bâtiment est désamianté et curé, et l’intégralité des cloisons intérieures sont démolies. Seuls les poteaux et quelques refends porteurs sont conservés. Pour l’agrandissement des ouvertures, un important travail de démolition en façade a permis la création d’espaces baignés de lumière et tournés vers le parc. Les fenêtres ont été remplacées au profit de menuiseries bois-aluminium plus performantes.
Accueillir et connecter
Dans le but de connecter visuellement les étages entre eux et de donner aux espaces le volume et la qualité nécessaires aux nouveaux usages, des parties de dalles existantes, constituées de plancher en poutrelles-hourdis, ont été démolies. En façade, une double-hauteur est conçue afin d’offrir à l’entrée principale un effet signal. Cet espace tampon est imaginé comme une nouvelle vitrine pour le bâtiment. A l’intérieur, la création d’un nouveau hall aux dimensions généreuses et à l’échelle du nouveau programme, se traduit par la démolition d’une large portion de dalle. Ce volume, habillé de bois, est largement vitré sur l’étage supérieur. Il offre un environnement qualitatif, chaleureux et agréable aux usagers, loin de l’imaginaire hospitalier.
Prolonger l’histoire du bâtiment
La réhabilitation d’un bâtiment existant évoque instantanément la notion de patrimoine et de sa conservation. Quelle que soit l’époque de construction d’un édifice, il convient de se poser la question de ce qu’il serait intéressant de conserver d’un point de vue architectural mais aussi structurel. Ainsi, la préservation de la structure porteuse passe également par sa mise en valeur. A l’étage, les poutres bétons sont nettoyées et laissées apparentes, témoignage du bâtiment d’origine. Au coeur du bâtiment, l’escalier principal est préservé en l’état, avec ses marches en pierres et ses mains courantes en chêne. Des pavés de verres existants permettent un jeu d’ombre perçu depuis le hall. Ils sont aussi le symbole d’une époque. Au détour de quelques traces du passé conservées, le bâtiment dialogue avec son histoire pour mieux écrire son avenir.




Un programme innovant de recherche
Le centre consiste à héberger et à accompagner temporairement des chercheurs qui portent des projets d’innovation en faveur des personnes en perte d’autonomie. Les espaces créés permettent d’imaginer des tests cliniques à échelle réelle au travers d’un appartement, d’une chambre d’hôpital ou encore d’un laboratoire de marche. L’AP-HP apporte son expertise en matière de recherche clinique, ainsi que les patients volontaires, tandis que Sorbonne Université possède un vivier de scientifiques travaillant sur les innovations technologiques, intéressés par des investigations cliniques en présence des utilisatrices et utilisateurs finaux. Il s’agira de partir concrètement des difficultés des personnes pour ensuite imaginer, concevoir et expérimenter une solution, en mesurer l’efficacité sur le long terme pour rendre cette solution disponible le plus rapidement possible.
Un rez-de chaussée dédié aux tests cliniques
Le rez-de-chaussée classé ERP comporte les espaces d’accueil, les bureaux de support – logistique et les salles d’expérimentation permettant de mettre en situation réelle les personnes en perte d’autonomie, par des tests de marche et d’actions de la vie quotidienne à échelle réelle. Les utilisateurs, patients, médecins et chercheurs, sont ainsi immergés dans des lieux de vie reconstitués tels que le domicile, la chambre d’hôpital, l’escalier connecté, la plateforme d’analyse du mouvement ou le cabinet médical. Chacune de ces salles est liée à une régie, permettant aux médecins de contrôler et enregistrer les tests cliniques.
Un étage réservé aux chercheurs
Le second niveau à l’étage est dédié aux chercheurs et se compose d’un atelier de fabrication pour prototypes (fablab), de salles de travail et de conférence, de bureaux et d’un vaste espace de convivialité. Un maximum de flexibilité est apporté aux espaces de recherche avec de nombreux open-spaces, qui permettent d’envisager des aménagements différents et des usages multiples. Les espaces sont traités soit en grande transparence les uns avec les autres, soit avec une confidentialité plus grande dans des pièces à l’abri des regards.
