Vraisemblablement, Zaha Hadid et Rem Koolhaas forment la paire !

Zaha Hadid et Rem Koolhaas
Le goût de la provocation qu’entretient Zaha Hadid l’a certainement rapprochée de Rem Koolhaas. Les deux « starchitectes » se sont rencontrés dans les années 1970 à l’Architectural Association School de Londres. A l’époque, Koolhaas instruisait avec Elia Zenghelis, qui l’avait en quelque sorte adopté pour enseigner dans son unité. De façon similaire, ils ont adopté Zaha. « C’était donc plus une réunion d’affinités, d’intérêts communs et des explorations communes, plutôt qu’une situation classique (étudiant-enseignant) » nous dit Rem Koolhaas dans une interview datée du 1er avril 2016 sur Dezeen. Dans une continuité logique, Zaha rejoint l’agence OMA, d’où ressort le superbe cadavre exquis pour l’extension du parlement hollandais, avant de fonder son propre bureau en 1979. Issue d’une génération brillante qui a donné également Nigel Coates et Bernard Tschumi, les deux amis ont su rester proche, bien qu’ils aient souvent été en concurrence, comme pour le centre d’art contemporain de Rome, aujourd’hui le célébrissime MAXXI.

MAXXI Museum of XXI Century Art Rome – Courtesy Iwan Baan
Selon Rem Koolhaas, leur relation était fondée sur « l’ambition partagée, l’empathie partagée, un intérêt commun et une motivation commune pour contester les mêmes choses. » Si l’architecte est en concurrence constante avec ses collègues – triste part de l’architecture d’aujourd’hui – il semble que ça n’a pas gêné Zaha Hadid, qui était, somme toute, « très famille » confirme Koolhaas. Rien d’étonnant donc à ce que Rem D Koolhaas (neveu de l’architecte) collabore avec la star de l’architecture pour créer la Flames Shoes pour United Nude.

Zaha Hadid (debout) avec Rem Koolhaas, Elia et Zoe Zenghelis, et Madison Vriesendorp en 1978 pour la première édition du magazine d’art Viz.
La photo de ce jeune couple de prophète (malheureux ou bienheureux), dont se dégage la jeunesse et l’énergie de leurs futurs œuvres, fait le tour des réseaux sociaux après avoir été découvert sur un compte chinois twitter. Seulement, si la paire est exemplaire, la photo en est d’autant plus faussée. Puisqu’elle a manquée à l’appel, elle fut recousue par des mains numériques expertes, Zaha Hadid prenant place au côté de Rem Koolhaas, effaçant du cadre l’architecte historien Robert Stern nommé membre du directoire de la Walt Disney Company en 1992.

Opposition no.9 (Summer 1977)

Hadid AA Files no.3 (January 1983)
Quoi qu’il en soit, Zaha Hadid a su accoucher d’un monde bien à elle : après Disney, « Au pays de Hadid » écrivait le critique Aaron Betsky, « la gravité disparaît, la perspective bascule, les lignes convergent et il n’y a plus de définition d’échelle ou de fonction. »
En témoigne l’évaluation de Koolhaas d’elle comme tuteur à l’AA : « la performance de Zaha au cours des quatrième et cinquième années était comme celle d’une fusée qui a décollé lentement pour décrire une trajectoire en constante accélération. Maintenant, elle est une planète dans sa propre orbite inimitable. Ce statut a ses propres récompenses et difficultés : en raison de la flambloyance et l’intensité de son travail, il sera impossible (pour elle) d’avoir une carrière classique. Elle le doit à son talent d’affiner et de développer au cours des prochaines années. »
Dans le numéro 291 de CREE (1999) dédié aux « Ouvrages de dames », et dont le portrait de Zaha Hadid fait fièrement la couverture, Kenneth Powell nous disait : « Hadid a la réputation d’être effrayante. Elle a sans aucun doute son franc-parler, méprisant la médiocrité et les flatteurs, sûre d’elle et de son talent. Mais, derrière la façade, il y a quelqu’un de pudique, une écorchée vive regrettant d’être désavantagée en tant que femme dans un monde essentiellement masculin. » Première femme récompensée d’un Pritzker en 2004, Zaha Hadid a su s’imposer dans un monde dominé par les hommes et inspirer certainement de nombreuses jeunes femmes, en témoigne le pourcentage croissant de population féminine intégrant les écoles d’architecture.

CREE n°291 (1999)
Alors « forever young » ou à nouveau jeune, celle qui a été influencée par le suprématisme et le constructivisme russes, et en admiration devant la South Bank et le London’s Queen Elisabeth Hall/Hayward Gallery complex, sera sans doute une source d’inspiration hautement motivante pour la jeune génération.
Et maintenant, qui va bien pouvoir remplacer Zaha Hadid au côté de Rem Koolhaas ? Il semble qu’elle figurera encore longtemps sur l’image…
Amélie Luquain