À Hellemmes, l’agence Sam architecture signe le groupe scolaire Jean Rostand. L’école primaire marque le renouveau de cette ancienne commune ouvrière de la périphérie lilloise, et esquisse une modification de l’architecture scolaire. Il faut penser l’école comme un terrain de jeu ludique et stimulant plutôt qu’un simple bâtiment administratif.

© Charly Broyez
L’école Jean Rostand se situe au cœur du quartier de l’Epine, au sud d’Hellemmes, une ancienne cité de cheminots construite dans les années 1970 en périphérie de Lille. Le bâtiment du nouveau groupe scolaire s’insère harmonieusement dans cette typologie : il s’érige en R+1, comme les maisons de villes voisines, et reprend dans des teintes plus claires la brique typique des quartiers ouvriers. Le volume occupe moins de la moitié de la parcelle, et préserve ainsi un maximum d’espaces en pleine terre. Son alignement en limite parcellaire permet de compléter la typologie de l’îlot autant que de préserver l’espace du jardin municipal. Poumon vert du quartier, ce dernier offre un espace naturel et d’expérimentation pour les enfants.
Un programme ouvert sur le quartier
Plus qu’un équipement pédagogique, le groupe scolaire est un équipement public majeur. Le but est de proposer un maximum d’usages dans un espace. L’école peut donc accueillir d’autres activités une fois les cours terminés. Si nécessaire, la cloison mobile entre les réfectoires maternelles et élémentaires s’efface pour créer une salle polyvalente de 208 m2, ouverte directement sur la cour centrale du bâtiment. Spécifiquement pensée pour le projet, cette cour circulaire située au rez-de-chaussée s’adresse donc aux associations et aux riverains.

Les fonctions du bâtiment sont rendues lisibles dans la double écriture architecturale. Le rez-de-chaussée, qui abrite les espaces du centre de loisir, périscolaire, et usages partagés avec la ville, présente des courbes douces et souples de béton. Il met en œuvre des transparences ciblées sur l’espace public : d’une part à travers le grand hall qui s’ouvre sur la cour commune et d’autre part à travers la bibliothèque, largement vitrée sur la rue. A l’étage, les espaces sanctuarisés comme l’école élémentaire, s’inscrivent plutôt dans une géométrie modulaire et rigoureuse. Le tout en bois. La façade en dents de scie accueille de larges fenêtres identiques, qui révèlent les salles de classe. Les saillies et les toits inclinés évoquent les maisons individuelles voisines.
La structure participe également à la flexibilité du bâtiment puisqu’elle limite les murs porteurs au profit d’une structure poteaux-dalle qui permet de faire évoluer de manière simple et économique l’organisation spatiale, au rez-de-chaussée et à l’étage.

Penser les espaces pour les élèves
L’école Jean Rostand répond à un besoin de renouvellement des programmes scolaires, pensés pour renforcer les conditions de la réussite des enfants. La diversité des espaces, aussi bien intérieurs qu’extérieurs, leur adaptation aux différents âges de l’enfant (hauteurs et géométries différentes en école maternelle), et surtout la liberté d’usage qu’ils offrent, en sont les principaux atouts.

Le groupe scolaire présente les traits d’un village, réalisé à l’échelle et au service de l’enfant. On y retrouve la place centrale au niveau de la cour de récréation du rez-de-chaussée, des lieux de rassemblement avec la salle polyvalente et la salle de motricité, un restaurant, une bibliothèque, un parc, un terrain de jeu et de sport et les maisons des élèves : les salles de classe.

Boris Schneider, fondateur de l’agence Sam architecture :
“En France, l’architecture scolaire doit être plus flexible et ludique”

Quel a été votre parti pris architectural ?
Boris Schneider. Le projet du groupe scolaire Jean Rostand illustre une modification de l’architecture en lien avec la pédagogie, à l’image de ce qui se fait déjà beaucoup en Scandinavie. Les espaces proposés sont davantage polyvalents, flexibles et différenciés, afin de répondre aux enjeux de la pédagogie de demain : les cours se font moins en classe, les formes d’enseignement sont plus diversifiées, de façon à prendre en compte les besoins de chaque enfant.
La présence d’espaces stimulants et ludiques est un autre aspect de cette architecture scolaire. Les aires de jeux extérieures sont notamment pensées pour donner à l’enfant à apprécier le risque. Cela va à l’encontre des groupes scolaires français, qui sont surprotégés, trop réglementés et qui éradiquent tout risque pour l’enfant et l’encadrant. Dans notre programme, ça se traduit notamment par un rocher traversé d’un tunnel et un espace d’escalade. La cour à l’étage, pensée comme un anneau de course, offre un espace de liberté qui surplombe une troisième cour au rez-de-chaussée.
Quelles ont été les difficultés rencontrées sur le projet ? Comment les avez-vous surmontées ?
B.S. Accrocher la brique moulée à la main sur le volet en bois s’est avéré complexe, d’autant plus que c’est une pratique pas encore totalement cadrée côté fabricant. La brique tient sur les dalles et les linteaux grâce à des équerres métalliques placées ponctuellement sur la façade, côté rue.
Il a aussi fallu gérer l’apport de chaleur, afin d’offrir un confort de même qualité en été et en hiver malgré des isolants assez épais. Pour cela on a misé sur des baies-vitrées triple vitrage. Les apports de soleil sont ensuite gérés avec des débords de casquette béton plus ou moins importants, en fonction de l’exposition. Côté sud, la dalle béton s’avance un peu plus, tandis qu’elle se retire côté nord et s’aligne quasiment à la façade.
La crise sanitaire obligera-t-elle à repenser l’architecture des groupes scolaires ?
B.S. Les débats qui sont nés de cette crise résonnent assez bien avec le langage architectural des nouveaux espaces pédagogiques, que nous avons illustré avec ce projet. La cour de récréation des classes élémentaires met en avant une fluidité spatiale entre les salles de classe et l’accès à l’extérieur, une sorte de prolongement de la salle de classe. L’école devient alors une maison pour les enfants, et la cour une terrasse ou un balcon.
Rémi de Marassé