En livrant à quelques semaines d’intervalle deux musées dans l’Hérault – celui de la Mer à Sète et Médard à Lunel –, les architectes nîmois Nicolas Crégut et Laurent Duport donnent corps à deux équipements municipaux que leur budget mesuré ne prive pas d’âme !
« En avant la barque rouge, en avant la barque bleue ! »
Qui n’a jamais entendu cette phrase magique signal du départ des joutes dans les ports de Sète, Palavas, le Grau du Roi et tant d’autres de la Côte et d’ailleurs ? Désormais dans la bonne ville de Brassens, Valery et Vilar, elles ont leur musée dit de la Mer, avec costumes, instruments, lances, trophées, souvenirs, etc. S’y ajoute un second ensemble consacré à l’histoire économique et sociale du port depuis sa fondation au XVIIe siècle ainsi qu’à l’exceptionnelle collection d’André Aversa. Ce charpentier de marine a fait don à sa ville natale de 14 maquettes ciselées de ses propres mains et classées en 2010 à l’inventaire des monuments historiques : quoiqu’à échelle réduite, certaines dépassent pourtant les 2 m de longueur.
Reconversion muséale réussie
Sur le Mont Saint-Clair – à proximité du cimetière marin, du Sémaphore, du musée Paul Valery et du Théâtre de la Mer –, l’Institut français de recherches pour l’exploitation de la Mer (Ifremer) au tournant de l’an 2000 laisse inoccupé une de ses antennes, vite squattée, dévastée, recouverte de tags moins que médiocres. Récupérée par la Ville pour accueillir un nouveau musée, cette pauvre chose au bord du gouffre, hier pantelante, vient de renaître tel qu’en elle-même mais radicalement nouvelle à l’image d’un phœnix. Remarquablement adapté à son objet, vous n’y verrez pas l’architecture d’un côté et la collection de la l’autre ; l’une travaille pour l’autre et réciproquement. Le musée ouvert, tout cela coule de source. Il a pourtant fallu batailler, nettoyer, conforter, adapter, passer aux normes, en particulier réaliser une isolation thermique par l’extérieur. Et d’abord choisir quoi éliminer et que garder. Malgré ses coups et blessures, le bâtiment très fifties – bien que construit dans les années 70 – ne manquait pas de qualités. A part un rajout côté ouest aux allures de préfabriqué, il tempérait sa modernité de douceurs balnéaires avec ses toits en pente et tuile canal, son étage en balcon sur la mer, ses grandes et longues fenêtres.
De vrais architectes à la barre
Nicolas Crégut et Laurent Duport ont tranché en faveur d’une austérité blanche – hommage au Corbusier des années 20 – mâtinée d’abstraction venue de l’Espagne contemporaine. Côtés ouest et Grande Bleue, masses et découpages s’imposent sans sourire contrairement aux élévations est et nord, très composées, travaillées en profondeur, entités à la fois indépendantes et articulées.
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Du trottoir de la rue Jean Vilar, impossible de résister à l’envie de gravir les quelques marches du bel escalier qui conduit en douceur à l’entrée. Début de parcours. Comme le blanc universel des façades, celui des salles – exceptés les sols de résine sombre – accentue la fluidité du plan de cet unique niveau d’exposition. Les deux tiers restant du bâtiment servent aux pôles Culture, Animations et Festivités municipaux glissés, avec les réserves et les locaux techniques, dans la pente, aux niveaux – 1 et – 2. Prenant côté mer la lumière du sud, d’étroites fenêtres horizontales scarifient l’intérieur du musée de deux bandeaux continus, l’un au sol, l’autre à hauteur des yeux. Entre eux, se glisse la longue frise de l’histoire chronologique du chantier naval, ainsi intimement mêlée aux vues sur la falaise, la mer et là-bas l’horizon. Au milieu de cette grande salle, les tables en L – en multiplis de bois plaqué de hêtre avec capot de plexiglas (polyméthacrylate de méthyle) – mettent en scène les maquettes à 75,5 cm du sol. Facile donc d’en faire le tour, de les observer et d’en scruter l’étonnante précision.
Impression d’air, de liberté de parcours filant que ne gênent pas les fins potelets d’acier substitués aux voiles béton démolis. Supportant la toiture, ils évitent non seulement d’avoir une structure proche de la façade et des meneaux trop importants, mais autorisent aussi les longilignes baies panoramiques sur la mer. La pente du plafond (en plaques de plâtre acoustique perforées) – vestige du toit d’antan désormais invisible de l’extérieur – appuie la dynamique du parcours poursuivie dans quatre autres petites salles dont une dédiée au multimédia.
Bref, ni grand geste, ni effet de manche, rien que de l’utile… très agréable !
A Lunel, entre Nîmes et Montpellier, la même agence vient d’achever la refonte en profondeur du Musée Médard et de sa belle demeure patricienne du XVIIIe siècle. Comme à Sète, la réhabilitation lourde couplée à la transformation majeure du cadre bâti vise ici à valoriser le fonds Ménard autour des métiers du livre, dont sa passionnante bibliothèque, et les mettre au service des visiteurs.
De par l’inscription de leurs collections dans l’histoire locale, dont elles ravivent la mémoire, et la parfaite adéquation de leur contenant/contenu, ces deux réalisations tirent une évidente légitimité au sein de leur territoire.
FICHE TECHNIQUE
Musée de la mer
Rue Jean Vilar, 34200 Sète
Maître d’ouvrage, Ville de Sète.
Architectes, Nicolas Crégut et Laurent Duport (C+D architecture).
Chef de projet, Sophie Fernandez.
BET structure/fluides/économiste, Gromtmij Befs.
Ouverture, 15 mai 2014.
Superficie, 1064 m².
Coût travaux, 1.61 M € HT.
Délais, Etudes 12 mois, travaux 16 mois.
Macro-lot, SBPR.
Agencement muséo, Arscènes.
Doublage Façade : Aquapanel Outdoor de Knauf.
Sols coulés, Boulenger.
Luminaires, Concord de Sylvania.
Ascenseur, Thyssen.
Jean-François Pousse
Courtesy C+D Architecture/M. – C. Lucat
>Paru dans Archicréé n°369