texte rédigé par les architectes
crédit photos Clément Guillaume
En bordure du quartier du XXème arrondissement de Paris, dans l’un des quartiers les plus pauvres de la capitale, le centre sportif est situé dans un terrain enclavé entre un passage reconnu comme un important spot de street-art et d’imposants immeubles de logements sociaux. Au cœur de la première ZAC de Paris créée dans les années 70, la conception du nouveau centre sportif Angélique Duchemin est issue d’une forte démarche de concertation avec les acteurs locaux. Le bâtiment créé prend place le long de la venelle piétonne, renforçant son statut de « spot » par l’implantation d’un mur opaque de 45 mètres définissant le soubassement et la limite du nouvel équipement sportif. Le dojo, la salle de musculation ainsi que des salles à usage associatif se logent dans un volume simple et optimisé surmontant la paroi maçonnée.
Complété par les quatre terrains sportifs dont deux couverts, l’ensemble forme une enceinte uniforme qui génère en négatif un nouvel espace public par l’élargissement de la venelle au croisement de la rue des cendriers. La forme et la teinte neutre du bâtiment confère à l’ensemble une valeur de réconciliateur entre la dimension domestique des rues faubouriennes et la présence implacable des résidences sociales qui le surplombent. La prégnance de ces silhouettes claires et immaculées encerclant le site impose au centre sportif de se coaguler en un objet compact capable de répondre aux tonalités multi-chromatiques environnantes.
L’ensemble des usages chauffés sont rassemblés dans un bâtiment au volume simple et à l’enveloppe métallique blanche. Cet objet simple et efficace est prolongé à l’arrière par une extrusion translucide en polycarbonate. Bien que deux fois plus grand, ce second édifice qui abrite les deux terrains couverts, se diffuse discrètement dans l’espace en creux formé par les barres qui ceint le centre sportif.
L’archétype trivial du hangar, l’architecture la plus efficace pour accueillir des usages variés et non contraints, se déshabille ainsi peu à peu. Alors que les terrains couverts se délestent des murs de partition, réduisant le volume à un simple toit, les terrains non couverts, définis uniquement par leurs clôtures diaphanes, diluent peu à peu le périmètre de l’espace architectural.
Malgré une géométrie radicalement simple et des matériaux manifestement économes, le centre sportif s’intéresse à produire des effets de transparence et de relations matérielles qui enrichissent alors la qualité spatiale et d’usage de ce programme essentiel au quartier.
La conception architecturale du centre sportif Angélique Duchemin dérive d’abord d’une fine lecture de son programme et des enjeux socio-économiques plutôt que de son contexte proche. Ici le contexte est le sport et ses usagers. C’est en effet ce programme sportif et populaire qui oriente plus que tout l’arbitrage entre priorisation de la quantité de surface couverte ou de la sophistication des dispositifs et matériaux mis en œuvre.
Dans une hiérarchisation affirmée de l’usage sur l’espace, le bâtiment est constitué de matériaux simples et pérennes : cloisons en parpaing, murs rideaux en aluminium recyclé, gaines de ventilation, baffles acoustiques. Abritée par une structure métallique, blanche à l’extérieur et bleu à l’intérieur, la structure métallique globale veut rappeler l’importance de définir une architecture sans contenant, où la séparation entre ce qui l’habille et ce qui l’occupe est déterminant. Simplement habillé d’un bardage strié qui séquence la masse de l’enveloppe, l’équipement est organisé de façon à permettre une fluidité d’accessibilité et d’usage tout en garantissant un contrôle des flux.
La salle du dojo située à l’étage joue quant à elle sur les nuances bleu foncé en contraste avec l’enveloppe mais en accord avec la pratique de la discipline qui nécessite des teintes profondes propices à la concentration. Pourtant de fabrication et de pose standard, les menuiseries extérieures apportant la lumière naturelle à l’étage, génèrent une ambiance solennelle mettant en avant l’importance du sol dans les sports de combat et évitant ainsi l’éblouissement des sportifs. Cette lumière rasante, ainsi que la peinture de l’ensemble des éléments structurels comme techniques, fait disparaitre les organes de ventilation et de chauffage sans devoir recouvrir l’espace d’un plénum technique, offrant donc une économie de coût et un gain de hauteur sous plafond.
A l’inverse, au rez-de-chaussée, les différents espaces (salle de boxe, salle associative, vestiaires et annexes) profitent d’une grande clarté grâce à la mise en œuvre soignée des parpaings qui offre à ce matériau industriel une qualité autre par l’attention portée à leurs jointures et au dessin fin des réseaux apparents allant des conduits de ventilation aux interrupteurs. L’architecture intérieure prouve qu’une conception raisonnée du « stricte minimum » permet in fine une grande richesse d’ambiance.
Imaginé comme un hangar sportif où seule sa fonction parle, le centre sportif se caractérise par une économie de décisions formelles. La tonalité claire de l’ensemble permet de révéler les activités du site plutôt que l’équipement lui-même.
Alors que la totalité des terrains sont protégés par une maille métallique de teinte elle aussi blanche, le bâtiment s’intègre dans le site en s’effaçant derrière un simple mur en parpaing gris qui accepte que les pratiques urbaines soient parfois plus fortes que n’importe quel dispositif architectural. De la même manière que les volumes couverts ont pour seul but d’accueillir la pratique sportive, sans chercher à développer un langage propre, les surfaces offertes au public sur la venelle – surnommée « rue des graffitis » – sont elles aussi pensées pour recevoir une pratique habitante structurante dans le quartier.
Le centre sportif Angélique Duchemin illustre la conviction que la sobriété, le strict minimum et l’économie du projet sont autant des postures architecturales que des armes de dialogue social. Là où l’austérité se fait par la soustraction, la sobriété se fait ici par la multiplication : un mur qui est structure et second œuvre, une clôture qui dédouble un volume, un matériau industriel qui se révèle par son rapport à la lumière, rendant l’ensemble plus généreux en usages.
construction d’un dojo, d’une salle de boxe et de quatre terrains extérieurs dont deux couverts
maîtrise d’ouvrage : Ville de paris
maîtrise d’œuvre : graal (architecte mandataire, OPC)
surface : 740 m² bâtiment / 1 050 m² de terrain couvert / 580 m² de terrains non-couverts
budget : 3 600 000€ HT
photo : Clément Guillaume