La jeune start-up BAM fait débat. Fondée par Mathias Boutier et Boris Lefèvre, elle tente de réconcilier les français avec l’architecture.
Architecte !
En France, ce « gros » mot désigne des élitistes qui ont surtout… des idées. Pour les uns, l’architecte produit des formes auxquelles doit répondre l’ingénieur (NB : on ne parlera pas ici de la guerre qui anime les architectes et ingénieurs). Pour les autres, il est surtout trop coûteux et reste un personnage dont l’intérêt n’est que minime. En effet, 71% des particuliers français pensent que « le travail de l’architecte est le plus souvent un passage obligé, qui est coûteux et dont on aimerait bien se passer »*.
Bref, l’architecte est quelque peu mal perçu. L’image d’artiste décalé de la réalité concrète et d’un certain pragmatisme lui colle à la peau. Et pourtant, chez nos voisins européens, il est reconnu pour la finesse et l’intelligence de ses projets.
Because Architecture Matters
De ce constat est née en août dernier la jeune start-up BAM, entendre Because Architecture Matters, une plateforme numérique qui a pour but de réconcilier les français avec l’architecture, les particuliers avec la maîtrise d’œuvre. Pour Mathias Boutier et Boris Lefèvre, les deux fondateurs, il est urgent de redonner sa place à l’architecte au sein de nos villes. L’un ayant emprunté la voie de l’entreprenariat et de la finance à la Toulouse Business School, l’autre ayant suivi un cursus d’architecte à l’ESA, les deux amis de longue date ont décidé de travailler main dans la main pour tenter de faire évoluer les mœurs.
La mission de BAM
Démocratiser la profession et ainsi augmenter la proportion de constructions conçues par les architectes. L’architecte est un garant de l’intégrité, de la singularité et de l’harmonie de nos paysages urbains. Il doit reconquérir sa place de chef d’orchestre au sein des constructions françaises, et notamment à l’échelle de la maison individuelle, dont l’emprise reste très marginale en France. En effet, 4% seulement des particuliers font appel à un architecte. Or l’architecte est quelqu’un à l’écoute, capable d’offrir des habitats singuliers selon les besoins et désirs de chacun. Sur la question du logement, il est temps de sortir de la domination des promoteurs dont l’intérêt principal est la rentabilité, entrainant de fait une standardisation des constructions et donc des modes de vie. Aujourd’hui sortent de terre des ZAC toutes similaires où seule diffère la façade. Notons d’ailleurs qu’avec les normalisations en cours, l’acte de création architectural est entièrement reporté aux façades. Après l’Homme de Vitruve et ses proportions idéales, puis le Modulor fonctionnel au plus haut point, nous voici aujourd’hui dans l’air du sigle handicapé, et l’architecture s’handicape avec elle. Face à la standardisation, il faut promouvoir la capacité des architectes à produire du sur mesure afin d’augmenter la qualité architecturale.
Faire appel à un architecte est aussi un gage d’économie dans tous les sens du terme. Au niveau écologique, il s’adapte aux lieux et climats dans lesquels il construit, il travail sur l’orientation, les techniques de construction, déniche les meilleurs matériaux. Au niveau rapport qualité / prix, il connaît les entreprises et fabricants, suit ses chantiers. Au niveau temps, il a l’habitude des formalités administratives, des dépôts de permis de construire…
Leur proposition
Une plateforme numérique condensant l’offre et la demande, destinée à mettre en relation des personnes porteuses de projets avec des jeunes architectes (moyenne d’âge de 35 ans). Côté maîtrise d’ouvrage, l’accès à la commande peut se faire de deux manières. La première, par consultation (gratuit) : une sélection d’architectes est présentée au maître d’ouvrage en fonction de ses attentes et de son projet. Il n’a plus qu’à choisir à partir de leurs portfolios. Le deuxième, par concours (rémunération des architectes) : un concours d’architecture restreint est organisé, sur la base d’intentions architecturales. Le client réceptionne, évalue les projets et choisit. Pour lui, cette plateforme est une véritable garantie. Tous les architectes inscrits sur la plateforme le sont aussi à l’Ordre et sont assurés selon les normes en vigueur. Tous les échanges sont archivés. De plus, le particulier bénéficie d’un conseiller personnel BAM et du réseau d’entreprises partenaires.
Côté maîtrise d’œuvre, BAM propose aux jeunes architectes inscrits à l’Ordre de s’inscrire sur la plateforme. Celle-ci permet d’augmenter la lisibilité des agences et de renforcer leur relation presse. BAM vérifie en amont le sérieux des maîtres d’ouvrages, leurs attentes, offrant ainsi une économie de temps sur la recherche de nouveaux clients. L’architecte reste indépendant, et accepte uniquement les projets sur lesquels il veut travailler. En plus de sensibiliser les particuliers à la qualité architecturale, BAM offre un gain de temps considérable aux architectes pour qu’ils puissent se concentrer sur ce qui les intéresse : l’architecture.
Leur ambition
BAM propose donc de casser le monopole des grosses agences et de limiter l’influence des promoteurs sur les petits projets, faisant le choix de donner la visibilité aux jeunes archis. Ainsi, les ambitions de cette start-up s’inscrivent aussi dans le nouveau projet de loi relatif à l’Architecture défendu par Fleur Pellerin, actuel ministre de la Culture. Le 17 septembre, enfin, a été prononcée la loi concernant l’obligation de recourir à un architecte pour les surfaces de plus de 150m² (contre 170m² jusqu’à présent). Cette loi dénote donc bien de l’ambition de rendre la mainmise des petites constructions aux archis. Depuis août, une soixantaine d’architectes d’un peu partout en France se sont inscrits. Affaire à suivre !
* Enquête Ipsos pour l’Ordre National Des Architectes en mars 2011
Amélie Luquain