Nimbisme, Eiffel on tour, clôtures et parlements : des architectes imaginent, rabotage et démolition
Déboutées
‘Not in my backyard’ (NIMBY), ou plutôt PODAMOCHAM (Point dans mon Champ de Mars): c’est le combat mené par la comtesse de Poix et Mme Bouruet-Aubertot, apprend-on dans une chronique judiciaire du 15 mai 1887 exhumée par le Figaro Immobilier, démontrant par l’archive que la manie du recours ne date pas d’hier. « Les deux propriétaires craignent pour leur « merveilleux panorama » et protestent « contre la construction de la Tour, qui doit leur enlever une partie de la perspective, non seulement pendant l’Exposition, mais pendant une durée indéfinie », laissée à l’appréciation de la ville de Paris qui héritait de la tour. Pour l’avocat de la ville, la tour, « monument à claire-voie, ne saurait en aucune façon dérober la vue ». Le résultat du jugement, rendu huit jours après la parution du jugement, n’est pas connu. La présence de la tour Eiffel dans le ciel parisien semble indiquer que les deux plaignantes ont été déboutées.
Eiffel en Vendée
D’autant plus vaines étaient leur crainte de panoramicide que les innombrables répliques de tour Eiffel à travers le monde l’ont prouvé : qu’elle prenne l’aspect d’un derrick inspiré ou procède du plagiat éhonté, la tour façon Gustave Eiffel enrichit les paysages qu’elle orne. On connaissait les copies placées au centre des villes nouvelles chinoises, voici maintenant que la Dame de fer s’acculture en Vendée, dans la station balnéaire de Saint-Hillaire-de-Riez. « Construit initialement pour l’arrivée le 24 septembre d’une course en mobylette déjantée, l’ouvrage de 12 tonnes (et 32 mètres de haut) aurait dû être démonté après la manifestation » . Un provisoire qui dure, une histoire qui se répète. La tour attire les badauds, au point que le maire, surpris de l’engouement, a repoussé son démontage à la Toussaint. « Mais les élus de la commune voient maintenant plus loin et plus grand, rapporte Direct Matin.«Il y a des retombées économiques directes et indirectes, mais aussi en terme de notoriété. Notre station, pourtant importante, n’est pas connue à l’échelle nationale. Avec cette Tour Eiffel, on parle de nous», poursuit le maire de la station balnéaire de 11.000 habitants l’hiver, et 120.000 l’été. L’idée d’acquérir la «Tour Eiffel de Vendée» a fait son chemin ». Si elle est conservée, elle quittera le parking pour la place du village, sans que le déplacement de lieu ne choque. A croire qu’à Saint-Hillaire, tout le monde trouve Eiffel un peu chouan.
Via Direct Matin
Défaites le mur
Tandis qu’un maire rêve de tours en Vendée, un candidat à la maison blanche rêve de mur à la frontière sud des USA. Pour une somme variant de 10 à 23 milliards d’euros, Trump veut étendre la clôture séparant les Etats-Unis du Mexique à 3000 kilomètres, (contre 1300 aujourd’hui) et rehausser de vingt mètres ses cinq mètres de hauteur actuelle. Estudio 3.14, une agence d’architecture mexicaine, a pris la commande au pied de la lettre, dessinant l’ouvrage fantasmé par Donald pour enrayer le flux des migrants et sans papiers. « La prison serait entièrement autosuffisante, avec ses unités de sécurité, son administration, ses infrastructures de santé et ses fabriques de textile où les immigrants travailleraient jour et nuit gratuitement pour financer la construction du mur en seulement seize ans » expliquent les architectes, suivant la suggestion trumpienne de faire financer la construction du mur par le Mexique. “Nous nous sommes basés sur les déclarations de Donald Trump, sur les aspects économiques, financiers et environnementaux sur lesquels nous nous sommes interrogés. Bien que cela ne soient que des déclarations verbales, en tant qu’architectes et designers nous avons la capacité d’imaginer et d’interpréter ce que Trump dit, et nous sommes convaincus que si nous pouvons donner à voir aux gens le résultat, ils pourront mieux évaluer ses propos et la perversité de son projet ». Projet, qui, tel qu’imaginé par les architectes, ressemble furieusement au projet Exodus de Koolhaas, repeint au nuancier de Barragán. Les prisonniers de l’architecture ne seraient-ils plus volontaires ?
Via Konbini
Raboté
La politique, on le voit, a des répercussions inattendues sur l’architecture, et pas seulement à l’échelle du territoire. Depuis qu’il a choisi de devenir le premier adjoint du nouveau maire de Nice, qui était son ancien premier adjoint, Christian Estrosi a fait réaliser quelques menus aménagement en mairie. « Quand il était maire de Nice, il avait un bureau « à étage » en conseil municipal. Il dominait la séance, son Premier adjoint Philippe Pradal siégeant à sa droite et en dessous de lui. Mais ça, c’était avant…Aujourd’hui, le bureau a été nivelé : le nouveau maire Philippe Pradal est assis au même niveau que l’ancien maire devenu son Premier adjoint » peut-on lire dans Nice-Matin, qui révèle ce petit rabotage entres amis. Rabotat signifiant travailler dans de nombreuses langues slaves, faut-il y voir dans ce raccourcissement intempestif une injonction à s’activer mal comprise par un ouvrier de la communauté russe, très présente dans la capitale de la Riviera ? « Honni soit qui mal y pense », diraient les Anglais sur la promenade.
