Exposés dans le Parc de la Villette durant les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, les 20 pavillons conçus par des étudiants des écoles nationales supérieures d’architecture pour accueillir les fédérations sportives, sont voués à être démontés. Si leur destination finale n’est pas clairement définie, il est encore temps d’en rappeler les qualités constructives mais aussi toute la poésie. Sous le regard du photographe Aurélien Chen.
À l’occasion des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris, vingt écoles d’architecture françaises se sont engagées à réaliser autant de pavillons grandeur nature devant refléter la philosophie de chacune des fédérations sportives accueillies. Les budgets étaient limités, les règlements stricts, les matériaux imposés par une logique de réemploi. Derrière la légèreté apparente des structures se cache en effet un récit plus complexe, celui de la tension entre contraintes et désirs, formes imposées et libertés fragmentées. Les jeunes architectes ont su faire de ce cadre une opportunité pour réinventer l’espace : réponses architecturales aux impératifs olympiques, les pavillons sont bien plus qu’un simple exercice de style, un dialogue entre le monde tangible du sport et l’intangible, que le photographe Aurélien Chen révèle dans ce reportage. Légèreté du bois, souplesse de l’acier, jeux de transparence et d’opacité, toute forme de résistance, subtile mais puissante.
Nous souhaitons longue vie à ces œuvres remarquables.
Crédits photos : Aurélien Chen
Le kiosque et les espaces ouverts
> Ascension – Ensa Paris-Est x FF Escalade
Métaphore de l’ascension verticale propre à l’escalade, le pavillon se compose de deux structures jumelles en treillis, l’une abritant une pergola, l’autre un mur d’escalade culminant à 11 mètres. Tel un signal visuel fort, le bois et l’acier biosourcés traduisent la dualité entre légèreté et solidité, invitant à une expérience à la fois sensorielle et sportive.
> Le Triangle – Ensa Strasbourg, INSA x FF Triathlon
La géométrie triangulaire de ce pavillon, évocatrice des trois disciplines du triathlon, déploie une structure simple mais élégante. Ses poutres treillis légères soutiennent une couverture plissée en zinc, tandis que l’espace intérieur, rythmé par des poteaux, semble s’étendre dans l’environnement extérieur, reflétant la fluidité du sport.
> Surf La Kaz – Ensa La Réunion x FF Surf
Imprégné des traditions réunionnaises, Surf la Kaz s’inspire des abris de surf de bord de mer et des structures festives historiques de l’île. Construit en bambou, ce pavillon en U traduit les ondulations de l’océan dans la souplesse du matériau. Une ambiance douce et naturelle émerge, faisant écho à la fluidité des vagues et à l’adaptabilité des surfeurs.
Intériorité et fragmentation
> Ty-Arc’h – Ensa Bretagne x FF Tir à l’arc
S’inspirant des anciens abris de tir à l’arc en extérieur, Ty-Arc’H réinterprète la tradition avec des matériaux naturels comme le liège et le bois. Les parois en corde tressée rappellent les arcs, tandis que les trois volumes du pavillon s’organisent autour d’un espace central, ancré dans la terre par des plaques de béton recyclé.
> CO3 – Ensa Montpellier x FF Skateboard
Construit à partir d’échafaudages et de filets blancs, CO3 évoque le dynamisme du skateboard. Un écran géant se dresse au cœur du pavillon, rappelant les rampes de skate, et des projections visuelles animent l’espace. L’architecture modulaire en acier et bois suggère une interaction constante entre les sportifs et le public.
> Immersion bleutée – Ensa Grenoble x FF Sports Nautiques
Immersion Bleutée est une invitation à explorer le mouvement de l’eau. Sa structure en bois, enveloppée de panneaux ajourés en tôle d’aluminium, recrée l’effet lumineux des caustiques sur l’eau. Chaque jeu d’ombre et de lumière projette une atmosphère apaisante, rappelant les motifs mouvants à la surface d’un lac ou d’une rivière.
