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« Philippe Prost : La Mémoire vive », exposé à la Cité de l’architecture et du patrimoine

Depuis 30 ans, Philippe Prost et son atelier ont transformé l’existant patrimonial et ordinaire, un travail unique qu’une exposition dévoilera du 18 octobre 2024 au 23 mars 2025 à la Cité de l’architecture & du patrimoine à Paris au travers d’échantillons de matériaux, prototypes, photos de chantiers et outils de travail.

Le temps comme matière première
Dès ses premiers projets, Prost embrasse la notion de temporalité à l’échelle architecturale. C’est sur la citadelle de Belle-Île-en-Mer qu’il expérimente pour la première fois cet enjeu. Ce projet, complexe et vaste, lui permet de comprendre que chaque bâtiment est une œuvre en évolution permanente, façonnée par des mains successives. En intervenant dans un édifice ancien, l’architecte ne cherche pas à le figer dans le passé, mais à lui redonner une nouvelle vie, sans rompre le fil des époques. « Intervenir dans l’existant », ou tisser des liens invisibles entre ce qui a été et ce qui sera, entre le dessin originel et les nouveaux besoins qui se profilent.

Le lycée Jean-Baptiste Poquelin à Saint-Germain-en-Laye illustre bien cette approche. Le bâtiment, typique des constructions Jules Ferry du XIXe siècle, avait perdu de sa clarté initiale après diverses extensions maladroites. Le choix est fait de ne pas reconstruire, mais de réhabiliter en redonnant à l’ensemble sa lisibilité originelle. Loin d’un geste spectaculaire, son intervention est avant tout pragmatique, guidée par une lecture fine des structures existantes et une économie de moyens qui résonne avec les enjeux écologiques actuels. « Il s’agissait de faire simple », expliquera-t-il. Gage de cohérence architecturale.

Une économie vertueuse
Pour Philippe Prost, l’architecture ne peut plus être pensée sans une conscience aiguë des ressources qu’elle mobilise. Transformer plutôt que démolir devient un acte vertueux, choix allant de pair avec une réflexion sur l’économie de moyens, une logique qui privilégie la préservation du patrimoine bâti plutôt que la consommation de nouveaux matériaux. À Saint-Germain-en-Laye, les bâtiments, bien que marqués par le temps, étaient encore solides. Les démolir aurait été une aberration, tant sur le plan symbolique que sur celui des ressources naturelles.

Il opte ainsi pour une intervention “invisible”, respectueuse de la structure existante. Les ajouts discordants sont retirés, la circulation est clarifiée, et les matériaux choisis viennent dialoguer avec l’ancien. Le bois, utilisé pour la nouvelle façade et les volets des salles de classe, n’est pas qu’un simple choix esthétique : il reflète une volonté d’inscrire l’architecture dans une démarche durable, sans sacrifier à la beauté du geste.

Changer l’usage, préserver l’esprit
Intervenir dans l’existant ne signifie pas uniquement préserver.  Pour La Briqueterie de Vitry-sur-Seine, dernier vestige d’une ancienne usine de briques, il s’agit d’imaginer de nouveaux usages. Ce bâtiment du XIXe siècle, autrefois destiné à la production industrielle, est aujourd’hui un centre dédié à la danse contemporaine. La transformation est ici totale mais respectueuse du bâti ancien. La structure en fer est conservée et en briques, tout en intégrant des studios de répétition dans les vastes volumes du bâtiment d’origine.

Répondre aux exigences fonctionnelles du programme nécessite ici de construire un nouveau bâtiment. Prost fait alors appel à la brique comme lien visuel et symbolique entre l’ancien et le neuf. La nouvelle structure, sobre et discrète, s’intègre dans le site en respectant ses proportions et son langage architectural. Ce dialogue subtil entre conservation et innovation est au cœur de la démarche. Non pas pasticher le passé mais créer des liens significatifs entre les époques, comme les jointures de maçonnerie qui unissent les briques.

