Un cirque, à quoi ça sert ? Pour le jongleur et philosophe Nikolaus, c’est un geste culturel. Il dépasse le nécessaire. En ce sens, « le cirque appartient officiellement à ces choses qui ne servent à rien et qui, pour cette raison, ont toutes les chances de rester dans un monde ou beaucoup de choses vont disparaitre ». À l’image d’un saut périlleux, faire émerger un lieu inutile demande beaucoup d’énergie, d’engagement et force l’admiration. Liant le rire à l’exploit, le Plus Petit Cirque du Monde à vocation à devenir grand.
Pas si petit que ça

Démarche sociale
A l’origine, le PPCM est une petite association fondée en 1992 par Daniel Forget. Issue des habitants de la ville, l’école de cirque est née à Bagneux (92), au cœur du quartier populaire de Blagis. Très rapidement, elle développe une stratégie d’inclusion et offre des formations aux personnes défavorisées. En tant que pionnière du cirque social et membre fondateur du CARAVAN Circus Network, l’association fait des arts du cirque un outil ludique de mixité et de socialisation. Rejoint par son directeur Elefterios Kechagioglou en 2007, le PPCM devient un lieu hybride qui participe au développement de son quartier. Il transmet son savoir à plus de 5000 personnes par an et expérimente de nouvelles pratiques en croisant les arts circassiens avec des cultures emergentes à l’image de Yamakasi. Si le projet fut difficile à mettre en marche, il voit aujourd’hui son point d’orgue avec l’arrivée d’une structure en dur qui lui est dédiée, couronnée d’un chapiteau haut de 28m.
Projet origa(s)mique
L’agence Construire cogérée par les architectes Patrick Bouchain et Loic Julienne a su proposer un projet à la hauteur des ambitions de l’association. Située sur les anciens terrains de sport du gymnase Marcel Cachin, à coté de l’école que fréquentait Loic Julienne, les 1900m² du projet s’intègrent parfaitement au contexte, qu’il soit social (chantier participatif) ou formel, même si la construction fait de l’ombre au clocher de l’église.
Ainsi, en regard du cirque Fratenilli, l’entrée se fera par le foyer, lieu de partage géré dans un esprit de café associatif et ouvert sur un espace extérieur central. La piste de 13 m de diamètre aura vocation à devenir un espace de représentation pouvant accueillir 360 personnes sur des gradins démontables. Mais elle sera surtout un espace d’apprentissage dont les alcôves permettront un travail plus individualisé.
Les passerelles techniques se trouvent au même niveau que la salle de résidence qui lui est jointe. Cet espace est dédié à l’accueil et à la formation de compagnies professionnelles. Les bureaux administratifs eux se greffent sur l’ancien gymnase qui sera reconverti en salle de danse de 14 x 13 m de cotés. Des accroches au plafond pour les agrès seront ajoutées afin de favoriser la mixité entre les arts.
Pour ce projet, les architectes ont décidé de mettre à profit le savoir-faire et la qualité du travail des compagnons du Tour de France. Structurée par une spectaculaire charpente bois aux détails raffinés, la toiture s’élève tel un origami coloré. En plus d’être un matériau écologique, le bois est économique et rapide à mettre en place. Préfabriqué en atelier, la structure est montée en deux à trois semaines. Afin de répondre à la règlementation thermique, les pans inclinés sont recouvert d’une membrane d’étanchéité, reposant sur un système tôle/isolant, et les pans verticaux sont revêtus d’un bardage bois.
Chantier participatif
Privilégier une charpente bois a permis de faire un chantier ouvert. Les activités ne sont pas délocalisées, d’autant plus que le gymnase reste fonctionnel durant toute la première phase des travaux. Le premier élément construit fut la « Baraque », lieu de vie éphémère ou tout le monde converge, offrant convivialité et partage. Parfois cantine pour les ouvriers, elle héberge aussi les bureaux de l’administration, et accueille les artistes et les familles. La maquette du bâtiment y est exposée, ainsi que les premiers comptes rendus de chantier, les photos des élèves de l’école, les plans de travail, etc. Le chantier devient un espace artistique, où les ouvriers s’apparentent à des acrobates, et les artistes s’inspirent de l’atmosphère du chantier. Ainsi, les poutres du foyer portent les textes des enfants invités à travailler sur l’acronyme PPCM.
La première phase du projet sera inaugurée le 25 juin 2015, lors du festival Hip Cirq. Ce sera l’occasion de faire découvrir les nouveaux espaces, scénographiés par le Directeur Artistique du chantier Nikolaus. En attendant, les « Vendredis Baraque » reçoivent chaque semaine une association de la ville de Bagneux, les « Dimanches au Cirque » accueillent les familles et enfants lors d’activités conviviales et fédératrices, et les « Mardis Quartier » sont des espaces d’expression pour les jeunes des cités avoisinantes.
Le chantier du Plus Petit Cirque du Monde dévoile une grande volonté artistique, invitant tout à chacun à profiter du spectacle !
Amélie Luquain
Courtesy PPCM – Construire – Photo Club de Bagneux