Maison M, seilh, France
Architectes, PPA Architectures
Bâtie dans une banlieue résidentielle en périphérie de Toulouse, la maison M impose avec radicalité ses volumes de béton dans le contexte spécifique d’un lotissement. Très fermée sur trois côtés, elle accueille le paysage à bras ouverts par ses grandes baies vitrées à l’ouest pour se laisser traverser par la vision sereine de l’étendue engazonnée d’un golf.
Le projet s’inscrit sur un terrain de 34×34 m dans un lotissement pavillonnaire dont il s’affranchit des codes « petits-bourgeois » (tuiles canal, génoises et enduits orangés). Il se glisse entre deux parcelles compactes en fond ‘impasse et en vis-à-vis du green du Golf international de Toulouse. Ces deux caractéristiques ont conduit les architectes – Jean-Manuel Puig, Guillaume Pujol, Charles Séguier et Olivier Companyo – à une stratégie d’implantation radicale en regard des limites, des proximités et des vis-à-vis d’une part, et de l’étendue, d’autre part, qui vise à exploiter au maximum les potentialités du site. Ainsi, la maison s’organise-t-elle autour d’un vide structurant qui la protège du voisinage, éclaire ses différents espaces et en distribue les fonctions. Elle se caractérise par des volumes abstraits en béton et tôle d’inox, une façade mutique sur rue et une autre entièrement vitrée vers le golf. Mais si sa position est clairement affichée, elle soulève – en raison de son programme complexe et fluctuant depuis la commande – une somme de questions quant à la définition des espaces, la réversibilité des fonctions, l’appropriation par les usages…
Un projet laboratoire
Le programme – atypique – définit ce pavillon comme le support de multiples destinations et usages. Tout en étant considérée comme un lieu de vie, la maison devait aussi pouvoir être un lieu de réception, de travail, d’exposition, de création, d’hébergement… Thème important et récurrent dans le travail de cette très dynamique agence toulousaine le programme ouvert est ici élément de conception. Le projet se compose de trois boites juxtaposées – mono-orientées vers le paysage artificiel du golf – qui engendrent un espace central introverti. Chaque volume tente de se dégager des contraintes techniques afin de pouvoir assurer diverses fonctions, à la fois spécifiques et évolutives. Ainsi, les pièces telles les chambres avec salle de bains/bureaux sont peu marquées par leur usage et davantage caractérisées par l’ambiance, en cohérence avec l’ensemble du projet. Le vaste volume transparent du séjour – salle de réunion – réception est entièrement ouvert d’un côté sur le patio pavé et sa piscine/bassin d’apparat et de l’autre sur la terrasse vers le gold. L’atelier, lui, est autonome, d’où son traitement spécifique, mais il assume néanmoins l’objectif commun en proposant un espace capable. C’est un vaste volume éclairé par une grande fenêtre au nord, dont le parement en polycarbonate, fait vibrer les parois. Il se prolonge par une « placette extérieure » pour recevoir ou encore exposer des œuvres.
Sobre dualité des matériaux
Combiné à un travail sur les textures, le choix de matériaux simples n’est pas issu d’une question de budget mais d’une volonté délibérée. Le plafond en béton banché brut est commun à l’ensemble de la maison ; de même le sol unique en lames de bois naturel ne marque aucune différence entre les niveaux, ni même entre pièces de vie et pièces humides. Cependant l’attention a également portée sur la complémentarité des matériaux et la dualité entre l’industriel, telle la tôle ondulée, et le naturel comme le parquet bois et les pavés de pierre, mais aussi sur la combinaison des deux, dans le béton coulé très soigneusement sur un coffrage de planchettes. Ceci concourt à offrir des espaces neutres qui ne sont ni froids, ni inexpressifs.
A l’extérieur, le sol s’affirme monochrome en cubes de pierre noire posés à la main et gravillon sombre. D’ailleurs, le terrain est juste pacifié et non véritablement aménagé en jardin. Le traitement des espaces non bâtis en périphérie de la parcelle et autour de la maison reste ouvert en termes d’usages et d’appropriation. Quelques cyprès protègent des vues depuis la maison voisine et la limite avec le golf est marquée par une haie épaisse et un fossé. D’une grande sobriété – à ne pas confondre avec de l’austérité car elle recèle de la générosité, des matières, des textures, de la lumière, des vues, des potentiels… -, cette maison fait preuve d’une belle exigence, d’une haute précision qui cependant n’en font pas un projet suisse défini, net, lissé, figé. L’objectif des architectes n’a pas été d’être minimal ni esthétisant, même si l’image se révèle ambiguë du fait de l’absence de signes et de l’évanescence des fonctions. Le projet affiche une spatialité fluide dont témoignent la discrétion des articulations, l’escalier masqué, les portes qui se dessinent à peine dans les parois, les vitrages qui s’effacent pour mieux embrasser le paysage.
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Surface habitable : 275 m² | Délais : études 12 mois, travaux 18 mois | Maitrise d’ouvrage : privée | Architecte : Olivier Companyo (PFA architectures) | Chef de projet : Amandine Hernandez | Bet Structure, Befs Grontmij | Gros-Œuvre, Construit 3 | Menuiseries extérieur : Gayrel, Dewerpe | Agene=cement : M. Bannelier | Structure : Cir Prefa | Panneaux de façade : ArcelorMittal | Verre : Vitrocsa | Sanitaires : Ideal Standard | Robinetterie : Cristina | Chauffage / Climatisation : Toshiba | Luminaires : Zangra (int.), Wever & Ducre, Bega, Modular (ext.)
Catherine Pierre
Crédit photo : © Philippe RUAULT PHOTOGRAPHE