AccueilMatièresBétonSMARTSEA, figure de proue de l'écoquartier SMARTSEILLE

SMARTSEA, figure de proue de l’écoquartier SMARTSEILLE

Marseille. Au cœur du plus grand chantier de requalification urbaine d’Europe, pris entre la façade littorale, les infrastructures de transport et les différents quartiers en cours de restructuration, un nouvel édifice compose avec le grand paysage et joue de sa matérialité pour apporter de la profondeur à l’espace construit.

L’établissement public d’aménagement Euroméditerranée, en charge à Marseille de ce gigantesque chantier de requalification urbaine, poursuivra ses travaux jusqu’en 2031 jusqu’à la livraison du parc des Aygalades, visant à « recoudre » les quartiers nord avec le centre-ville de la cité phocéenne. 480 hectares pensés pour répondre aux problèmes d’attractivité de la ville : logements, commerces, équipements culturels, services, transports en commun sont d’ores et déjà livrés sur la façade littorale de la ville portuaire : un gigantesque linéaire qui s’étend du vieux port à l’Estaque, incluant les quartiers de la Joliette, de la Belle de Mai, la Porte d’Aix et la rue de la République.

Aménagement urbain durable

Dans la zone arrière-portuaire, à quelques pas de la Marseillaise de Jean Nouvel et de la tour CMA-CGM de Zaha Hadid, l’îlot Smartseille se présente déjà commeun pilier du label EcoCité , un « îlot démonstrateur » en matière d’aménagement urbain durable. Le programme est en effet imaginé pour répondre aux problématiques urbaines qui persistent sur ce territoire : mixité sociale, fonctionnelle, confort d’habitat, proximité des services, performances environnementales. Développé par le groupe Eiffage et sa cellule de recherche en développement Phosphore, l’îlot Allar prend place sur le site d’une ancienne usine à gaz. 2,7 hectares sur lesquels 58 000 m2 de surface de plancher (dont 116 logements sociaux et 340 accession, 23 000 m2 de bureaux, 94 logements en résidence intergénérationnelle, un hôtel, un crèche, un groupe scolaire et 3000 m2 de commerces et services) ont ainsi été dessinés par les architectes Eduardo Souto de Moura, Corinne Vezzoni, Battesti associés, Mathoulin-Jardin, Céline Pigeat Atelier 82, et pour finir l’agence Carta-Reichen et Robert Associés (1), en collaboration avec EGR Atelier d’Architecture pour le projet Smartsea, dernier en date de l’îlot.

« Le point de départ est un paysage qui possède une puissance monumentale, un paysage maritime mais aussi un paysage construit avec un patrimoine industriel très intéressant, des infrastructures très fortes et très belles, qui jalonnent le bord de mer. On avait envie de s’inscrire dans cette histoire industrielle et maritime en proposant un bâtiment capable de composer à la fois avec le grand paysage mais aussi avec ces éléments d’infrastructures. On est donc parti sur un bâtiment fort, puissant, capable d’être démonstrateur d’une manière passive de se protéger du climat, de l’apprivoiser. » Frédéric Einaudi

Identité méditerranéenne

Le site est contraignant, le long d’une passerelle autoroutière et du chemin de fer, au milieu d’infrastructures industrielles qui le séparent de la mer tout en lui laissant le bénéfice d’une vue infinie vers l’horizon. Tel un signal, la puissante masse minérale affiche ici ses 10 250 m2 de bureaux et 850 m2 de locaux d’activités dans une ossature en béton constituée d’une trame structurelle régulière formant un angle sur la rue Allar. A l’échelle de la rue, on découvre l’édifice sous un tout autre jour, composé de trois volumes séparés par des failles mettant en évidence les entrées et les accès vers l’intérieur de la parcelle, sa verticalité encore renforcée par le retrait des volumes latéraux. Les trois édifices tramés reposent sur un soubassement commun sur deux niveaux, tandis que le prolongement de l’ossature en attique vient couronner le tout. Là, deux grandes terrasses s’ouvrent sur le grand large. La masse est travaillée, allèges et meneaux composés d’élément de remplissage légers en béton préfabriqué formant une fine matrice ondulée. 

