Denis Valode s’est éteint à 79 ans, le 9 décembre. Avec lui disparaît l’une des figures majeures de l’architecture française de ces quarante dernières années, un créateur aussi discret que déterminant, dont les œuvres ont profondément façonné le paysage urbain, en France comme à l’étranger.
Moins médiatisé que les « starchitectes » de sa génération, il laisse pourtant une empreinte considérable. Cofondateur en 1980 de l’agence Valode & Pistre avec Jean Pistre, il a conçu une multitude de projets emblématiques : tours, campus universitaires, gares, hôpitaux, centres commerciaux, quartiers entiers, mais aussi usines et édifices industriels. Sa manière de faire la ville, à la fois attentive, rigoureuse et inventive, a participé à définir les contours de la métropole contemporaine.
Parmi ses réalisations les plus marquantes figurent la tour Saint-Gobain à La Défense, les tours T1 du même quartier d’affaires, l’« usine fleur » de L’Oréal à Aulnay-sous-Bois – récompensée par l’Équerre d’argent –, le centre commercial Beaugrenelle à Paris, le musée d’art contemporain de Bordeaux, le grand stade Pierre-Mauroy à Lille, le parc des expositions de Shenzhen en Chine ou encore l’audacieux projet d’extension en mer Mareterra, à Monaco. À l’heure de sa disparition, plusieurs de ses chantiers s’apprêtent encore à voir le jour : les gares du Grand Paris Express (Thiais-Orly, Les Ardoines, Le Vert de Maisons), la cité administrative de Lille, ou l’élargissement du front de mer monégasque prévu pour 2025.
Architecte de formation classique, diplômé en 1969 de l’École des Beaux-Arts, Denis Valode fut également enseignant dès le début des années 1970. Très tôt, il manifeste une passion pour l’innovation constructive : en 1971, il remporte le programme « Architecture Nouvelle » avec un projet d’habitat industrialisé en matériaux synthétiques. Son parcours sera ensuite ponctué de distinctions : médailles d’argent et de vermeil de l’Académie d’architecture, grande médaille d’argent pour l’ensemble de son œuvre avec Jean Pistre, admission à l’Académie d’architecture, Légion d’honneur, officier des Arts et des Lettres.
Sa pensée, profondément humaniste et contextuelle, refusait les effets gratuits. Il revendiquait un éclectisme guidé par le sens, défendait l’idée d’un geste architectural responsable, et voyait chaque projet comme une énigme à résoudre. Ses dessins, précis et généreux, trahissaient un amour constant pour les paysages urbains et naturels, pour la manière dont l’architecture peut servir les usages, les habitants et les transitions à venir.
Ces dernières années, alors que la question de la transformation du bâti existant s’imposait dans les politiques publiques, Denis Valode en avait fait l’un de ses terrains privilégiés. Il soulignait l’intérêt du dialogue entre l’architecte et son prédécesseur, parfois même avec lui-même, tant ses propres bâtiments revenaient aujourd’hui pour une « seconde chance ». Une manière de repenser l’héritage, de se confronter à ses propres choix et d’accompagner la transition écologique sans renoncer à l’ambition architecturale.
L’agence Valode & Pistre, forte de dix associés et de plus de deux cents collaborateurs, va désormais poursuivre son œuvre sous la direction de son partenaire de toujours, Jean Pistre, qui a salué non seulement un associé irremplaçable, mais surtout un ami pour lequel il conservera une profonde admiration. Dans la mémoire de la profession restent ses villes dessinées, ses tours attentives, ses lieux publics lumineux, et cette manière de conjuguer maîtrise, sobriété et ampleur. L’architecture française perd un maître discret, élégant, et profondément attaché à l’idée que bâtir consiste avant tout à comprendre et respecter ce qui nous entoure.



