AccueilMatièresBétonLACMA, un musée comme une oeuvre, par Peter Zumthor

LACMA, un musée comme une oeuvre, par Peter Zumthor

Cet été, le Los Angeles County Museum of Art (LACMA) a ouvert les portes de ses nouvelles galeries David Geffen, offrant la possibilité de traverser, encore vides, les vastes espaces dessinés par Peter Zumthor en collaboration avec SOM. L’occasion d’un rituel initiatique : explorer l’architecture nue, avant que l’art ne vienne s’y déposer.

Il faut dire que l’attente a été longue : seize années depuis la commande, douze depuis la première esquisse dévoilée par l’architecte suisse. Autant dire que le dévoilement de cette silhouette en béton, suspendue au-dessus du Wilshire Boulevard, résonnait comme un événement attendu.
À cette patience se superpose l’histoire d’une transformation radicale. Les bâtiments d’origine conçus par William Pereira dans les années 1960, ainsi que l’annexe de Hardy Holzman Pfeiffer (1986), ont été démolis en 2020. Dès les années 2000, un concours international avait déjà envisagé cette option (le projet lauréat était alors celui d’OMA). Restent aujourd’hui sur site le Broad Contemporary Art Museum (2008) et le Resnick Pavilion (2010) de Renzo Piano, seuls rescapés. Porté par Michael Govan, directeur du LACMA depuis 2006, le nouveau projet a été confié à Peter Zumthor, choisi pour son approche de la matérialité et de l’espace, et pour incarner un geste muséal à la fois architectural et curatoriel.

Une architecture suspendue
L’édifice se déploie comme une immense nappe horizontale, 110 000 m² de galeries flottant à neuf mètres du sol, soutenues par sept pavillons. Le choix radical des matériaux – béton et verre, rien de plus – confère à l’ensemble une densité brute, immédiatement contrebalancée par la transparence et la fluidité des parcours. Aucune hiérarchie, aucun itinéraire imposé. Zumthor a privilégié la dérive, la multiplicité des entrées, l’expérience presque organique de l’espace.
Sous ce vaste plateau, le musée se prolonge dans la ville : un parc de 1,4 hectare s’ouvre de part et d’autre du boulevard, accueillant œuvres monumentales et interventions artistiques in situ. Calder, Tony Smith, Mariana Castillo Deball ou encore Sarah Rosalena, ancrent le projet dans une continuité historique et contemporaine, inscrivant la promenade publique dans la temporalité du lieu.

Le musée comme œuvre
En présentant l’édifice vide, LACMA déplace le regard : le bâtiment se donne d’abord comme une œuvre autonome, avant même d’abriter la collection. Zumthor, fidèle à son obsession de la matérialité, propose ici moins un écrin qu’un manifeste spatial : abolir les cloisonnements disciplinaires, faire coexister sur un même plan toutes les formes d’art, laisser la collection se reconfigurer selon le temps et les savoirs.
Loin de toute démonstration gratuite, cette réalisation s’impose par son calme monumental, presque minéral. Elle demande à être vécue plus que photographiée, à être arpentée dans ses silences et ses ouvertures. En avril 2026, lorsque les œuvres viendront habiter cet espace suspendu, on pourra juger de la justesse de cette architecture rare. Mais déjà, l’expérience de sa vacuité révèle ce que Peter Zumthor parvient à construire : des lieux qui nous obligent à ralentir, à écouter, à voir autrement.

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