Via Nice-Matin
Cocoon
Pendant que Nice-Matin voit dans la mise à niveau de l’homme politique – surélévation/raccourcissement – un nouveau marché pour les architectes d’intérieur ou les tailleurs (les talonnettes et podium de qui vous savez), l’agence Gensler voit plus grand, et imagine une solution innovante pour reloger les parlementaires anglais chassés du palais de Westminster par les travaux de rénovation. Il s’agirait de les installer dans une structure flottant sur la tamise, un grand cocon enveloppé dans ce qui ressemble à de l’ETFE « Le «bâtiment» de 240 mètres de long, qui peut couvrir une surface de 8600 m², pourrait être construit en moins de trois ans, dans les chantiers navals du Royaume-Uni ». Les tories ne seraient pas dépaysés, puisque « L’intérieur de la structure permettrait de reprendre les particularités de l’actuel Palais de Westminster et notamment les deux chambres emblématiques de la Chambre des communes et celle des Lords dont les dimensions ont été parfaitement respectées. La Galerie Royale et le Vestibule Centrale (Central Lobby) ont été reproduits à l’identique ». Le coût de construction restant inférieur au coût d’une location « en dur » sur le marché tertiaire londonien, le projet devrait permettre de substantielles économies budgétaires. Son nom «projet Poseidon », évoque malencontreusement « l’aventure du Poseidon », film catastrophe racontant le naufrage épique d’un imposant paquebot en route vers Athènes. Une métaphore des relations du Royaume-Uni avec l’UE à l’ère du post-Brexit ? Honni soit qui mal y (re)pense…
Effet Venturi
Partir : c’est trop souvent le dernier recours d’étudiants peinant à trouver leur place dans leur pays d’origine. Ainsi, Valeria a décidé de quitter Agrigente et tient depuis deux ans un cours d’architecture d’intérieur dans une institut privé de Madinat al-Kuwait, capitale du Koweit. « Ils cherchaient des architectes italiens – confie-t-elle au Fatto quotidiano, j’ai envoyé un CV, passé un entretien sur internet et ils m’ont embauchée ». Elle n’a pas l’intention de rentrer au pays : « là bas, il n’y a pas de futur pour moi. Les jeunes italiens sont réduit à l’aumone, ils (les employeurs) te disent que tu dois d’abord être plus expérimenté et qu’il n’y a pas d’argent. Ici, au contraire, tu trouves des jeunes de 27 ans qui ont déjà 3 années d’expérience professionnelle ». De quoi entretenir une fuite des cerveaux qui ne date pas d’hier. L’opinionista évoque le cas de cet homme, dont le père avait immigré au USA à l’âge de neuf ans. Il eut un fils « qui dès sa plus tendre enfance montra une capacité extraordinaire à saisir chaque détail. Intelligent toujours volontaire, il choisit, avec l’appuis de ses parents, la voie de l’architecture. Et ce choix fit sa fortune ». Effectivement, en 1991, Robert, le fils de Roberto Venturi, obtiendra le Pritzker ! Et oui : « Robert « Charles » Venturi, une des légendes vivantes de l’architecture, est d’origine abruzzaise » titre L’Opinionista, à deux doigts de voir dans cette ascendance l’explication des effets ravageurs du venturisme sur l’architecture moderne. L’effet Venturi, ce vent qui descend des Abruzzes…
via Agrigento Notizie et L’Opinionista
Célébrité vs destruction
Devinette posé par le site Chroniques d’architectures : « qu’ont en commun l’ancien studio de Jimi Hendrix, une ville maison construite pour les mères célibataires et un bowling des années 50 » tous situés à Nashville, Tennessee ? La même chose qu’une volière à oiseaux de Londres, les rues du centre historique de Brighton, ou les forts de Portsmouth : d’être un patrimoine menacé d’une destruction imminente, condamné par les appétits immobiliers ou le manque d’entretien. The Guardian dresse la liste de plusieurs bâtiments inscrits à l’équivalent britannique de l’inventaire des monuments historiques, aujourd’hui menacés de disparition. Pour la volière du zoo de Londres, dessiné par Lord Snowdon, le caractère provisoire de la structure, voulu à l’origine du projet, sert d’excuse à la démolition – il aurait été plus inspiré d’envelopper de filets une structure en forme de tour Eiffel. Un des bâtiments passe pour être le lieu de naissance du féminisme. Du guitariste Jimmy Hendrix à la féministe Mary Wollstonecraft, la présence passée d’un personnage illustre ne protège pas l’architecture de la démolition. Un nom tristement célèbre peut même l’accélérer : on le sait à Braunau am Inn, où le gouvernement autrichien vient de décider la destruction de la maison natale d’un encombrant enfant du pays, Adolf Hitler. La bâtisse était devenue une destination de pèlerinage chez les néo-nazis. Désireux d’améliorer ses relations avec la communauté juive, même le candidat du parti d’extreme-droite aux présidentielles autrichiennes s’est déclaré partisan de la destruction. Une démolition qui fait l’unanimité, ou presque. C’est maintenant au tour des historiens de s’émouvoir « on ne peut pas raser sans évoquer le moindre projet », s’est insurgé un chercheur, craignant que l’on profite de la destruction pour gommer les origines autrichiennes de l’irascible moustachu.
Via Chronique d’architectures, The Guardian, France Info et LCI

The McGavock House © Sandy Wilson – Via Chroniques d’architectures
Olivier Namias