Lotissements en tous genres, cités-jardin, village-jardin, lagon jardin, géomètre vs architectes, Buren vs Fainsilber, route photovoltaîque, bassin à flop à Bordeaux, de l’argent pour le virtuel : la revue de presse du 10 janvier 2017
Lotissement : des projets au mètre ?
L’année 2016 s’est achevée sur une offensive médiatique de l’Ordre des géomètres-experts, en colère contre la loi CAP et sa disposition « fixant, avec complaisance, un seuil particulièrement bas, à 2500 m2, », aboutissant à ce que « le gouvernement détourne l’esprit de la loi et rend(e) ainsi systématique le recours à un architecte » pour la création de lotissements pavillonnaires. Le dispositif « n’apportera à lui seul aucune garantie quant à la qualité des lotissements… mais augmentera avec certitude le coût des projets. Le gouvernement sacrifie ainsi l’urbanisme au profit d’intérêts corporatistes » affirme sans sourciller la corporation de géomètres en colère, qui s’auto proclame, toujours sans rigoler, « spécialiste de l’urbanisme et experts de l’aménagement des territoires ». Catherine Jacquot, présidente de l’Ordre des architectes (CNOA), nie vouloir se passer de cette profession, qui, telle qu’elle se décrit « identifie, délimite, mesure, évalue la propriété immobilière publique ou privée, bâtie ou non ». La conception est la grande absente de cette fiche de poste. Les géomètres-experts plaidaient pour la fixation du seuil à 10 000 m2 pour les communes sans PLU et 20 000 m2 pour celles avec. Le CNOA proposait 2000 m2, en accord avec le SNAL (Syndicat des aménageurs-lotisseurs), association de deux métiers bien distincts démontrant la mauvaise foi des accusations de corporatisme agitée par les géomètres. Polémique à suivre en 2017.
Via Le Monde

Vue de l’allée principale du lotissement de la Tourelle à Maule (Yvelines) J.H. Mora via le monde
Ville jardin : des « cités » aux « villages »
L’ombre d’Hebenezer Howard, théoricien des cités-jardin, plane sur l’urbanisme anglais depuis 1898, date de diffusion de son modèle urbain alternatif. L’ancien ministre du budget Brandon Lewis était contre le dernier avatar de ces cités, les « top-down eco-towns » (écoquartiers planifiés au plus haut niveau de l’Etat), voulu par le gouvernement précédent, au motif que ce type d’urbanisation encourageait l’étalement urbain, contre lequel Lewis entendait lutter. Volte face de Gavin Barwell, son successeur, en fonction depuis juillet 2016. Ce dernier vient d’annoncer le 2 janvier le lancement d’un programme d’investissement de 7,4 millions de livres pour encourager la livraison de 14 « villages jardins » de 1 500 à 10 000 maisons chacun, pour un total de 48 000 logements. « Les villes et villages jardin ouvrent une énorme opportunité de répondre à la demande de logements dont les citoyens ont besoin. Les nouvelles implantations n’offrent pas uniquement des maisons, elles apportent de nouveaux emplois et services et favorisent l’économie locale. Elles pourraient fournir au moins 200 000 logements », affirme Barwell. Il voudrait peut-être l’aide d’un de nos géomètres-experts ?
Les Cités-Lagons de demain
Finalement, s’embarrasser de choses comme un terrain à lotir/batir n’est-il pas dépassé, « so 1.0 » comme on dirait dans les start-up ? C’est justement du côté des entreprises innovantes florissant dans le secteur numérique que l’on imagine un nouveau modèle urbain « au milieu d’un lagon, des îles artificielles ancrées sur les fonds marins sous forme de plateformes modulables reliées les unes aux autres et utilisant l’énergie solaire. Le tout bourré de nouvelles technologies et pouvant accueillir des habitations, des commerces ou encore des instituts de recherche ». Cette Venise du futur à faire pâlir d’envie les métabolistes japonais des années 60 n’est pas un énième rendu de l’architecte Vincent Callebaut. « Cela pourrait prendre vie prochainement en Polynésie française. Le lagon de Raiatea, celui de Tupai ou la baie de Phaëton, à Tahiti, pourraient devenir l’écrin de ces villes du futur ». Promoteur du projet, l’ONG Seastanding, regroupant les entrepreneurs de la Silicon Valley dont Patri Friedman, petit fils du libéral Milton Friedman, ou le cofondateur de Paypal, Peter Thiel, qui se rendront le 13 janvier prochain à Tahiti pour voir s’ils peuvent y implanter leur paradis pour Geek. Il ne s’agit pas juste de se loger au soleil, mais aussi de s’affranchir des règles étatiques en créant des structures de gouvernance indépendantes, suivant l’exemple de Sealand, micro-état ancré à 10 km des côtes anglaises revendiquant son indépendance depuis 1967. L’accord prévoit que soit « créée une structure légale pour des « zones de mer » avec une « structure de gouvernance spéciale » ». 30 à 50 millions de dollars seront investis pour la création de deux ou trois plateformes flottantes, prélude à la construction d’une cité-lagon plus vaste. Une vitrine incroyable pour les archipels menacés par la montée des eaux pour Edouard Fritch, président de la collectivité d’outre-mer s’apprêtant à ratifier l’accord, havre libertarien où fonder une nouvelle civilisation pour les autres.
Via Le Point

