Jeudi 20 mai 2021, à la veille de l’ouverture de la 17e Biennale de Venise, l’AFEX a dévoilé le palmarès de son Grand Prix 2021. Parmi les onze projets récompensés se trouvent le musée Hirosaki signé ATTA et le centre culturel de Suzhou par 2Portzamparc.

Grand Prix AFEX
Atelier Tsuyoshi Tane Architects – ATTA – Musée d’art contemporain – Hirosaki – Japon

Au début du XXe siècle, le rouge des briques des brasseries de saké se mêle au rose pâle des cerisiers sur la plaine au pied du Mont Iwaki. Ces bâtiments fleurissent dans les villes du nord du Japon, comme à Hirosaki, avant de basculer vers la production de cidre afin de tirer profit des pommes de la région, et ainsi augmenter le niveau de vie des agriculteurs locaux.
Après avoir remporté le concours PFI organisé par la ville d’Hirosaki en 2017, l’agence d’architecture ATTA obtient l’autorisation de transformer l’un de ces entrepôts. Le projet, pensé en concertation avec les élus locaux, les constructeurs, les investisseurs et les commissaires d’exposition aboutit au Musée d’art contemporain d’Hirosaki (Hirosaki MOCA). Il est aujourd’hui le premier grand projet de musée réalisé par l’agence dans le pays d’origine de son fondateur, Tsuyoshi Tane.
Pour l’architecte japonais, il s’agissait de transformer l’entrepôt en musée, sans détruire et reconstruire le bâtiment. Pour cela, les murs ont été dépouillés de leur couche blanche, révélant les briques rouges d’origine. La toiture a aussi été changée : un toit en titane a été posé, de couleur jaune doré afin de rappeler le cidre longtemps réalisé dans la ville. Outre le choix esthétique, le titane permet d’obtenir une toiture légère. Une nécessité puisque le pays est sujet à de nombreux épisodes sismiques.
Comme pour le Musée national estonien, ouvert en 2016, ou pour le futur Hôtel de la Marine à Paris, le Musée d’art contemporain d’Hirosaki (Japon) met en exergue une architecture enracinée dans la spécificité du passé pour poursuivre une vision vers l’avenir. Le processus créatif unique de l’agence d’architecture ATTA est le fruit d’une méthode de recherche hautement collaborative appelée « Archéologie du Futur », dont l’architecte japonais Tsuyoshi Tane nous explique les tenants et les aboutissants.
Prix Spécial du Jury pour l’ensemble de son œuvre à l’export
2Portzamparc – Centre culturel – Suzhou – Chine

Le Centre culturel de Suzhou se scinde en deux ailes. Côté nord, elle intègre un opéra de 1 600 places, un opéras chinois modulable de 600 places, un conservatoire de musique et un cinéma de 360 degrés. Au sud, l’aile abrite deux musées, un centre d’exposition, un centre de conférences, des cafés, restaurants, cinémas et galeries commerciales sur une surface totale de 202 000 m2.
Placé au bord du Lac Tai, au bout d’une avenue, le Centre culturel rayonne dans l’espace et rassemble les habitants de Suzhou. Les deux ailes sont enveloppées, couvertes et reliées par un ruban, qui forme une sorte d’arche que l’on voit de loin dans la perspective de la ville vers le lac, comme une porte de la ville.
Le palmarès complet
Silvio d’Ascia Architecture et Omar Kobbite Architectes – Gare TGV – Kenitra – Maroc

La nouvelle Gare TGV de Kénitra au Maroc s’inscrit dans le Projet « Royal » de construction de la première ligne à grande vitesse du continent africain, qui relie la Méditerranée à l’Atlantique : de Tanger « Med » à Casablanca, via Kénitra et Rabat et à terme jusqu’à Agadir.
La gare a été pensée tel un écrin capable de traduire dans son contexte urbain une identité renouvelée de l’architecture traditionnelle marocaine, grâce à sa peau à motifs triangulaires, réinterprétation du thème du moucharabieh, dilaté à l’échelle de la ville et rythmé par les ouvertures à arcades. La gare devient le symbole du progrès technologique et socio-économique incarnés par l’arrivée du TGV Al Baraq, le plug-in de la ville et du pays dans la modernité.
David Telerman – Objects Of Intention – McNeal 020 – Arizona – USA

