
Rénovation du bidonville du marché de Minburi, Bangkok, Thaïlande, 2009 @ CASE Studio
Case Studio, Patama Roonrakwit, Bangkok, Thaïlande
Patama Roonrakwit intervient sur la ville précaire. Fondatrice de Case Studio en 1997 à Bangkok, l’architecte travaille à l’auto-développement des quartiers informels en Thaïlande, au Viêtnam, au Cambodge et au Laos. Selon elle, l’habitat précaire est l’échec d’une modernité radicale, qui ne sait ni contenir le problème, ni le comprendre. La ville générique est une utopie qui ne se perçoit que d’en haut, a contrario des multiples différences de la ville informelle qu’elle parcourt à hauteur d’homme pour en saisir les schèmes spatiales et sociales, souvent très ajustés à leur milieux.

Relogement des habitants du quartier de Santitham à Chiang Mai, Thaïlande, 1996-1997 @ CASE Studio
Pour débuter sa présentation, Patama nous montre la plus petite maison qu’elle n’est jamais vue, construite par son occupant sur le toit d’un ancien cinéma dans la capitale du Cambodge. De quoi nous immerger dans la précarité sévissant en Thaïlande. Suivent plusieurs exemples d’habitat auto-construits qu’elle a découvert au gré de ses parcours, comme une maison autrefois cossue investit par les plus démunis, un bidonville dont les hauteurs s’ajustent à celles de l’autoroute, un autre implanté sur un trottoir de 2 m de large. A chaque fois, l’architecte observe la façon dont l’être humain, fort d’innovation, s’adapte au contexte, persuadé que dans ces sociétés de survie, il développe des méthodes, des process de création. Pour l’anecdote, on notera à Osaka une maisonnette construite à partir de bouteilles recyclées par un japonais, qui fait aujourd’hui partie des collections d’une galerie d’art ; son occupant accédant au rang d’artiste.
Sa méthode : considérer comme milieu la ville précaire, analyser ses régulations et ses manques au travers d’une pratique patiente. Pratique appliquée auprès des habitants, avec qui elle met en place une conception participative, préférant une réponse adaptée à leur mode de vie plutôt que l’application d’une architecture standardisée, au programme préétabli.

Projet d’habitation coopératif TEN House, Bangkok, Thaïlande, 2006 @ CASE Studio
Ses méthodes, acquises auprès des plus démunis – habitat ajusté à chacun, régulation communautaire, processus d’auto-construction – Patama les transpose aux classes moyennes : CASE lance TEN House Bangkok en 2008, renversant les schémas classiques, consistant à appliquer les innovations des classes supérieures aux strates inférieures.
L’architecte terminera par l’interrogation « Who is poor ? », se questionnant sur ce que signifie la notion de « pauvre ». Il semblerait que la classe moyenne, coincée entre les riches et les plus démunis, soit saisie d’une pauvreté informelle, livrée à l’absence de toute vision alternative de l’habitat.
Amélie Luquain
Courtesy Cité de l’Architecture et du Patrimoine