> 5 sens du Penta – Ensa Bordeaux x FF Pentathlon Moderne
Les 5 Sens du Penta relie sport et perception. Ce pavillon, construit en collaboration avec l’École du Bois de Nantes, propose un parcours immersif autour des cinq sens, chaque module reflétant une épreuve du pentathlon moderne. Les matériaux boisés et naturels renforcent cette expérience multisensorielle.
> Le Pavillon du Rugby – Ensa Toulouse x FF Rugby
Le Pavillon du Rugby réinterprète les valeurs collectives du rugby avec une structure en bois qui rappelle les gradins d’un stade. Les briques rouges, typiques de Toulouse, servent de lest et ancrent le pavillon dans son environnement ; l’espace central accueille des poteaux symbolisant la force du collectif.
Géométries pures
> Le Manège – Ensa Versailles x FF Équitation
Le Manège prend la forme d’un anneau, écho aux espaces équestres circulaires. Composé de bottes de paille empilées, sa toiture en tôle percée en son centre crée une ouverture vers le ciel, à la manière d’un oculus. Ce pavillon célèbre à la fois la force tranquille du cheval et l’harmonie de la nature.
> Vélodôme – Ensa Clermont-Ferrand x FF Cyclisme
Le Vélodôme se construit autour de la forme iconique de la roue de vélo. Sa structure circulaire en bois du Massif Central et son soubassement en pierre volcanique forment une architecture épurée qui évoque la simplicité démocratique du cyclisme. Un hommage à la discipline où l’ingénierie rencontre la poésie.
> Avant-Garde – Ensa Malaquais x FF Escrime
Le pavillon Avant-Garde capture l’élégance acérée de l’escrime. Deux espaces se font face : un amphithéâtre pour les démonstrations et une alcôve pour l’exposition. L’emploi de matériaux réemployés, tels que le bois massif et la tôle ondulée, traduit la subtilité des parades et des attaques, où chaque geste est aussi précis que l’architecture qui le supporte.
> Pavillon d’athlétisme – Ensa Paris-Belleville x FF Athlétisme
Le Pavillon d’Athlétisme traduit les grandes victoires sportives à travers l’architecture. Un parcours sensoriel, ponctué de sons, de textures et de lumière, invite les visiteurs à expérimenter l’effort physique. Des matériaux symboliques, comme les tuiles de carbone d’un A380 ou le sol issu du Stade de France, racontent l’histoire de l’athlétisme.
Matériaux et techniques constructives
> Les Ram’eaux – Ensa Nancy x FF Aviron
Les Ram’Eaux déploie une scénographie inversée de la course d’aviron. Les skiffs, ces embarcations emblématiques du sport, sont ici intégrés dans des poutres évoquant la fluidité de l’eau, tandis que des poteaux en bois symbolisent les rames. La complexité du treillis tridimensionnel, conçu via une modélisation numérique avancée, souligne la maîtrise technique de ce pavillon qui semble flotter sur une mer architecturale.
> Folie de la voile – Ensa Marseille x FF Voile
Inspirée des abris marins, Folie de la Voile incarne la légèreté des voiliers. Des voiles tendues créent une partition dans l’espace, et le recours à des matériaux recyclés exprime la volonté de durabilité. Ce pavillon évoque le mouvement du vent, oscillant entre délicatesse et force, en hommage aux courses nautiques.
> Step by step – Ensa Lyon x FF Danse
Avec Step by Step, l’architecture devient chorégraphie. La structure en bois, assemblée sans clou ni vis, semble vibrer au rythme des mouvements des danseurs. Chaque pas résonne dans l’espace, comme une danse envoûtante qui prend forme à travers le jeu de lumière et les ombres projetées sur les parois.
Usages et adaptabilité
> Coup de poing – Ensa Val-de-Seine x FF Boxe
Coup de Poing exprime la force brute de la boxe à travers une dualité architecturale. Un mur massif et opaque symbolise la puissance du coup, et une structure tridimensionnelle en bois léger incarne la rapidité des esquives. Cette opposition visuelle rappelle les moments de tension et de relâchement sur le ring.
