En décembre 2020, le groupe de presse Le Monde inaugure son nouveau siège lors d’une conférence de presse virtuelle. L’agence danoise Snøhetta, qui a réalisé le bâtiment en partenariat avec SRA Architectes, dévoile un immeuble-pont hors du commun.

Un petit tour et puis s’en vont. Nous sommes en janvier 2020 lorsque les 1 600 travailleurs du groupe de presse Le Monde découvrent leurs nouveaux bureaux, avenue Pierre Mendès-France à Paris. Le bâtiment, dont le groupe est propriétaire, symbolise un retour à l’équilibre après 40 ans de vagabondage dans la capitale. Mais la crise sanitaire coupe court aux réjouissances, renvoyant les collaborateurs chez eux dès le mois de mars.
Situé en avant de la Gare d’Austerlitz, le bâtiment en forme d’arche marque l’entrée dans Paris Rive Gauche. Les collaborateurs, et les passants, sont accueillis par une large place ouverte : les bancs en béton, conçus sur-mesure et rappelant le revêtement du sol, et les espaces végétalisés disséminés offrent un havre baigné de la lumière qui traverse l’arche. Couplée aux commerces voisins, à la vaste desserte de transports en commun Paris Austerlitz et aux 300 places de stationnement pour vélos, cette “média plaza” invite les utilisateurs à interagir avec l’édifice et créer des liens avec le paysage urbain.
Le parvis accessible au public appuie la volonté d’ouverture du groupe Le Monde, qui veut être acteur de la vie du quartier. “Le bâtiment vise avant tout à favoriser l’ouverture, à une époque où la peur et l’incertitude poussent nos sociétés à ériger des murs et à se replier sur elles-mêmes”, avance Kjetil Trædal Thorsen, codirecteur de l’agence Snøhetta, en charge du projet. Malgré l’attentat perpétré contre Charlie Hebdo en janvier 2015, quelques jours avant la présentation du projet aux actionnaires du groupe, “Pierre Bergé [actionnaire du groupe Le Monde jusqu’à sa mort en 2017, NDLR] souhaitait un site ouvert et interactif”, confie l’architecte norvégien.
Un immeuble-pont plus lourd que la Tour Eiffel

L’édifice puise sa forme singulière dans le site même de construction. À l’origine, la dalle destinée à recevoir le projet, qui surplombe les quais de la gare d’Austerlitz, devait accueillir deux structures distinctes. Chacune située sur une extrémité, puisque la partie centrale de la dalle n’est pas constructible.
L’agence d’architecture Snøhetta propose alors de fusionner les deux parties, espacées de 80 mètres, en les reliant par un structure porteuse en acier, dont le poids total dépasse celui de la Tour Eiffel. Le volume en porte-à-faux s’élève ainsi sur 7 étages, et offre un espace de 23 000 m2.

Cet “immeuble-pont”, comme aime à l’appeler Kjetil Trædal Thorsen, est divisé en trois parties distinctes. Le socle, évoqué précédemment, dégage une vue vers le hall de la gare d’Austerlitz et vers l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris 13e). Le corps central développe un linéaire de façade privilégiant les vues vers l’extérieur. Le couronnement révèle la surface oblique du toit, recouvert de 1 200 m2 de panneaux photovoltaïques qui assurent 33% des besoins électriques du bâtiment.

Outre la forme inédite du nouveau siège du groupe Le Monde, la façade attire le regard. Elle est habillée d’une robe de pixels, composée de 20 000 éléments de verre, disposés selon un schéma préétabli, avec 772 configurations possibles. Inspiré “des algorithmes des ordinateurs que les journalistes utilisent”, détaille Kjetil Trædal Thorsen, l’assemblage des éléments crée un motif semblable à l’apparence d’un texte de journal se développant sur les 10 000 m2 de façade.
Un intérieur à l’inspiration industrielle
L’entrée dans le bâtiment se fait à chaque extrémité de l’arche : une première entrée est dédiée aux collaborateurs, ainsi qu’aux visiteurs ou au public qui vient assister aux évènements tenus dans l’auditorium, tandis qu’une seconde entrée est réservée aux seuls collaborateurs.
Les bureaux s’étalent du 2e au 7e étage. Ces espaces bénéficient d’une vaste flexibilité d’aménagement afin de permettre aux 7 titres – dont Le Monde, Courrier International, Télérama, La Vie, Le HuffPost et L’Obs – de “garder leurs spécificités et leur indépendance”, tout en cohabitant sur les plateaux d’open-spaces. L’aménagement est né “grâce à des workshops, entretiens et expérimentations avec les équipes de Télérama et du Monde”, explique Vincent Dubois, directeur général d’Archimage, en charge de l’architecture d’intérieur.
Les éléments de structures ont été disposés de chaque côté de l’édifice, afin de soulager l’arche de tout poids inutile. La décoration “tire profit des câbles et autres éléments de structures apparents”, poursuit Vincent Dubois. Elle transfère ainsi “l’inspiration urbaine du site extérieur à l’intérieur du bâtiment”, et rappelle la dimension industrielle du site « Mendès-France ».

Localisation : ZAC Massena/Austerlitz Nord-Lot A2, Paris, France
Adresse : 67, avenue Pierre-Mendès-France
Maîtrise d’ouvrage : Banque Populaire Rives de Seine
Maîtrise d’ouvrage déléguée : Société Éditrice du Monde
AMO : Redman
Rôle de l’agence : Architecte associé
Programme Immeuble à usage de bureaux, RDC avec 7 niveaux, auditorium de 190 places, salle de formation, RIE, commerces
Superficie : 22933 m²
Budget : NC
Livraison : 2020
En association avec
Architecte mandataire : Snøhetta, en partenariat avec SRA Architectes
Maîtrise d’œuvre : CICAD
Scénographie : Eurydice (en phase de conception)
Bureau d’études structure : Khephren Ingénierie
Bureau d’études acoustique : LASA
Bureau d’études fluides, ascenseur, coordination SSI : Barbanel
Bureau d’études façades : Arcora
Bureau d’études environnement : Greenaffair
Concepteur lumière de l’arche : BOA Studio
Conseil incendie : CSD & Associés
Économiste de la construction : Gleeds
Photographies : ©Jared Chulski
Certifications environnementales : NF Bâtiments tertiaires – Démarche HQE®, Bureaux 2011 niveau Excellent, EFFINERGIE+
Rémi de Marassé