via Le Point
Les eaux pires qu’ISIS ?
Contre sa volonté, la ville de Mossoul menace de se retrouver sous les eaux du lac de retenu de son barrage : un problème plus grave que les armée d’ISIS (Islamic State of Irak and Syria), affirme le New Yorker. La guerre n’est pas pour rien dans les problèmes de l’ouvrage, conçu pour résister aux bombardements, mais pas à un déficit de maintenance lié à un défaut originel de conception. Voulu à tout prix par Saddam Hussein, le barrage est construit sur un terrain gypseux que dissolvent les eaux d’infiltration. Pour maintenir la structure de l’ouvrage, il faut sans cesse injecter du béton dans les cavités qui se forment dans son sous-sol. En faisant fuir les employés chargés de cette opération, le conflit a stoppé cette maintenance. Le barrage de Mossoul serait le plus dangereux du monde, et son effondrement imminent menace la vie d’un demi-million de personnes.
via The New Yorker

According to a U.S. Army Corps of Engineers assessment, “Mosul Dam is the most dangerous dam in the world.” Photograph by Victor J. Blue for The New Yorker
A Bordeaux, les bassins (coulent) à flot
Lancés sous le vocable plus appétissant d’écoquartier, les lotissements – au sens strict du terme – bordelais de Ginko et des bassins à flots ne ravissent pas leurs occupants. Aucun n’en meurt, mais tous sont touchés « si les propriétaires ne préfèrent pas s’exprimer, craignant qu’une mauvaise publicité sur le quartier conduise à une dévaluation de leurs biens, les locataires sont exaspérés et le disent », selon 20 minutes. Ils se confient volontiers au quotidien gratuit : » « Je suis locataire depuis un an et demi et je n’achèterai jamais, ça, c’est sûr », lâche Sophie Massou, qui occupe un logement dans le quartier Ginko, construit par le promoteur Bouygues Immobilier. Depuis environ un an, il lui faut choisir entre le chauffage et l’eau chaude, à cause, explique-t-elle, d’un problème d’encrassement de collecteurs de la chaufferie centrale, qui alimente 2 200 logements. « J’ai envoyé des recommandés et des dizaines de mails », soupire-t-elle ». Travailler est aussi problématique qu’habiter « Cédric Montet, un jeune entrepreneur qui avait jeté son dévolu sur le quartier des Bassins à flot, sur lequel une dizaine de promoteurs travaille (Kaufman & Broad, Nexity, Vinci…), s’en mord aujourd’hui les doigts. « Nous avons pris un bail aux Bassins à flots au début de l’été 2015 et avons dû constater des infiltrations d’eau à plusieurs reprises au sein des locaux lors de fortes pluies. Cela a un impact sur notre activité d’hébergeur de vidéo puisque l’eau peut toucher les serveurs sur lesquels nous hébergeons les données sensibles de nos clients ». Promoteurs et habitants se renvoient la balle. Au milieu, les élus, qui « n’ont aucun moyens pour discipliner les promoteurs », constate Philippe Dorthe, conseiller départemental et régional (PS), rappelant que le secteur aurait pu être aménagé dans le cadre d’une Zone d’aménagement concerté (ZAC), ce qui aurait permis aux pouvoirs publics de garder la main sur le quartier. Pour préparer l’avenir, une charte du bien construire est en cours d’élaboration dans les bureaux de Bordeaux-Métropole, qui jure que les fautifs ne seront pas les bienvenus sur les opérations à venir.
Via 20 minutes