> Papillon – Ensa Lille x FF Basketball
Inspiré du dynamisme du basket, Papillon s’élève avec une légèreté aérienne. Des cannes de bambou forment une structure parapluie, sous laquelle le public circule librement. Des symboles du basket-ball, comme des éléments de gabions, se fondent dans l’architecture, invitant à découvrir cet espace à la fois festif et léger.
> Up ‘n Out – Ensa Paris-La Villette x FF Lutte
Up ‘n Out s’inspire de la souplesse et de l’agilité des lutteurs. Ce pavillon, construit en acier et Lycra, reprend la géométrie circulaire d’un tapis de lutte. L’architecture légère et fluide traduit le lexique de ce sport : « UP » pour la verticalité, et « OUT » pour l’ouverture sur l’extérieur.
> La routine – Ensa Saint-Étienne x FF Gymnastique
Avec La Routine, le pavillon traduit l’esprit de la gymnastique à travers des formes arrondies et répétitives. Ses parois en toile microperforée et son ruban de bois massif créent un cocon d’intimité et de souplesse. L’organisation de l’espace fait écho aux mouvements chorégraphiés des athlètes.
> L’envol – ESA Paris x FF Badminton
L’Envol célèbre la légèreté du badminton à travers une structure inspirée du volant. Des plumes en toile de montgolfière recyclée dessinent la périphérie, et des treillis en bois symbolisent le tamis de la raquette. La canopée de ce pavillon évoque un envol suspendu dans les airs.
L’ensemble des photographies est soumis à un droit d’utilisation
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Entretien avec Aurélien Chen
Quel est votre parcours ?
_A.C. : Je suis architecte et photographe d’architecture. Pendant quinze années, de 2004 à 2019, j’ai vécu en Chine, années pendant lesquelles j’ai été un « témoin actif » de l’incroyable métamorphose urbaine du pays : je travaillais sur des projets architecturaux tous plus stimulants les uns des autres et j’arpentais les villes chinoises avec mon appareil photo pour documenter leur transformation, ce qui m’a amené assez naturellement à la photographie d’architecture. Ces années fastes ont été couronnées de nombreuses récompenses professionnelles dans les deux disciplines (lauréat du Architecture Masterprize, du FD100, lauréat du Architectural Photography Awards).
En 2020 c’est le retour France. J’ai fait le choix de continuer de mener de front la pratique architecturale et celle de la photographie d’architecture, ces disciplines se nourrissant à mes yeux l’une de l’autre. Après la Chine, il a fallu se réadapter au paysage architectural français et à la ville française, dont la maturité était, au premier abord, moins fascinante qu’en Chine. C’est désormais essentiellement à travers les commandes de reportage pour les architectes que je m’exprime photographiquement, appréciant notamment la fraîcheur et l’audace des jeunes agences.
Qu’avez-vous ressenti au travers de ce reportage ?
_A.C. : J’ai suivi avec curiosité le projet Archifolies, c’était une thématique qui m’était chère, ayant moi-même travaillé sur la micro-échelle urbaine et les installations architecturales. Et lorsque je me suis rendu au Parc de La Villette pour les visiter, j’ai tout de suite été enthousiasmé par leur « fraîcheur architecturale », j’ai ressenti l’évidente stimulation intellectuelle et l’engagement de ces étudiants concepteurs et constructeurs, j’ai été frappé par l’audace des systèmes constructifs et de réemploi mis en œuvre. J’ai eu l’envie de photographier chaque pavillon, spontanément – à main levée sans trépied. J’ai pris le temps de lire leur description et j’ai essayé d’en retranscrire, avec des vues d’ensemble et des plans serrés, non seulement la conception générale, l’expérience sensorielle et spatiale proposée, mais aussi les solutions techniques. En discutant avec différents acteurs du projet côté Ensa, il apparaît que les Archifolies ont vu le jour dans une certaine frustration. C’est pour rendre hommage au formidable travail que les étudiants des Ensa ont réalisé, ensemble avec les encadrants des écoles et avec les bureaux d’études et de conseils qui les ont accompagnés, que je partage avec enthousiasme ces photographies.