Construit entre 1894 et 1897, le Palais de Justice de Strasbourg, siège du Tribunal de Grande Instance, se voit remis au gout du jour par l’agence espagnol Garcès De Seta Bonet Arquitectes.
Conserver et s’affirmer
En plein cœur du centre ville de Strasbourg ont débuté courant juin 2014 les travaux de rénovation du Palais de justice. Datant du 19ème siècle dans un style impérial allemand, il ne répond plus aux besoins fonctionnels actuels et nécessite une remise aux normes. L’Agence Publique pour l’Immobilier de la Justice, mandatée pour l’occasion, en a confié le dessin architectural au cabinet barcelonais Garcès De Seta Bonet Arquitectes.
Leur parti pris fut de concilier architecture originelle et contemporaine. Pour ce faire, ils ont supprimé le faux semblant de la surélévation de 1978 remplacée par un chapeau contemporain en recul de 2 m. Au pied du bâtiment ne se lit que la façade historique tandis qu’en s’éloignant on peut apprécier le contraste architectural.
Le chantier en cours comprend trois phases : une première a consisté à identifier, protéger et restaurer les éléments inscrits à l’inventaire du patrimoine historique – notamment la salle des Pas Perdus et les façades – avant d’engager une réhabilitation lourde sur 12300 m², suivie de 6024 m² de construction neuve dans la cour centrale.
Une rénovation remarquable
Dans le respect de l’Histoire, le portique d’entrée entièrement rénové conserve (selon la volonté de la DRAC) les cicatrices de la guerre. Derrière l’immense hall d’accueil, la salle des Pas Perdus est d’autant plus majestueuse qu’elle baigne sous la lumière naturelle du patio central qui lui est accolé.
Le bâtiment attenant qui autrefois l’obscurcissait et maintenait dans l’ombre ses attributs est aujourd’hui démoli. 6 tirants de 20 m de long et 8 poteaux de contreforts provisoires de 18 m de haut reprennent les poussés des arcs boutants (5 à 8 T par tirants), en attendant les deux cages d’ascenseurs combinées à des contreforts permanents. En toiture, les actuels vitrages facettés de la voûte en berceau amenant la lumière zénithale seront rénovés et reste surmontés d’une verrière pyramidale.
Dans la salle des Pas Perdus où tous les usagers se côtoyaient, les flux seront redistribués. Les détenus accèderont à la salle d’audience par le sous-sol à 4,5 m en dessous du plancher d’origine, ce qui a nécessité une reprise en sous-œuvre. Les magistrats, juges et avocats emprunteront quatre escaliers disposés aux coins du bâtiment, requérant l’évidemment des planchers. Le public empruntera les ascenseurs panoramiques et coursives intérieurs ceinturant le patio. Donnant accès aux salles d’audience du premier et second niveau n’ayant sollicité que des travaux mineurs, les circulations desserviront aussi les nouvelles salles qui se tiennent en lieu et place de l’ancienne cour.
Tel une vague, quatre puits de lumière de forme coniques les éclaireront zénithalement. Culminant à 13 m, la partie centrale de la charpente métallique sera montée courant juillet / août. Actuellement, l’entreprise BCM a livré l’aile Ouest en avril, termine l’aile Est dont le faitage respecte avec bienveillance l’église Saint-Pierre-Le-Jeune et prévoit la livraison de l’aile Nord fin juin, d’une hauteur de 8 m au faitage le plus haut. Demandant 1000 heures d’études dues à la complexité des arêtiers et aux nombreux pans inclinés, elle constitue un véritable travail d’orfèvrerie où le jeu de répétition des montants d’acier magnifie l’espace. Pré-montée au sol, cette charpente supportera la nouvelle toiture revêtue d’inox destinée à accueillir au troisième étage les bureaux, et sur l’emprise moindre du quatrième la bibliothèque, l’espace de restauration et de détente.
A grand chantier, échelle humaine
Ce chantier est un véritable défi pour les 4 entreprises (Spie batignolles est, Eiffage Construction Alsace, Eiffage Energie et Clemessy) qui travaillent main dans la main. Dans ce milieu urbain dense, les habitants ont déjà subi 3 ans de travaux. Une politique de transparence et de communication a été mise en place très en amont du projet avec les riverains et élus. Dans les faits, en plus des séances plénières participatives et de la charte de faible nuisance, une responsable Qualité Sécurité Environnement est présente quotidiennement sur le chantier, un site internet recueille avis et plaintes tout en informant, un organigramme du bruit est affiché… Quant à l’emprise des installations de chantiers, elle ne représente que 1800m² et bouleverse à minima les alentours. La grue occupe le futur patio végétalisé, les circulations sont préservées, les travailleurs ont troqué leur traditionnel Algeco pour un immeuble voisin. En quelques chiffres, ce chantier requiert 40 000 heures de main d’œuvre, 120 personnes en phase Tous Corps d’Etat et 34 millions d’euros TTC. Si actuellement les usagers occupent un palais provisoire de 5000 m² sur le parvis, ils pourront retrouver leurs locaux en 2017.
Amélie Luquain
CourtesyAPIJ©jm.bannwarth
CourtesyAPIJ©BCM