L’Ordre des Architectes d’Ile-de-France publie “21 réflexions pour Réparer la Ville” : un recueil d’idées qui esquisse la ville de demain et qui pose la question : comment et pourquoi réparer la ville ?
Rénover, réparer, réhabiliter, réinvestir ou transformer plutôt que détruire et reconstruire. Les 21 professionnels qui ont contribué au recueil “ 21 réflexions pour Réparer la Ville” s’accordent sur la nécessité de repenser l’aménagement des villes et des territoires français. Une réflexion ancrée dans une réalité environnementale comme le souligne Alexandre Labasse, architecte et directeur général du Pavillon de l’Arsenal : “il est plus efficient que chacun rénove sa propriété pour améliorer la consommation de l’ensemble du territoire que de construire neuf et performant […] sachant que le BTP produit trois quarts des déchets en France. Il faudrait la pierre dont l’émission de CO2 sur un cycle de vie est 35% moindre que le béton”. Une réflexion qui s’ancre aussi dans une réalité sociale.
Replacer l’humain au cœur de la ville
Quelques-uns des experts qui ont participé à “Réparer la Ville” ont évoqué la création d’un lien personnel entre l’humain et son territoire. Une attache presque intime afin de lutter contre la destruction quasi systématique de la ville.
Réparer la ville en changeant le regard sur un lieu plutôt qu’en le rasant, telle est la pensée de l’architecte et urbaniste Florence Declaveillère. Architecte des bâtiments de France, elle considère primordial que l’habitant soit “fier” et “attaché” à son territoire. Pour cela, il faut se servir de l’outil culturel et artistique qui s’appuie “sur l’existant aussi bien spatial que social” et qui favorise une collaboration long-terme, essence même de l’urbanisme.
C’est un autre pan de la notion de coopération qui apparaît essentielle pour Julien Beller. L’architecte estime qu’il faut “ajuster la fabrique urbaine” à l’ensemble du territoire. Les institutions publiques doivent, certes penser les systèmes de transports, de logements, de travails et de services en lien avec le territoire, mais en collaboration avec la “société civile”.
Réparer c’est aussi permettre “aux territoires de faire sens par eux-mêmes” avance Mathias Rollot. À cette fin, l’architecte et docteur en architecture estime que “chacun doit réclamer son droit à s’approprier sa ville” auprès des sociétés d’experts qui l’en dépossède et “à la réparer” pour la faire, la faire vivre, en vivre et y vivre.
Réformer la législation
La législation française, dans tout ce qu’elle a de compliqué, favorise la construction nouvelle au détriment de la rénovation.
Rénover les territoires contemporains ne rimerait à rien. Il faut privilégier ceux qui présentent le plus gros potentiel. Ces territoires “les plus éloignés, dans les grands ensembles” que Julien Beller n’hésite pas à qualifier de “lieux de désolation”. Il prône la réappropriation du patrimoine, et balaie la destruction et la construction. Pour cela, il est nécessaire “d’assouplir les règles de sécurité et d’accessibilité”. L’architecte émet l’hypothèse de mesures compensatoires afin de favoriser l’adoucissement de la législation. Une vision peut-être complaisante pour certains, qui souhaitent des décisions plus fortes.
Face à la situation actuelle, Mathias Rollot pourrait se laisser convaincre par une idée plus drastique : “rendre la France inconstructible”. Émise par l’architecte Corinne Vezzoni, cette proposition “serait une mesure réellement efficace pour lutter contre l’étalement urbain sur des terres forestières, arables ou sauvages. Ce serait aussi un bon moyen d’inciter à la réhabilitation, la reconversion, la reconstruction, la réparation.” Sans doute conscient de la difficulté à mettre une telle mesure en place, il nuance. Il propose plutôt un arrêt de la “muséification” : il faut repenser la paperasse infinie et complexe qui protège les territoires, et qui les empêche de s’adapter au monde contemporain.
Toutes ces propositions misent sur l’adaptation des disciplines de l’aménagement, de l’urbanisme et de l’architecture. Et quid de l’adaptation des professionnels ?
Aujourd’hui, les architectes notamment sont rémunérés grâce à l’indexation de la valeur des travaux. Alexandre Labasse émet l’idée de revoir ce principe historique : “il faut désindexer le coût de la matière consommée avec le travail de l’architecte. Il n’y a pas d’économie de matière sans dépense supérieure pour leur mise en œuvre et non l’inverse.” Une meilleure valorisation du travail de l’architecte permettrait donc une meilleure préservation de l’environnement.
Rémi de Marassé