À Wallhausen, en Allemagne, se construit un immeuble résidentiel de trois étages aux murs imprimés en 3D. Réalisé avec une machine signée Cobod, fabricant danois d’imprimantes de construction 3D modulaires, ce bâtiment d’une surface de 380 m2 sera livré en mars 2021. Entretien avec Zaid Marmash, architecte chez Cobod, sur l’apport de la construction par impression 3D aux secteurs de l’architecture et de la construction.

En quoi le rôle de l’architecte est-il différent sur un projet d’impression de construction en 3D (3DCP) ?
Zaid Marmash. Le rôle de l’architecte reste essentiellement le même, qu’il s’agisse d’un projet « classique » ou d’un projet d’impression en 3D. Ce qui change, c’est la liberté de conception qu’offre la technologie : des géométries « out of the box », qui n’étaient pas réalisables avec les méthodes conventionnelles, sont maintenant réalisables et peuvent toujours fonctionner comme un système de structure. Cependant, l’architecte doit acquérir de nouvelles connaissances sur l’impression 3D. Car ce qui est dessiné sur l’ordinateur est ce qui est imprimé.
Ce qui signifie que des compétences spécifiques sont nécessaires…
Z.M. Il y a une différence de connaissances et de compétences entre les générations d’architectes. Ceux qui ont étudié dans les années 1970 sont meilleurs sur les croquis et les esquisses, tandis que ceux qui ont obtenu leur diplôme dans les années 2000 sont plus aptes à utiliser des logiciels de modélisation et d’architecture. À l’heure actuelle, ils apprennent également comment fonctionne une imprimante 3D, le matériau d’impression et ses caractéristiques. Tout l’écosystème de l’architecture est en train de changer et d’entrer dans une nouvelle ère numérisée.
Comment l’impression de construction en 3D change-t-elle l’industrie de la construction ?
Z.M. Le manque de logements ou de main-d’œuvre qualifiée, les méthodes de construction inefficaces, les questions de durabilité et l’empreinte carbone de la construction sont les nombreux défis auxquels le monde est confronté. La construction par impression 3D peut relever ces défis grâce à sa rapidité de construction, son efficacité, sa précision et sa durabilité, en économisant les matériaux gaspillés (par rapport aux méthodes conventionnelles). Il y a beaucoup à apprendre, et cela se fera par le biais de projets pilotes, comme celui de Wallhausen, ou par essais et erreurs.
La construction a été modifiée et optimisée au cours des 100 dernières années pour arriver au point où elle en est aujourd’hui. En une fraction de ce temps, l’impression 3D des constructions a donné de bons résultats. Avec davantage de projets et une meilleure adaptation à cette technologie, de nouvelles connaissances seront créées et une meilleure optimisation aura lieu.
Quelle est la prochaine étape ?
Z.M. La prochaine étape serait l’automatisation. Si vous remontez au début de la construction automobile, entre les années 1920 et 1960, tout était fait par l’Homme : les gens assemblaient les voitures, les testaient, etc. Depuis, il y a eu une transition vers l’automatisation, et moins de gens travaillent.
Il en va de même pour la construction. Plutôt que de permettre la production de masse, comme la construction automobile, la fabrication additive et l’automatisation donnent à la construction une liberté de conception et une liberté de fonctionnalité à chaque fois.
Quelle est la place des matériaux dans un projet d’impression de construction en 3D ?
Z.M. Les matériaux jouent un rôle clé dans la construction par impression 3D, car une recette de matériau appropriée régit plusieurs facteurs. Pour l’instant, nous utilisons le béton. Nous pouvons le créer localement, ainsi que contrôler la résistance de la recette, ce qui garantit l’intégrité structurelle des bâtiments.
Pourrions-nous envisager d’utiliser d’autres matériaux du secteur de la construction ?
Z.M. D’autres matériaux comme le plastique sont déjà utilisés pour le prototypage rapide. Mais pour la construction, le béton est le meilleur matériau disponible. Il est vraiment rentable : vous pouvez le fabriquer partout dans le monde et il est très résistant, comparé au bois ou à l’acier. Ce qui est important, sachant que la construction est une industrie axée sur les coûts.
Quel est l’intérêt financier de la construction par impression 3D ?
Z.M. Si vous découpez le coût de n’importe quel projet, il se résume à trois caractéristiques principales. Premièrement, le matériau. Fabriqué localement, comme c’est le cas pour le béton, il est bon marché.
Deuxièmement, la rapidité d’exécution avec l’impression 3D permet à l’entrepreneur de convertir plus rapidement l’action en argent, ce qui contribue à réduire les coûts.
Troisièmement, l’impression 3D permettra de remédier au manque croissant de main-d’œuvre qualifiée. Il n’est plus nécessaire d’avoir 10 constructeurs qualifiés pour construire une maison, mais il suffit d’avoir une personne qualifiée pour faire fonctionner la machine.
Rémi de Marassé