Situé au sud de l’Arizona bordant la frontière mexicaine, McNeal 020 creuse le sol et le découpe, s’étire vers les montagnes et fige, en un fragment de béton, l’étendue du paysage aride, ponctué seulement de clôtures métalliques. Quatre pans d’escaliers définissent un lieu évidé, fermé en son centre par l’espace intérieur. Au sommet et nivelé au sol se dessinent le toit et ses bras de longueurs variables qui s’étirent au plat de l’argile séché : lignes menant le visiteur, lignes du dessus que traverse un corps vertical à l’équilibre fragile, peur de l’écroulement, lignes du dessous pour capturer la lumière changeante que découpe des ombres tirées qui se balancent à la surface des marches.
Malgré son apparente simplicité, la structure tente d’exprimer, de manière presque primitive, le contraste d’une nature qui disparait progressivement au bas des escaliers, le corps du visiteur baigné d’une lumière géométrique, et d’une nature qui réapparait à la montée des marches, le sol rougi, le poids du vent et les montagnes en ligne de fond. L’architecture est l’outil qui distingue le pays d’un paysage.
Chaix & Morel Et Associés – Rénovation et extension du siège de la Sécurité Sociale – Vienne – Autriche

La rénovation et l’extension du Siège administratif de la Sécurité Sociale autrichienne est un projet situé au cœur de Vienne, à proximité immédiate de l’ensemble Wittgenstein, classé Monument Historique. Le projet s’inscrit dans la dynamique générale de régénération urbaine d’un quartier surchargé par la masse de l’ancien bâtiment, datant des années 1970.
L’idée est de créer une nouvelle échelle urbaine qui réunit l’environnement historique, le grand volume existant entièrement restructuré et les bâtiments nouvellement construits dans un paysage urbain harmonieux. Dans cette logique, une aile du bâtiment existant est démolie et remplacée par une extension neuve qui, dans un geste généreux, génère un nouveau parvis public.
Le fractionnement des masses et le niveau bas des différents volumes de l’extension créent un dialogue avec l’ensemble historique Wittgenstein et permettent une transition d’échelles entre la tour rénovée et les bâtiments baroques existants. Par leur implantation dynamique et la typologie de façade, les nouveaux volumes semblent ainsi traverser le socle pour dialoguer avec le volume de la maison Wittgenstein de l’autre côté.
Fres Architectes – Théâtre de la Nouvelle Comédie – Genève – Suisse

Ce théâtre est un monde vivant et actif. C’est un morceau de ville qui réunit sous un seul et même toit, de façon assez unique surtout en centre-ville, tous les métiers, les savoirs, les techniques et surtout les gens qu’il faut rassembler pour construire, pendant des semaines et des mois, ce qui fera la magie d’un soir.
Théâtre de création, atelier, fabrique de spectacles, ou ruche, le bâtiment pour la Nouvelle Comédie de Genève se veut ainsi, doit se comprendre, se lire et se donner à voir ainsi. Le bâtiment articule subtilement représentativité et banalité, espaces publics et locaux de travail, vie quotidienne et magie de la nuit.
Le projet présente un profil singulier sur l’espace public lui conférant une identité propre, tel un signal dans la ville, un Skyline, issu de l’articulation des programmes, et dont la forme crénelée exprime la multiplicité des activités qui habitent le théâtre.
Gitai Architects – Landroom – Désert du Néguev – Israël

La Chambre de Paysage, appelée Landroom, est un ouvrage d’architecture environnementale minimale conçu à la limite entre le vaste territoire et un simple objet paysager. Il est situé au au bord du cratère Mitzpe Ramon dans le Néguev. Un espace ouvert au public qui fonctionne comme un observatoire des étoiles la nuit et fournit un abri aux visiteurs là où les rayons du soleil brûlent à la lumière du jour.
Lacaton & Vassal Architectes – Tour Opale – Chêne-Bourg – Suisse

