Du 21 juin au 12 octobre 2025, les Magasins Généraux et le Pavillon de l’Arsenal signent une exposition manifeste. « L’école idéale » interroge la forme scolaire, ses évidences normatives, et ouvre les portes d’un imaginaire éducatif émancipé.
Texte dense, scénographie poreuse, ambition critique assumée : l’exposition L’école idéale se place d’emblée sous le signe du décloisonnement. Celui des typologies figées, des usages contraints, des héritages trop vite naturalisés. Depuis la salle rectangulaire au couloir latéral, des matériaux « standards » à la cour asphaltée, le paradigme scolaire tel qu’il s’est constitué à partir du XIXe siècle est ici déconstruit pièce par pièce. Non pour le rejeter, mais pour en faire vibrer les marges, en activer les possibles.
Le commissariat – confié à L’Atelier Senzu (Wandrille Marchais & David Dottelonde) avec Anna Labouze & Keimis Henni – assume un regard pluriel : architectes, designers et artistes sont conviés à croiser leurs approches dans une cartographie mouvante d’espaces réels, rêvés ou réinventés.
Les commissaires : un quatuor engagé pour repenser les structures éducatives
Formé en 2021, l’Atelier Senzu est un duo d’architectes (ENSAPLV) qui revendique une pratique transversale, nourrie par la recherche, l’écriture et la scénographie. À leurs côtés, Anna Labouze & Keimis Henni, fondateurs d’Artagon à Marseille, une association dédiée à la création émergente, déploient une démarche curatoriale résolument sociale et interdisciplinaire. Ensemble, ils conçoivent cette exposition comme une traversée à hauteur d’enfant, où les espaces éducatifs sont réinterrogés à la lumière des enjeux contemporains.
« L’exposition croise les regards créatifs d’architectes, d’artistes et de designers pour esquisser un idéal d’école en tant que lieu d’émancipation et d’invention. »
— L’Atelier Senzu, Anna Labouze & Keimis Henni
Le parcours muséal épouse cette hétérogénéité féconde. Déployée en séquences thématiques – les abords, la matière, le préau, la salle de classe, l’école dehors… – l’exposition fonctionne comme un palimpseste critique, à la fois historique et projectif.




Groupe scolaire Frida-Kahlo, Bruges – Compagnie architecture & Pollen © Compagnie architecture
Colegio Reggio, Madrid – Andrés Jaque / Office for Political Innovation © Jose Hevia
Edible Schoolyard, New-York © Iwan Baan
L’école comme lieu d’apprentissage, certes. Mais aussi comme machine sociale, paysage quotidien, terrain politique.
On redécouvrira, non sans émotion, la radicalité fonctionnelle de l’école de plein air de Suresnes (1935), la fluidité spatiale des classes d’Herman Hertzberger, ou l’étrangeté organique du groupe scolaire des Plants de Renaudie à Cergy. Ces architectures sont réinscrites dans une généalogie vivante, qui court jusqu’à l’Outdoor Learning d’aujourd’hui : écoles-forêts, pavillons en matériaux biosourcés, espaces réversibles.
Mais c’est dans les marges, justement, que l’exposition se fait politique. Le couloir devient lieu de médiation. Le préau, dispositif climatique. La cour, un jardin sensoriel. L’intérieur, un « troisième professeur » – selon le pédagogue Loris Malaguzzi – capable de reconfigurer les relations entre enfants, savoirs et espace.




Le mérite, c’est moi – Thomas Tudoux (crayon de couleur animé) © Thomas Tudoux
Un volcan – centre d’art contemporain à Brest – Amine Benattabou et Thibault Brébant
Le quilt des écoles – Marie Preston – Installation © Thomas Tudoux
Là où l’école échoue à se penser comme lieu de soin, de conflictualité créative, d’attention aux corps, les œuvres d’art prennent le relais.
Les installations de smarin, Thomas Tudoux ou du collectif microsillons déplacent les lignes. Elles invitent à faire école autrement, dans un espace-temps élargi où le jeu, la parole, l’attente ou la dispute trouvent droit de cité. Une école non plus verticale mais vibrante, non plus disciplinaire mais inclusive.
Loin d’une utopie désincarnée, L’école idéale se veut laboratoire critique – au sens étymologique : lieu de crise, donc de bascule. Elle vient rappeler que l’architecture scolaire n’est pas une donnée neutre, mais un vecteur de normes, de récits et de rapports de pouvoir. À charge pour les architectes de (re)dessiner les contours d’une école hospitalière, active et ouverte. Une école à hauteur d’enfant, mais à l’écoute du monde.


Groupe scolaire des Plants, Cergy-Pontoise – Jean Renaudie, architecte – 1972 © Archives du Val-d’Oise
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Du 21 juin au 12 octobre 2025
Entrée libre et gratuite
Magasins Généraux, 1 rue de l’Ancien Canal, 93500 Pantin
Ciné-débat : Début septembre, au Majestic Bastille
Plus d’infos & programme complet : magasinsgeneraux.com
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L’Atelier Senzu est un bureau d’architecture basé à Paris, fondé en 2014 par Wandrille Marchais et David Dottelonde. L’agence explore différents champs de création pour formuler des réponses singulières aux enjeux contemporains, qu’ils soient climatiques, sociaux ou culturels. Elle revendique une pratique engagée, attentive aux usages, aux ressources existantes et aux récits des lieux. L’Atelier Senzu conçoit des projets à toutes les échelles – du bâtiment public à l’espace domestique, du réemploi des matériaux à la stratégie urbaine – avec l’ambition de faire émerger une nouvelle grammaire architecturale, ancrée dans l’histoire de la discipline et dans les problématiques de notre temps.
En 2020, l’agence est lauréate des Albums des Jeunes Architectes et Paysagistes (AJAP), prix biennal décerné par le ministère de la Culture, puis reçoit en 2021 le Prix d’encouragement de l’Académie des Beaux-Arts, qui distingue chaque année de jeunes artistes prometteurs.
L’agence se fait notamment connaître par plusieurs projets marquants : le Pavillon Le Vau, salle expérimentale en pisé, pensée comme un nouvel outil pédagogique explorant le potentiel de la construction en terre ; la transformation de la Chambre des Notaires de Paris, Place du Châtelet, où patrimoine et usages contemporains dialoguent ; ou encore les aménagements intérieurs du Grand Palais, dont la livraison est prévue en juin 2025, et qui interrogent la flexibilité du musée contemporain ainsi que l’anticipation de l’obsolescence des dispositifs architecturaux.
En octobre 2025, l’Atelier Senzu participera à une résidence à la Villa Albertine, aux États-Unis, pour poursuivre ses recherches autour de la relation entre architecture, espace et transmission.