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Réparer l’ordinaire : Tectoniques

À Dole, dans le Jura, l’agence lyonnaise Tectoniques transforme le collège Maryse Bastié en explorant les vertus cachées d’un patrimoine ordinaire. Une opération chirurgicale en site occupé, entre restructuration et extension, qui illustre une vision engagée de l’architecture comme art de la réparation.

Certains bâtiments du quotidien, issus des décennies passées, témoignent d’une époque fonctionnelle souvent malmenée par le temps. Construit en 1974 dans un tissu périurbain composite mêlant zones d’activités, lotissements et équipements publics, le collège Maryse Bastié de Dole semblait condamné au discrédit. Comme tant d’autres architectures fonctionnalistes issues de la massification scolaire, il portait les stigmates de son époque : fragmentation du bâti, additions successives désordonnées, dégradation de l’enveloppe, incohérences programmatiques.
Pourtant, plutôt que de raser, l’agence Tectoniques a choisi de regarder autrement. Ne pas opposer passé et avenir, mais s’appuyer sur l’intelligence structurelle du déjà-là pour recomposer. La restructuration du collège — phasée sur trois années pour maintenir l’activité en site occupé — ne cherche pas l’effet, mais la clarté. Elle s’organise autour de gestes précis, sobres et lisibles, qui réparent autant qu’ils transforment.

Une architecture-fonction réinterprétée
À l’origine, l’établissement était bâti selon un système orthonormé, rigide, peu en prise avec son environnement. Les architectes en ont conservé l’essentiel, supprimant les extensions parasites, puis prolongeant le plan existant vers l’est pour y insérer un nouveau bloc pédagogique et la demi-pension. Vers l’ouest, c’est le pôle SEGPA — autrefois isolé — qui est reconnecté. Une surélévation vient compléter l’ensemble, générant des salles supplémentaires et instaurant une hiérarchie dans un plan auparavant dépourvu de lisibilité.Le parti pris est celui d’un projet qui prolonge l’existant sans en nier la nature. L’exosquelette préfabriqué en caissons de béton, autrefois dissimulé, est aujourd’hui mis à nu, sablé, et révélé. Ce geste simple redonne à la structure sa dignité première, tout en améliorant l’inertie thermique et la compréhension du bâtiment. En miroir, les extensions neuves reprennent ce langage constructif en le transposant en bois. Une filiation silencieuse s’instaure alors entre l’ancien et le neuf, sans rupture ni pastiche.

Le bois comme outil de dialogue
L’usage massif du bois local — 640 m³ de bois du Jura — ancre le projet dans une logique territoriale. L’ossature bois des extensions, préfabriquée pour réduire les nuisances, répond à la contrainte d’un chantier phasé. Elle permet aussi une écriture architecturale sensible, faite de rythmes horizontaux, de bandeaux d’aluminium vert pigmento, et de bardage bois saturé de gris. Les façades ainsi recomposées abolissent les distinctions d’époque, unifiant les générations constructives dans un même récit.La façade sud, orientée vers la ville, se dote d’un parvis d’entrée lisible et d’un auvent accueillant vélos et piétons. Elle est animée par de longues casquettes solaires suspendues, fines comme des ombres portées. Là encore, la technique se fond dans la composition, sans jamais prendre le dessus. Le traitement de l’enveloppe devient architecture, et l’architecture s’efface au profit de l’usage.

Une centralité retrouvée
Le cœur du projet se niche dans un vaste atrium nouvellement créé, où un escalier monumental à gradins mène au futur Centre de Culture et de Connaissance. Lieu d’articulation, de rencontre et de respiration, cet espace réinvente une centralité dans cet ensemble scolaire éclaté. Il agit comme une rotule entre les ailes, un point de repère vertical autant que spatial. À travers ses hauteurs, ses percées visuelles, il offre une orientation naturelle et connecte l’édifice à son environnement lointain.Ce n’est pas un geste spectaculaire, mais une composition attentive. Tectoniques expose ici son approche : travailler avec l’existant, dans une économie de moyens, en révélant plus qu’en dessinant. Le chantier devient un acte de soin, l’architecture un outil d’ajustement.

Une école pour demain, ancrée dans l’histoire
Avec ses 8 248 m², ses 26 divisions et sa certification environnementale E3C1, le collège Maryse Bastié rénové n’est pas une vitrine technologique. C’est un exemple discret mais déterminant de la manière dont le patrimoine ordinaire peut devenir une ressource. Grâce à une isolation performante en laine de bois, une structure sobre, des matériaux biosourcés et des procédés intelligents, le projet atteint une consommation énergétique de 36,3 kWh/m²/an.Mais au-delà des chiffres, c’est une démarche holistique que revendique ici Tectoniques. Celle d’une architecture ancrée, pragmatique, lisible. Qui transforme sans travestir, qui compose avec la mémoire en anticipant l’avenir.

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Maîtrise d’ouvrage : Conseil Général du Jura
Tectoniques (architecte mandataire),
Tectoniques Ingénieurs (économie, structure, fluides),
Arborescence (structure bois),
Atelier du Bocal (paysagiste)
Surface :  8 248 m²
Budget :  12,1 M€ HT
Consommation d’énergie primaire : 36,3 kWh/m²/an
Niveau d’utilisation de matériaux biosourcés : 3 (90kg/m²)
Certifications : E3C1

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