À Djilor-Djidiack, dans le Sine Saloum, au bord d’un bolong, Gilles Perraudin poursuit au Sénégal une recherche engagée depuis plusieurs décennies : construire en matériaux bruts, dans une logique d’économie, de cohérence et de transmission. La maison de 260 m² de pierre, de terre, de bois et de paille, s’inscrit dans la continuité de son œuvre.
L’édifice s’organise selon quatre travées orthogonales : séjour, cuisine, chambres. Le soubassement en pierre, les murs en pisé, les voûtes en briques de terre-ciment (5 cm d’épaisseur seulement), la charpente de bois récupéré et la couverture de paille composent un système d’une grande clarté constructive. Chaque matériau obéit à sa logique propre, sans surenchère technologique : « Nous expérimentons en prenant des risques. Nous construisons en pisé de terre comme nous l’avions fait il y a quarante ans en France », rappelle Gilles Perraudin. Les jeunes du village ont participé à battre la terre dans les coffrages – geste fondateur d’une architecture partagée.





Un vernaculaire recréé
La maison emprunte sa morphologie aux typologies tropicales : une large varangue entoure les volumes, ceinturant la maison d’une zone d’ombre continue. Ce dispositif passif, conjugué à la ventilation naturelle et à l’inertie des murs de terre, garantit un confort thermique sans recours à la climatisation. Le vent venu du fleuve traverse l’espace ; la fraîcheur nocturne s’accumule dans les parois.
La rigueur constructive est toutefois ici sans cesse contredite par une série de décalages volontaires : les murs s’alignent en rythme irrégulier, les piliers triangulaires autostables de la varangue refusent la symétrie, les cadres des baies assurent le contreventement sans structure cachée. Cette maison, « sans assemblages sophistiqués », fait émerger la beauté de l’ajustement juste. Les tensions entre ordre et désordre deviennent langage architectural.





Une leçon d’écologie constructive
Ici, l’écologie n’est pas un argument mais une méthode : construire avec ce que le lieu offre, selon ses ressources, ses climats, ses gestes. Loin du pittoresque, Gilles Perraudin démontre que la modernité peut naître d’une compréhension intime des matériaux premiers. Cette maison sénégalaise, silencieuse et radicale, dit l’essentiel : l’architecture peut être à la fois expérimentale et vernaculaire, contemporaine et archaïque, sans jamais cesser d’être profondément humaine.
crédit photo : 11h45