« On est là à la limite sensible de la ville. Au fond vous avez ce qu’on peut appeler la ville du large, qui fixe Marseille, la tient en respect, qui tient Euromediterranée. Vous avez d’une part devant vous une ville qui bouge, et d’autre part, derrière, une ville inerte. Ce site est placé à la limite entre la ville mobile et la ville immobile. Cela lui donne une dramatisation qui est vraiment extraordinaire. C’est le potentiel formidable de toute la façade littorale. Il y a cette passerelle avec le flot continu de circulation, on est dans quelque chose qui relève d’un grand mouvement. » Roland Carta

Jeux de volumes et dispositifs écologiques

L’édifice vient en angle aigu entre rue Allar et rue Paul Brutus, avec pour effet d’accentuer encore la perspective, et de former une structure rationnelle quasi-abstraite. Un travail sur la profondeur des façades de l’édifice permet un ajustement de ses relations à la rue : un alignement d’une part sur la façade nord, tandis qu’un décalage de près d’1 mètre sur la façade maritime à l’ouest offre un jeu d’ombres et de lumières. Ce dispositif passif permet enfin une protection solaire salutaire, alors que différents dispositifs vertueux sont également pensés parmi lesquels le raccordement au réseau urbain de géothermie marine, relié aux différents immeubles du quartier par des canalisations permettant les échanges thermiques par un circuit d’eau tempérée par l’eau de mer, puisée à moyenne profondeur dans les bassins portuaires.

©Giaime Meloni

« A Marseille la lumière de l’ouest est très tranchante, on voulu décliner cette façade qui devient plus ou moins épaisse en fonction des orientations. A l’ouest on est très épais avec 1 mètre de profondeur de façade, ce qui permet de se protéger d’une forte luminosité. Au nord on est affleurant et on devient très urbain. Ce jeu d’ossature structurel joue le rôle de brise-soleil et installe en même temps le bâtiment dans ce jeu d’infrastructures.
Il y a la volonté de morceler ce bâtiment qui représente un volume important. De fait, le bâtiment d’angle devait avoir un statut particulier, comme un point de repère dans l’entrée de Marseille. C’est pour cela qu’on l’a coiffé d’une couronne qui a une utilité spatiale, architecturale, mais aussi urbaine. Et enfin on a décroché les trois volumes avec ses trois creux dans lesquels se trouvent les paliers des étages qui sont ainsi éclairés naturellement. Cela permet d’adoucir un volume qui aurait pu être trop massif. »
Cette façade du bâtiment est très abstraite, il faut être en face pour voir que c’est un bâtiment de bureaux, mais comme on le parcourt souvent de biais, ce que l’on perçoit est une façade de lumière et d’ombres ».
Frédéric Einaudi

Propos recueillis par Stéphanie Philippe

(1) La fusion des agences Carta Associés et Reichen et Robert & associés est à l’origine de nouvelles équipes autour de Bernard Reichen, Marc Warnery, Roland Carta et Stéphan Bernard. L’Atelier EGR constitué par Frédéric Einaudi, Maxime Gil et Anthony Rodriguez, a reçu le prix des Albums des Jeunes Architectes et Paysagistes en 2016. Nommé en 2019 au prix de la Première Œuvre pour le projet de 12 logements sociaux à Jouques, et lauréat en 2022 du Prix Européen 40 under 40.

Maître d’ouvrage : Eiffage Immobilier
Architectes mandataires : Carta-Reichen et Robert
Co-traitants : EGR Atelier d’Architecture
Surface : 12 000 m2 (dont 10 250 m2 de bureaux)

©Pierre-Quintrand
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