Fondation Galeries Lafayette, citoyens luddites et maires chamallow, recyclage de vieux débris, bulles immobilières

Via japanization.org © Hiroshi Nakamura & NAP
Un fidèle
« Enfin : je m’engage ». Un ex-candidat à la présidentielle 2007 profite de la célébration de son 76e anniversaire pour faire son coming-out. Oui, il soutient Emmanuel Macron, son nouveau poulain. Surprise, car à l’image de certains orchestres de rumba, celui que Wikipédia décrit comme « un architecte et militant politique français » est spécialisé dans tous les styles ; après avoir été communiste-socialiste-recommuniste, puis soutient d’Arnaud Montebourg en 2011, et ex-fondateur du mouvement pour une utopie concrète, l’auteur de « J’affirme : manifeste pour une insurrection du sens » s’insurge contre la direction du PS et prend un nouveau cap. Alors, pas fidèle, Castro ? À défaut de s’attacher à un parti, notre Roland national se montre au moins constant dans le militantisme. Va-t-il suggérer à l’ex-locataire de Bercy de lancer le plan Banlieue 2089 et d’installer l’Élysée dans le Central Park qu’il imagine à La Courneuve ?
via Le Point
Des chais, des déchets
À l’instar d’En Marche, un bar-brasserie japonais de Kamikatsu se distingue par son goût pour le réemploi de matériaux usagés. Il est construit à 100 % des déchets recueillis et patiemment triés par les habitants au cours des dix années précédant sa construction. Une de ses façades, haute de 8 mètres, est le résultat de l’assemblage des nombreuses fenêtres récupérées auprès des différentes maisons abandonnées de la ville. (…) Des ventilateurs au revêtement et à la peinture du bâtiment (qui utilise un tanin naturel), tout a été pensé et réalisé à partir de matériaux verts ou recyclés disponibles localement. À l’intérieur, la décoration (…) est également le fait d’un travail de recyclage qui témoigne de la créativité de leurs architectes. On y trouve ainsi un lustre entièrement constitué de bouteilles en verre de toutes les couleurs, ou encore des journaux en guise de papier peint original ». L’article ne précise pas si le lieu est destiné à une clientèle d’épaves préférant s’abrutir dans un assommoir à faible empreinte écologique.
Via Japanization
Noms d’oiseaux
Des citoyens de Liverpool opposés à la construction d’une tour dans le périmètre classé au patrimoine mondial de l’UNESCO se sont fait traiter de « luddites » par leur maire, Joe Anderson. « Nous sommes une ville qui pas d’autres choix que de croître ou de péricliter », a dit Anderson, admettant son incapacité à contenter une frange de la population qui veut « juste laisser les choses en l’état ». « Ces gens sont les mêmes que les luddites – artisans qui s’opposèrent à la mécanisation de leur travail – s’ils avaient eu gain de cause, nous n’aurions pas tout ce que nous avons aujourd’hui ». Dans l’esprit d’Anderson, patrimoine et développement économique paraissent difficilement compatibles. Au moins son attitude ferme lui évite-t-elle d’être traité de chamallow, comme le maire de Salvetat-Saint-Gilles (Haute-Garonne) par un opposant. L’élu offensé a porté l’affaire devant le tribunal correctionnel de Toulouse. Penser que les permis de construire et les affaires urbaines, entre autres, puissent être signés et gérés par un bonbon mou et gluant, c’est insultant pour tout le monde, architectes compris.
Via The Guardian et France Bleu
Barbatruc
« Chamallow, c’est plutôt mignon », a dit l’opposant pour sa défense. Faut-il s’en offusquer quand une bâtisse présentée comme la “maison des Barbapapas” atteint des prix astronomiques ? Nous nous étions fait l’écho la semaine dernière de la vente de la maison de Pierre Cardin, dessiné par Antti Lovag pour une somme approchant les quatre cents millions d’euros. Vérification faite par Le Figaro, le Palais Bulle ne mériterait pas le titre de bien immobilier le plus onéreux du vieux continent “À ce jour, le domaine le plus cher en Europe reste la villa Leopolda, sur les hauteurs de Villefranche-sur-Mer, petit bourg à côté de Nice. La propriété a été achetée pour la somme de 370 millions d’euros en 2008 par un magnat russe” qui avait dû payer 39 millions pour reprendre sa promesse de vente. A l’attention des bourses plus modestes, le journal signale qu’une maison champignon d’Haüsermann est à vendre pour la modique somme de quinze millions d’euros, en Ardèche. Le blob résidentiel des années 60 : un marché de niche réservé aux investisseurs friands de bulles immobilières.
Via Propriétés Le Figaro et Propriétés Le Figaro
Cheveux, cheveux pas
“Donne-moi de longs cheveux brillants et pendouillant, luisants, filasses, dégoulinants, cireux, des cheveux qui pendent ici jusqu’à mon nombril” Les bâtiments devraient reprendre le cri poussé par Julien Clerc dans “Hair”, selon le Financial Times, qui voit le futur de l’architecture “doux et chevelu” c’est à dire végétalisé. Équivalent architectural de l’art capillaire, la biophilie prévoyant l’invasion de nos immeubles par les plantes fait ses preuves à Singapour depuis plus de 50 ans. En Suède, elle a montré son efficacité pour soutenir le moral des patients alités, accélérant ainsi leur guérison. Concilier nature et ville peut s’avérer difficile. À Londres, le pont-jardin dessiné par Thomas Heatherwick risque de capoter devant les problèmes de coût. Ce projet voulu par le maire sortant Boris Johnson est devenu un gouffre à argent public, révèle une enquête du National Audit Office, équivalent britannique de notre cour des comptes. Le nouveau maire Sadiq Khan a lancé une enquête sur l’utilisation de 60 millions de livres provenant de fonds publics, dont la plupart auraient été dépensés avant même que la construction ne commence. La somme devait servir d’incitation, encourageant le privé à couvrir le reste des travaux, s’élevant à 185 millions de livres sterling. L’État ne retire pas son soutien au projet, mais ne mettra plus un penny, et les financeurs privés s’abstiennent de demander un complément. C’est sans rallonge budgétaire qu’il faudra réaliser cette extension capillaire.
Via The Financial Times et The Guardian
Rien à voir
Les fondations d’art fleurissent à Paris, constate M le magazine du Monde, qui part à la découverte de celle pilotée par les Galeries Lafayette. Rien à voir, pour son directeur Guillaume Houzé, avec les mastodontes d’Arnault au bois de Boulogne ou la future fondation de Pinault, en cours d’installation dans la bourse du commerce. D’ailleurs, la fondation fonctionne avec un budget de 21 millions sur 5 ans, qui n’a rien à voir encore une fois avec ses deux cousines. Rien à voir, au niveau architectural, avec les exubérances de Gehry ou les bétonnades de Ando, puisque l’architecte Rem Koolhaas, sobre Batave, est à la manœuvre associé à l’agence DATA. Entre les murs, rien à voir avec l’étalage de collections prestigieuses acquises par la puissance financière. Toutes les œuvres exposées seront produites sur place ; « Qu’est-ce que produire une œuvre d’art ? C’est précisément ça, l’inconnu, résume François Quintin, le directeur délégué de la fondation. Les artistes ne savent pas à l’avance ce qu’ils vont faire”. Au risque qu’à l’ouverture du bâtiment, il n’y ait pas grand chose à voir.
Via M le magazine du Monde, 15 octobre 2016, “dans le Marais, un futur laboratoire pour les artistes”, Roxana Azimi.
Olivier Namias
Remerciement à Nikola Jankovic et Jean-Claude Calédonien