Vue sur le quartier des Bassins à flot sur lequel l’ensemble des aménagements seront terminés d’ici 3 ans -ROUSSEL/SIPA via 20 minutes
Qu’il était vert mon Ikéa
Question à 1000 euros : pourquoi, à Caen, Ikea a-t-il acheté une parcelle 49 000 m2 pour y construire un bâtiment de 19 500 m2 ? Parce que l’enseigne suédoise pratique la « stratégie du « pied dans la porte » explique Franck Gintrand, consultant qui détaille cette méthode, « couramment pratiquée par les constructeurs d’hypermarchés et de centres commerciaux, (qui) consiste à déposer une demande permis de construire limitée à un magasin et à ses annexes, puis, dans la foulée de l’ouverture, à demander une extension ». Après l’ouverture de son magasin en 2011, Ikea a déposé une demande d’exploitation pour une grande galerie commerciale de 30.000 m². Que les élus de l’agglomération, hormis celui de la commune où est édifié le magasin, soient vent debout contre ce centre qui aspirera toute la clientèle des autres commerces n’y fait rien. Depuis le vote de la Loi de Modernisation de l’Economie (LME), supposée pallier à un défaut de libre concurrence identifié par la Commission européenne, « les politiques français ne peuvent plus s’opposer à la multiplication des mégas pôles commerciaux » explique Gintrand. Le seul levier susceptible de contrer ces mastodontes est environnemental « Dans un contexte où l’État incite les collectivités à favoriser la densification plutôt que l’étalement urbain, ce critère devrait par avance condamner toutes les zones commerciales implantées en plein champ. Dans les faits, il n’en est rien. Un coup de peinture verte, quelques panneaux solaires et le tour de greenwashing est joué : n’importe quel centre commercial peut se voir qualifié d’environnemental. Dans le cas d’Ikea, une toiture végétalisée et la plantation de 800 arbres auront ainsi suffi à la cour d’appel de Nantes pour donner son blanc-seing ». Des arbres de Noël recyclés par le marchand de meuble suédois ?
via Les Echos
Des crampons aux carottes
Dans ces chroniques noires de l’urbanisme, Bougival, commune de 8 800 âmes des Yvelines, envoie un signal d’espoir. La ville va reconvertir un terrain de foot déclassé d’une façon originale : « l’espace est là. Il attend les coups de pioche d’un ou de plusieurs producteur locaux, d’une association de type AMAP ». Le maire veut promouvoir la permaculture sur les anciennes pelouses des pousseurs de balle. Il a lancé un concours pour choisir « le projet (ayant) dans son ensemble vocation à créer un espace de vie et d’animations. Il devra aussi devenir un démonstrateur d’agriculture urbaine pour les autres collectivités et partenaires, ainsi qu’un outil pédagogique à destination des jeunes générations (écoles, centres d’apprentissage…). La municipalité mettrait à disposition l’ancien local du gardien du parc Vieljeux pour la transformation des produits et la vente directe ». Le lauréat sera désigné en septembre, la première vente est programmée à l’horizon 2021. Un ballon s’éloigne, une courgette s’éveille.
Via Le Parisien
Des cellules sur la route
Le destin agricole des terrains de football de Bougival a beaucoup moins attiré l’attention que la transformation d’une route du Perche en ferme solaire. Longue d’un kilomètre pour une surface de 2800 m2, ce tronçon de route solaire développé par une filiale de Colas a été inauguré en grande pompe par Ségolène Royal. Le ministère de l’environnement fait la promotion de cette chaussée pouvant selon lui subvenir aux besoins d’énergie électrique de 5000 maisons par kilomètre installé. Chiffre divisé par 100 par le site Reporterre, qui estime les capacités d’alimentation à 50 maisons pour un coût de 100 000 euros par foyers. Forcément jaloux, les observateurs étrangers se montrent moins enthousiastes que la presse nationale.« Les routes solaires semblent être un moyen de subventionner les entreprises françaises, pas un moyen de produire de l’électricité » dit une analyste de Bloomberg New Energy. Un deuxième affirme que le retour sur investissement est de… 170 ans, un analyste parle de non sens technique et économique, car «la route est le pire endroit pour les panneaux solaires ».« Même si vous veniez à manquer d’espace, vous mettriez les panneaux au-dessus des routes, et pas sur les routes », indique un quatrième sceptique. Un conseiller allemand en technologies propres qualifie l’opération de « gag de relation publique ». Une blague que l’on s’apprête à installer sur 1000 km de route.
Via Reporterre

