Construire dans le Val di Noto, territoire chargé d’histoire, sculpté par l’extravagance de la nature, c’est accepter l’effacement, la subordination à un paysage millénaire. Les collines, parsemées d’oliviers et de vestiges antiques, imposent une certaine humilité, et l’architecte, non plus maître mais hôte, se fait l’invité discret de la terre sicilienne. Dans cette région tourmentée par les séismes et les chaleurs torrides de l’été, le défi de la Casa Bendico n’était pas seulement de bâtir, mais de respecter : l’environnement, les traditions, la matière… C’est par la solidité et l’intelligence des matériaux que l’architecture s’impose en douce résistance.
Le terrain d’un hectare sur lequel se dresse la maison est le théâtre d’une réflexion profonde sur l’intégration au paysage. Tout ici doit converser. Là où certains auraient pu céder à la tentation du panorama à 360 degrés, de la domination par l’altitude, la Casa Bendicose fond au contraire dans la topographie, respectant la ligne d’horizon, telle une ferme antique enracinée dans la terre. Loin des volumes cubiques et des façades blanches, la maison par son implantation modeste, dialogue avec les collines et la mer, sans jamais chercher à les posséder. La force archaïque des fermes siciliennes, lourdes, minérales, enduites de ciment, plane sur elle : la matière première devient langage, le béton banché, chargé de pouzzolane rouge et brune de l’Etna, se confond avec la terre environnante, dans une intensité chromatique qui renforce encore l’ancrage territorial du projet.
Architecture climatique
Une double coque en béton, pensée comme une armure contre les assauts climatiques, offre un espace intérieur serein, tempéré, à l’abri des extrêmes de l’île. L’inertie thermique, couplée au système de puits provençal, invite l’air frais à circuler lentement, comme une brise intérieure. Le confort est ici le fruit d’une réflexion bioclimatique mûrie, où la technique se fait discrète pour mieux servir le confort des habitants. Le béton devient peau, abritant un univers domestique aux tonalités naturelles, où le bois de chêne et le travertin brut se mêlent avec une élégance rugueuse. A l’extérieur, les panneaux solaires et photovoltaïques prolongent la logique d’autonomie et de respect de l’environnement. La maison se contente d’un plancher chauffant discret et de la douce chaleur d’une cheminée centrale.
Paysage souverain
Chaque espace est un cadrage, une fenêtre ouverte sur les paysages du Val di Noto. Les pergolas, ombrage éphémère de canisses locales, dessinent des jeux d’ombres zébrant les murs et le sol au gré des heures. L’intérieur et l’extérieur se fondent dans une continuité recherchée, les patios offrant des espaces de répit. L’olivier centenaire, planté au centre de l’un d’eux, devient le point d’orgue de cette composition, rappelant que l’architecture, aussi bien pensée soit-elle, s’incline devant la nature.
À l’extérieur, la piscine, plaque minérale à peine émergente, renforce l’idée de fusion avec le terrain. Placée à distance de la maison, elle offre une autre perspective sur ces paysages qu’on croyait déjà connaître. Telle une invitation à la contemplation, la simplicité apparente des lieux cache une complexité architecturale où chaque élément a été pensé pour dialoguer avec le site. « Il faut que tout change pour que rien ne change » rappellera le sicilien Giuseppe Tomasi di Lampedusa que les architectes se plaisent à citer, et dont s’inspire la Casa Bendico inscrite dans une continuité, celle des fermes ancestrales, des temples de pierre et des paysages éternels, et pourtant parfaitement ancré dans son temps.
Architecte : Gaëtan Le Penhuel architectes et associés
Bureau d’étude environnemental et technique : Albert et Compagnie
Maître d’œuvre d’exécution : 18 Lab. Syracuse
Ingénieur d’exécution : Giorgio Linguanti. Modica.
Chantier en lots séparés : Entreprises de Modica, Syracuse et Catane
Photos : Sergio Grazia
