Réhabilitation du site de la COOP (Alsace – Strasbourg), Alexandre Chemetoff & Associés
L’introduction au plan guide de la COOP dresse un réquisitoire contre une certaine forme d’urbanisme contemporain.
« Le syndrome de Copenbourg. Cette expression fut imaginée au printemps 2015 pendant les premières réflexions sur le site de la COOP. Elle est formée à partir de nom de villes comme Copenhague, Hambourg ou Strasbourg, pour désigner ces nouveaux quartiers composés d’espaces publics ou privés comme de bâtiments qui, cherchant à se distinguer les uns les autres finissent par se ressembler pour se confondre et être finalement tous les mêmes, de sorte que personne ne sait où il est. Le terme de « syndrome » indique qu’il s’agit d’une maladie. Liée au développement et à la croissance des villes, elle apparaît à la fin du XXe siècle et connaît un développement considérable au début du XXIe. Les urbanistes français le nomment ZAC, ou bien projet urbain, une forme récente porte le nom trompeur et apparemment plein de vertu d’éco-quartier. Strasbourg elle-même n’a pas été épargnée, mais des recherches sont en cours pour endiguer le phénomène et cesser sa propagation. »

A partir de l’administration, des logements et espace de co-working
Pour pallier au syndrome de Copenbourg, l’urbaniste Alexandre Chemetoff & associés prend le parti d’apprendre du site. Dans une référence assumée à l’ouvrage éponyme Learning from Las Vegas de Robert Venturi, Denise Scott Brown et Steven Izenour, il entreprend une pratique de terrain, quasi ethnographique, le projet se dessinant à partir des ressources déjà là.

A partir du garage, une galerie des arts, un café-musique et un jardin de sculpture sont projetés. A partir de la menuiserie, un atelier des métiers ou fablab
Les sièges et usines de la COOP, enseigne de distribution connue de tous en Alsace, active pendant près d’un siècle, de 1911 à 2015, constitue un quartier. Plus précisément, un quartier en croissant de lune dont le demi cercle de 8 hectares est tracé par les voies de chemin de fer et la rue du Port du Rhin. En préalable au projet, Arnaud Duboys Fresney y a dressé un inventaire exhaustif de l’état des lieux, à partir d’un relevé photographique objectif, les prises de vue étant réalisées frontalement et par temps gris. Là, les constructions de la friche industrielle que le temps a relativement épargnées sont fragiles. Les pigeons qui ont élu domicile dans les greniers, les tuiles manquantes dans les toits, les joints d’étanchéité où poussent des arbres, les chenaux obstrués remplis d’eau, les fers des bétons érodés, les enduits dégradés, les fenêtres cassées et les intrusions malveillantes, auront bientôt raison des constructions les plus solides. Le portrait photographique de la COOP saisit un patrimoine matériel, qui révèle aussi la présence sensible d’un patrimoine immatériel. Sans compter que de nombreux artistes profitent de ces espaces libres pour y élire résidence, de même que le festival Ososphère qui a investi les lieux dès 2012.

A partir du bâtiment de l’Union sociale, le pôle d’étude et de conservation des collections des musées de Strasbourg
A la mise en place d’un programme culturel qui a tendance à fossiliser les politiques architecturales, Alexandre Chemetoff préfère assigner dans ces lieux des fonctions générales, prônant la mixité. Après avoir inventorié les espaces, listés les usages passés et possibles d’aujourd’hui, son objectif est de réutiliser au maximum les bâtiments, proposant une nouvelle actualité de l’activité passée, dans une dimension collaborative

A partir de la cave a vin, une salle d’exposition ou évènementiel A partir des cuves à vin, la question est encore en suspend, probablement une cave a vin A partir de la grande salle d’embouteillage, une grande brasserie de 1000 couverts
Concernant ce plan guide, on apprécie les qualités projectuels de Chemetoff dans ces lieux d’un autre temps à la poétique désoeuvré. « Utopie du réel », peut-être… Pour autant, la réhabilitation de friche industrielle n’est pas une première – et Chemetoff n’en est pas non plus à son premier essai (cf Iles de Nantes, reconversion d’un chantier naval). Si la plupart sont converties en pôle culturel, comme le bassin houiller de la Ruhr en Allemagne (OMA, SANAA…), d’autres sont rendues à des activités mixtes, à l’instar du quartier de Rotermann à Tallinn (Estonie) (Koko, Kosmos…), plus proche du cas de la COOP. La cohabitation d’une architecture industrielle et contemporaine, accueillant une programmatique diverse, ne laisse pas insensible et nous invite à imaginer un beau projet en perspective prévu à l’horizon 2020.
Amélie Luquain
Courtesy Ville et Eurométropole de Strasbourg / A. Chemetoff