Tours du monde, virtuel contre réel, ces promoteurs qui honnissent les chartes, Barragan en diamant, bâtiment : le plus moche bientôt couronné
Haut c’est trop
Des Londoniens, nous pensions qu’ils adoraient les gratte-ciel qui prolifèrent sans trêve dans leur ville et en hérissent l’horizon chaque jour un peu plus. 400 sont dans les tuyaux des promoteurs et promettent de s’ajouter à un parc déjà bien fourni. L’opinion publique, plus que le ciel, pourrait être la limite. Un sondage Ipsos Mori effectué auprès de 504 Londoniens à la demande du groupe anti-hauteur Skyline Campaign indique que 49 % des personnes interrogées estiment le nombre de projets de tours trop élevé. Par ailleurs, 73 % des sondés aimeraient avoir leur mot à dire sur les tours à venir, qu’ils estiment pour 60 % d’entre eux construites au bénéfice principal de riches étrangers, et souhaiteraient voir la construction de bâtiments de grande hauteur limitée à certains quartiers de la ville comme la City ou Canary Wharf. Quels types de chantiers préféreraient enfin voir les sondés ? Du logement abordable avant tout, éventuellement conçu en relation avec son environnement immédiat. La fin du fuck context ?
Via Dezeen
étude ipsos
« Plutôt élevé »
Sentant le vent tourner sur la Tamise, les promoteurs deviennent prudents. L’année dernière, l’action de Skyline Campaign avait réussi à ramener le projet de Piano sur la gare de Paddington de 72 à 18 niveaux — une rude mutilation pour les pauvres investisseurs partis à la conquête de l’eldorado immobilier londonien. D’où une communication évanescente sur les projets en cours d’étude. L’agence SOM confirme que le futur gratte-ciel qu’elle conçoit pour le compte d’un fond hong-kongais à proximité du Gerkhin sera « plutôt élevé » (quite tall). Et sans doute construit en « un certain temps », plus ou moins égal à celui que le fût du canon de Fernand Raynaud mettait à refroidir.
Via Building Design
Pixelisons, c’est la solution
Plutôt que de cacher ses plans honteusement, SOM pourrait s’inspirer du design de la MahaNakhon tower d’OMA à Bangkok, qui « vient d’être inaugurée dans une ambiance ultra festive comme la Thaïlande sait si bien le faire ». Ce n’est pas la taille qui frappe dans ce bâtiment, reporte radio-Monaco, mais son aspect qui donne « l’impression de vous trouver dans un jeu vidéo un peu trop pixelisé », une sorte de Tétris ou de quartier fait sur MineCraft. « Mais non, cette tour de verre, qui semble faite de pixels, et à laquelle il semble manquer des morceaux, est bien réelle. » Un design qui détourne l’attention et fait oublier la hauteur d’un bâtiment, c’est peut-être la solution : une réactualisation des tactiques de camouflage « razzle-dazzle » utilisées par la marine britannique avant l’invention du radar.
via Radio-Monaco
Effacés
Ultime solution pour gagner en discrétion : disparaître en s’effaçant purement et simplement, une option qui n’est pour l’instant possible que sur la toile. Le Financial Times révèle que de nombreuses personnalités ont fait disparaître leurs propriétés de Google Street View. Paul McCartney, Tony Blair ou Jimmy Page ont fait flouter les images de leur résidence, faisant valoir un droit de rectification accordée à tout à chacun par la firme de Mountain View. Mais selon le quotidien économique britannique, des petits accords entre GAFA ont permis à Marc Zukerberg de faire totalement disparaître sa maison de google drive, tandis que l’interdiction de la Google Car dans certaines gated community huppées a fait s’évaporer du territoire les maisons de Kim Kardashian, Justin Bieber et Jennifer Lopez. Surexposition publique, ultra invisibilité privée…
via 20 minutes
Pokenon !
Au-delà de son aspect anecdotique, ce floutage est révélateur des problématiques que pose le virtuel au réel en matière de propriété. Le succès du jeu Pokemon Go a fourni un autre exemple de conflit. Alors que les responsables de chantiers s’inquiétaient de l’intrusion sur leurs sites de chasseurs de Ratatak peu au fait des procédures de sécurité, le maire de Bressolles, une commune de 800 habitants dans l’Allier avait pris un arrêté visant l’interdiction des Pokémons dans son village. Des demandes similaires ont été formulées à Hiroshima, Auschwitz, Douaumont, et autres lieux sensibles. Jusqu’à présent, l’éditeur du jeu a choisi d’inclure un maximum de points d’intérêts (opt-in) laissant un droit de retrait à qui en ferait la demande (opt-out). Dans un article très complet, le blog S.I.Lex fait le point sur la question. Serait-il possible d’interdire l’implantation d’un pokestop sur sa parcelle, en invoquant une extension virtuelle du droit de propriété, qui prévoit qu’on possède son terrain du centre de la Terre jusqu’aux confins du ciel ? Les droits d’auteurs sont aussi concernés, l’inclusion d’images pouvant être considérée comme l’utilisation de bâtiments à des fins commerciales, ouvrant ainsi le droit à une rémunération. Le monde réel ne devrait-il pas être supprimé, tant il complique la vie du monde virtuel ?