L’usage du bois
L’emploi du bois en façade donne une identité certaine au bâtiment tout en s’intégrant harmonieusement et délicatement dans l’atmosphère verdoyante du site. Sa mise en oeuvre soignée et pré-grisée garantit une patine nécessaire à l’homogénéité des façades. A l’intérieur, le bois révèle sa couleur naturelle, faisant écho au tronc et son écorce, apportant contraste entre intérieur et extérieur. Il s’agit ici de faire oublier le contexte hospitalier dans lequel le projet s’inscrit. Ainsi, l’emploi du bois à l’intérieur participe à la création d’un environnement chaleureux et familier, tant pour les médecins que les patients. Les essences employées, sycomore et hêtre, se distinguent par leur couleur légèrement rosée et douce, qui accompagne les usagers au travers les différents espaces.
Des aménagements intégrés
Au rez-de-chaussée, l’accès est particulièrement mis en valeur avec la conception d’un hall généreux en double hauteur, habillé de bois et visible en transparence depuis le palier de circulation à l’étage. Une banque d’accueil est intégrée à l’entrée permettant d’orienter les visiteurs dans les différents services, en complément d’une signalétique claire et lisible. À l’étage, l’aménagement repose sur la création de murs fonctionnels en bois, qui structurent et habillent les intérieurs, dissimulent les organes techniques et intègrent des placards et rangements. Ils permettent également de délimiter les espaces en proposant d’un côté de généreuses pièces ouvertes, et de l’autre côté, des lieux de travail clos, des espaces de stockage et des blocs sanitaires.
Transformation du bâtiment Louis Pasteur en centre de recherche sur l’Autonomie à Ivry-sur-Seine
– Maîtrise d’ouvrage principale : Sorbonne Université
– Partenaire : Assistance publique des hôpitaux de Paris (AP-HP)
– Maîtrise d’œuvre : Atelier Téqui Architectes, mandataire
– Surface de plancher : 1 545 m²
– Surface utile : 1 173 m²
– Coût du projet : 3,7 millions d’euros
L’Atelier Téqui Architectes
Pratiquant une architecture sans faux-semblants, l’Atelier Téqui Architectes concentre sa recherche sur la justesse et la subtilité de ses propositions. Son travail sur la matière demande une expérience prolongée, une curiosité suivie, une attention aux réalisations passées. Il s’agit de connaître les besoins vitaux du matériau et sa constitution propre pour en anticiper le vieillissement. C’est ainsi que le temps qui passe apporte sa patine au projet. Cette architecture, en renouant avec l’histoire, vise la pérennité de la construction. Elle se sublime dans l’épaisseur, l’épaisseur de la matière mais aussi l’épaisseur historique et la densité du territoire.
Depuis la création de l’atelier en 2005, Louis Téqui et son équipe envisagent le projet d’architecture comme un prétexte à la bienveillance. Dans l’échange avec la maîtrise d’ouvrage, la collectivité et ses élus, les entreprises et les ingénieurs, l’écoute et l’exigence sont les valeurs communes nécessaires pour la qualité de la réalisation. En 2018, l’Atelier Téqui est primé par The European Centre for Architecture Art Design and Urban Studies, parmi les quarante architectes de moins de quarante ans en Europe (40 under 40) qui « influenceront l’avenir proche de l’architecture européenne, tant dans sa théorie que dans sa pratique ». L’Atelier Téqui travaille sur l’expression de la vérité structurelle, l’optimisation des ressources de la matière, et la précision de sa mise en oeuvre. Maître d’oeuvre, il inscrit son architecture dans un souci de développement durable, de pérennité, où la qualité des matériaux tient une place décisive. Sa pratique vient exalter le génie du lieu, elle met en avant la noblesse des matériaux, la richesse des métiers, le passé venant révéler l’avenir. Elle s’enracine dans le contexte pour le poursuivre, le développer, l’affirmer ou en exprimer la valeur cachée. Elle assume la complexité du monde et la valeur des rapports humains. Cette architecture ne vient pas pour abolir, elle renoue pour accomplir. L’Atelier Téqui Architectes travaille sur des projets aux programmes variés (équipements, logements, bâtiments neufs, réhabilitation, urbanisme …) tant en phase conception qu’en direction de travaux.