Dialogue avec le site
L’architecture de Philippe Prost a cette capacité d’inscrire l’architecture dans un lieu, à relier chaque édifice à son environnement immédiat. À la Monnaie de Paris, cette démarche prend une dimension monumentale. L’îlot néo-classique, symbole du pouvoir régalien, est en pleine mutation, et le maître d’oeuvre doit imaginer un projet qui réinvente l’espace tout en préservant l’histoire du site. Ici, il choisit le métal, en écho à la production monétaire qui se poursuit dans les ateliers. Le cuivre, l’inox et le laiton viennent ainsi ponctuer l’intervention, apportant une nouvelle matérialité en dialogue avec la pierre classique du palais.Le choix n’est pas anodin : le métal, travaillé avec précision, rappelle les gestes des graveurs et des ouvriers qui façonnent les médailles. Prost ancre ainsi son projet dans une continuité avec le lieu, tout en l’ouvrant à de nouvelles fonctions, notamment avec des espaces publics et un musée contemporain.

À la Cité des Électriciens, dans le bassin minier du Nord, ce même souci de relier l’œuvre au site se retrouve dans l’utilisation de la tuile vernissée pour habiller un nouveau bâtiment. La tuile, matériau humble mais noble, fait écho à la brique qui caractérise cette cité ouvrière. Ici encore, Prost respecte le passé tout en créant des liens visuels et symboliques avec le présent.

Inscrire la mémoire dans le paysage
Mais c’est sans doute dans son projet pour le Mémorial International de Notre-Dame-de-Lorette que Philippe Prost pousse le plus loin cette réflexion sur le lien entre architecture et paysage. Conçu pour réunir les noms des 600 000 soldats tombés dans le Nord-Pas-de-Calais pendant la Première Guerre mondiale, ce monument s’inscrit dans une topographie chargée d’histoire. La colline, autrefois théâtre de violents combats, est aujourd’hui un lieu de mémoire apaisé. La forme elliptique, discrète, se fond dans le paysage sans l’altérer.Ce choix de l’horizontalité, en réponse à la verticalité de la tour-lanterne, permet de préserver les vues sur la plaine environnante. L’ellipse, légèrement en porte-à-faux, symbolise la fragilité de la paix, thème récurrent dans l’œuvre. Le béton fibré utilisé pour le mémorial s’harmonise avec la pierre du site, créant une continuité entre le monument et son environnement naturel.

L’architecture, indivisible
Dans une époque où l’architecture tend à se fragmenter, où la spécialisation sépare les différentes pratiques, Philippe Prost défend une vision unifiée de son métier : l’architecture ne peut être dissociée de l’urbanisme, du paysage ou de la mémoire. Chaque projet, qu’il s’agisse d’une simple réhabilitation ou de la création d’un monument, participe d’une réflexion globale sur l’évolution des lieux et des usages.Et de nous rappeler que la durabilité ne se limite pas à une réponse technique aux enjeux environnementaux. Elle réside aussi dans la capacité de l’architecture à traverser le temps, à accueillir les générations futures tout en respectant les traces du passé. C’est en cela que réside, selon l’architecte, l’art de la transformation, un art qui relie, comme les fils invisibles d’une trame, l’histoire et l’avenir, le réel et l’imaginaire.



Du vendredi 18 octobre 2024 au dimanche 23 mars 2025 à la Cité de l’architecture & du patrimoine à Paris

Palais de Chaillot. Place du Trocadéro. Paris

L’exposition se déploie en trois temps.
-Dans la galerie des moulages : Le cours du temps & La forme du présent
-Dans la galerie d’architecture moderne et contemporaine : Deux territoires, un processus créatif

/ PROGRAMMATION ASSOCIEE /

Visites guidées
>Samedi 16 novembre 2024 et samedi 18 janvier 2025 à 11h30 
Durée : 1 h 30 min / Prix : 5 € (+ billet d’entrée)

Journées nationales de l’architecture 
>Samedi 19 et dimanche 20 octobre 2024 
Présentation de l’exposition par des étudiants de l’École du Louvre

Tables rondes
>Lundi 25 novembre 2024 à 19h, Auditorium 
Thématique « Urbanisme patrimonial »

>Jeudi 13 février 2025 à 19h, Auditorium
Thématique « Villes-ports »

>Jeudi 6 mars 2025 à 19h, Plateforme
Thématique : « Architecture, mémoire, archéologie »

Première monographie sur le travail de Philippe Prost, un ouvrage accompagne et développe les grands thèmes de l’exposition « La Mémoire vive ».
Francis Rambert (dir) ; auteurs, Rubén Ángel Arias Rueda, Jean-Philippe Hugron, Francis Rambert, Raphaëlle Saint-Pierre, William Van Andringa ; direction artistique, Aitor Ortiz, photographe.
Coédition Cité de l’architecture et du patrimoine/Norma, Paris, octobre 2024
200 pages, 42 €

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