Via S.I.Lex
Luis, mon bijou !
Même avec ses minecraft, pokestop et google car, la fiction n’égalera jamais l’inventivité de la réalité. Quel cerveau de la Silicon Valley ou, à défaut, quel scénariste d’Hollywood ou quel historien de l’architecture aurait pu imaginer que les cendres de l’architecte mexicain Louis Barragan deviennent le diamant ornant une bague de fiançailles ? Certes, le procédé consistant à compresser du carbone pour le transformer en diamant est connu de longue date et presque banal. L’histoire qui mène à cette transformation l’est beaucoup moins : un feuilleton abracadabrant, où l’on retrouve en première ligne l’artiste contemporaine Jill Magid, des héritiers en colère, l’épouse d’un célèbre fabricant de mobilier de Weil-am-Rhein… Pour comprendre les tenants et les aboutissants de cette histoire se situant entre le roman Arlequin, la série Dynasty et la programmation d’un FRAC, mieux vaut se reporter à l’article de Slate qui la relate, et promet déjà un prochain épisode.
Via Slate
Tout mais pas charte !
« Tu la signes quand ma Charte de la construction ? » demandent quarante villes aux promoteurs appelés à construire sur leur territoire. « Jamais ! », répondent ceux-ci avec le soutien du représentant de l’État. La Fédération des promoteurs immobiliers et le préfet d’île de France jugent illégaux ces accords non obligatoires fixant des règles pour améliorer les constructions. Les Chartes prévoient, entre autres, des plafonds de prix, des niveaux de performances énergétiques ou un regard sur la qualité architecturale du bâtiment. Mais elles freineraient la construction, disent les promoteurs immobiliers qui ne veulent pas se voir imposer de nouvelles normes. Quarante élus franciliens plutôt marqués à gauche s’insurgent de la « complaisance de l’État vis-a-vis de ceux qui prônent une libéralisation totale du secteur », affirmant que « ces chartes sont un outil pour développer les villes de façon équilibrée sans céder aux sirènes du tout logement ».
Via L’humanité
Piano au créneau
« Nous sommes les héritiers indignes d’un grand patrimoine. Indignes, car nous ne le protégeons pas. La surdité est coupable. Devant de telles catastrophes, on ne peut pas invoquer la fatalité », explique Renzo Piano dans les colonnes du Corriere della Sera à propos du récent tremblement de terre qui a frappé la région d’Amatrice. Craignant le prochain tremblement de terre, Piano fait de la mise en sécurité du territoire un devoir civil, politique et moral. Il suggère la construction de maisons bois à 600 euros du m2 à proximité des villes frappées, pour ne pas éloigner la population de ses lieux de vie, suivi de la reconstruction des quartiers détruits. Sur le long terme, celui qui est depuis 2013 sénateur à vie de la République italienne propose en priorité la consolidation des écoles et des hôpitaux ; la mise aux normes antisismiques du patrimoine privé devant être encouragée par des aménagements fiscaux. Le calendrier de mise en conformité s’étalerait sur le long terme « ça ne se fera pas en deux ans. Il faut voir ça sur deux générations, ou plus ». Comme on dit au-delà des Alpes, « Chi va Piano… »
archi-moche ?
Qui sera le plus moche de 2016 ? Comme chaque année, le journal Building Design s’apprête à décerner la Carbuncle Cup, le prix du furoncle attribué au bâtiment le plus laid livré au Royaume-Uni. L’édition précédente avait couronné le « Talkie Walkie », une tour de l’architecte Viñoly qui avait défrayé la chronique pour sa fâcheuse tendance à se comporter comme un four solaire et brûler les objets placés dans son voisinage. Les nominés de la nouvelle édition comprennent des monstres architecturaux — l’énorme « nid de banquiers » dessiné par l’agence Make architects — une tour de logement et un centre d’affaires coloré, une université à la peau torturée, et une plus banale église méthodiste, affligeante d’une banalité qui nous est aussi familière de ce côté de la Manche.
via The Guardian
Olivier Namias