À la Biennale d’architecture de Venise 2025, le Pavillon français accueille une œuvre discrète, presque paysanne, au sens noble du terme : le lycée Simone Veil, conçu par l’agence Corinne Vezzoni & Associés dans les collines du nord de Marseille. Une architecture de peu, mais pleine. Faite pour durer, pour s’ancrer, pour ménager le sol et les corps. Et pour habiter, vraiment, un climat.
« Vivre avec » : tel est le thème proposé cette année par les commissaires du Pavillon français Dominique Jakob, Brendan MacFarlane, Martin Duplantier et Éric Daniel-Lacombe. Une invitation à repenser la relation entre l’architecture et les crises – climatiques, sociales, politiques – qui traversent nos territoires. Le projet de Vezzoni s’y inscrit en contrepoint parfait : sans effet de manche, il propose des réponses aussi concrètes que sensibles aux vulnérabilités contemporaines.
Faire œuvre d’enracinement
Implanté dans le 13e arrondissement de Marseille, en lisière de l’urbain et du massif de l’Étoile, le lycée Simone Veil prend appui sur un site en pente douce, anciennement agricole. Plutôt que de dominer ou de terrasser, l’architecte choisit de composer. De préserver. Le projet n’occupe que la moitié du terrain mis à disposition. Le reste demeure en friche fertile, laissé au vivant.
Le bâtiment lui-même s’organise en restanques, ces terrasses typiques des paysages méditerranéens. Elles deviennent ici cours, jardins, parvis. L’école s’accroche au relief, le respecte, s’y encastre même, au point de se faire oublier depuis la route. Et pourtant, tout est là : l’intelligence constructive, la sobriété heureuse, la résistance douce.
Vivre avec
Dans un climat où les précipitations violentes succèdent aux sécheresses prolongées, la gestion de l’eau devient une affaire d’architecture. Le lycée y répond par un système complet de rétention naturelle : canyon artificiel, douve végétalisée, toitures captantes. À cela s’ajoute une orientation sud optimale, des protections solaires profondes, une inertie thermique naturelle grâce à l’encastrement du bâtiment. L’énergie, ici, se pense dès le tracé.
Il y a aussi, dans ce projet, une générosité urbaine rare. En intégrant le gymnase dans la pente, en prolongeant le trottoir sur son toit, l’agence crée un lieu. Une place. Un espace public où les marchés et les fêtes trouvent enfin un ancrage. Une respiration collective dans un quartier qui en manquait cruellement.
L’architecture comme engagement
Corinne Vezzoni parle souvent de contraintes. Elle en fait matière à projet. Depuis plus de vingt ans, son agence dessine une architecture de contexte, sobre, contextuelle, qui refuse les gestes autoritaires. Elle a livré des œuvres marquantes parmi lesquelles le bâtiment Thémis à Paris, The Camp à Aix-en-Provence, le centre de conservation du MuCEM à Marseille, sans jamais céder à la tentation du spectaculaire.
À Venise, le lycée Simone Veil ne cherche pas à impressionner. Il propose une éthique. Une façon d’habiter. Une architecture d’avenir, justement parce qu’elle fait le choix du présent.
Rendez-vous au Pavillon Français, Giardini, Venise, jusqu’au 23 novembre 2025