Dessin : © Tommy/Reporterre via reporterre
Critiques croisées
Ca chauffe entre Daniel Buren, artiste, et Adrien Fainsilber, architecte. Une intervention temporaire du premier est installée pour deux ans sur la façade du hall d’un musée du deuxième « J’apprends donc par la presse que Monsieur Fainsilber, architecte du musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg, n’apprécie pas mon travail. C’est son droit le plus absolu bien entendu. Il indique, en critique d’art distingué qu’il doit être, les raisons de sa désapprobation : cette œuvre, dit-il, “reflète une incompréhension du site et de l’architecture. Elle remet en cause ses valeurs au profit d’un kaléidoscope de couleurs qui, de l’intérieur, brouille la perception du paysage environnant, et, de l’extérieur, présente une image réductrice de l’architecture”. Voilà pour la critique, critique d’autant plus intéressante que l’architecte en question, a refusé de mettre les pieds dans le musée depuis l’ouverture de l’exposition ! ». Dans la suite de sa lettre, Daniel rhabille Adrien pour l’hiver : « J’ai donc sur ce sujet une appréciation diamétralement opposée à celle de notre architecte-critique : pour la première fois, non seulement on aperçoit cette bâtisse de loin et de surcroît l’intérieur de ce grand hall d’entrée vit et se transforme sans cesse avec la course du soleil qui vient illuminer, grâce à la projection des couleurs traversées, tout l’espace du sol au plafond, alors que la configuration plutôt démesurée du lieu rend quasiment impossible habituellement tout usage muséal du dit lieu » avant de conclure « Ici, enfin une œuvre y vit et fait vivre tout l’ensemble. J’ai le regret d’informer son auteur que, sans mon travail, ce hall d’entrée est mortifère, ennuyeux et disproportionné par rapport au reste du building » . Ce système de filtre a-t-il le même effet sur la fondation LVMH, où Buren l’a également installé ? Frank n’a pas encore pris la plume pour protester.
Via Les Dernières Nouvelles d’Alsace

Daniel Buren expose au musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg. Photo – archives DNA
Loin du réel
La Startup IrisVR vient de lever 8 millions de dollars bien réels pour développer ses outils de réalité virtuelle à destination, entre autre, des professionnels de l’architecture et de la construction. Grâce à ces nouveaux fonds, IrisVR espère recruter des créateurs visionnaires et ingénieurs pouvant faire converger les mondes réels et virtuels “Jusqu’à présent, la VR a été victime de stigmatisation : simple gimmick, science fiction… Ces visions vont être invalidées. Il y a une véritable industrie qui s’emploie à changer l’utilisation de la VR. IrisVR est l’une de ces entreprises visionnaires. Pour le dire simplement, nous réinventons le processus de communication d’une vaste industrie. Pour les professionnels du design et de la construction, la vision est au cœur de chaque projet. IrisVR donne vie à cette vision” s’enthousiasme Shane Scranton, CEO et fondateur. ». Les lunettes, un bon moyen d’échapper aux lotissements pavillonnaires, zones commerciales et îles cauchemardesques dont le monde n’est que trop rempli.

via realite-virtuelle.com
Olivier Namias