La construction de la Halte CEVA desservie par le Leman Express amorce la mutation du quartier des Trois Chênes à Chêne-Bourg dans le canton de Genève. Le plan local de quartier, qui définit de nouveaux gabarits en hauteur, est une opportunité de questionner l’espace à habiter et sa relation avec la ville.
Le projet de la tour Opale part des qualités que les deux architectes, récipiendaires du Pritzker 2021, souhaitent donner à l’habitation. La qualité de l’espace à habiter, sa générosité, son confort, le plaisir sont déterminants pour une qualité de vie urbaine. Vivre dans plus d’espace, vivre dans les conditions d’une maison, sont des qualités qu’il faut donner à l’habitat en ville. Inventer de nouveaux immeubles-villas en offrant la possibilité de vivre à l’extérieur, tout en étant chez soi. Comme dans une maison particulière.
Querencia – Immeuble de logements – Cotonou – Bénin

Le Bénin est peuplé par près de douze millions d’habitants, dont les Yorubas qui avec les Fon et les Adja sont une des trois ethnies les plus importantes. Elles vouent un véritable culte à la gémellité. Chez les Yoruba, le mot IBEJI veut dire jumeau. IBI = naître et EJI = …à deux. L’art statuaire des IBEJI symbolise ce culte de la gémellité. Ceci a beaucoup inspiré ce projet au point que les propriétaires du lieu, ont souhaité le nommer : « Résidence IBEJI ».
Le projet IBEJI se situe en arrière-plan de la zone portuaire dans le quartier Zongo Ehuzu. Ce quartier, bien que présentant un tissu urbain très disparate est toutefois le lieu d’implantation de quelques ambassades et de villas luxueuses pour certaines.
En limite de la rue, un « bouclier technique » protège les espaces extérieurs des nuisances urbaines. Une partie de ces espaces extérieurs est occupée par des équipements collectifs. Le cheminement s’élève en pente douce afin de créer une garde d’eau destinée à parer naturellement les crues parfois importantes à Cotonou. L’atrium rafraîchi par la brise car non clos, est traversé à chaque niveau par une passerelle en manivelle qui dessert les corps de bâtiments latéraux abritant deux logements traversant de 3 et 4 pièces par niveau courant. Le projet prévoit des dispositifs techniques passifs en toiture. Enfin, le bâtiment a été isolé. Ces différents dispositifs ont contribué à réduire sensiblement les consommations d’énergie.
Segond Guyon Architectes – Palais des gouverneurs – Lomé – Togo

L’ancien Palais des gouverneurs, élément majeur de la composition de la ville de Lomé, achevé en 1905, est emblématique de l’histoire de la constitution de l’identité nationale du Togo. Sa typologie représente un unicum dans l’histoire de la colonisation allemande et dans celle du continent africain. Il est au centre du pouvoir togolais durant tout le XXème siècle. Le projet de reconversion en un centre dédié à l’expression de la culture nationale se veut exemplaire et respectueux de ce patrimoine remarquable.
La réhabilitation du palais conserve les différentes étapes qui ont marqué son évolution et permet de retrouver la lecture des volumes et la légèreté de la composition présente dans les premières années de l’Indépendance : restitution du dialogue entre l’intérieur et le parc ; suppression des volumes ajoutés, réouverture des galeries maçonnées du rez-de-terrasse ; restitution des galeries en bois de l’étage.
SOA Architectes – Tour AYA – Beyrouth – Liban

Cette tour d’habitation, grâce à son architecture arabe contemporaine, est capable de répondre aux enjeux métropolitains et à la densification de la ville de Beyrouth. Il aura fallu un an de recherche aux architectes avant de commencer l’esquisse, et un voyage du Maghreb au Mashreq pour chercher des éléments communs dans leur patrimoine architectural qui pourraient nourrir le projet d’habitat collectif.
Un premier principe les saisit : vivre ensemble, selon les fondements urbains arabes, consiste à partager une image extérieure commune, comme dans la médina , ou il n’y a presque pas signe extérieur de richesse, laquelle est contenue derrière les murs ordinaires et continus de la ville. Et de ce principe découle le plan de l’habitat. Passé la porte, tout semble pensé autour de la rencontre, même dans ce qui sépare : la dorqa, cette entrée épaisse qui permet de rentrer sans pénétrer l’intimité ainsi que le triptyque Iwan (la galerie), Patio, et Majilis (forme de salon).
Et puis il y a l’idée du mur et du rapport au ciel : le mur épais, qui protège, isole, part du sol pour s’élever vers le ciel, comme la zigourat iranienne ou les tours d’habitation de Sanaa ou il n’y a pas de superposition mais un rapport toujours direct au ciel.