Conjonctures économiques, fuites d’eau de la Canopée à Buckingham Palace, l’adieu aux «Voiles» de Scampia, A la maison chez Venturi, recours littoral à Fouesnant : la revue de presse du 22 novembre 2016
Ça remonte !
Le monde du BTP et de l’architecture devrait retrouver le sourire à la lecture du « Global architecture Engineering and construction market 2016-2020 ». Le rapport prédit une croissance de 10,75 dans le secteur entre 2016, presque achevé, et 2020. Saint-Bim devrait souffler un vent favorable à la construction, en répandant partout ce qu’il faut bien qualifier de véritables miracles : « en utilisant le LEAP Bridge Entreprise (un logiciel dédié aux ouvrages d’art), les ingénieurs ont pu réduire de 80 % le temps de chantier du South Kasheli Bridge. Les ingénieurs parvenaient à calculer un caisson précontraint en 16 heures, au lieu de 128 heures avec des méthodes de conception traditionnelles ». Seul hic, le coût élevé des logiciels, qui entrave leur diffusion et freine la croissance globale du marché de l’ingénierie et de la construction. Bref, déjà dans le Cloud, mais pas encore sur un petit nuage.
via Business Wire
Aux voleurs
« Les architectes peuvent toujours croire qu’ils sont les uniques observateurs de l’environnement bâti : ils ont tort », explique Geoff Manaugh, animateur du site bldg blog, et auteur d’un ouvrage qu’il présente au site d’ABC « il y a cette autre catégorie de personnes, ce sont des criminels, mais qui regardent aussi les villes et observent également l’architecture ». Son livre « A Burglar’s Guide to the City », ou Guide du cambrioleur urbain, a pour la ville les yeux d’Arsène Lupin ou de Rocambole. « Nous pouvons nous émouvoir du magnifique travail artisanal nécessaire à la réalisation d’un ornement, ses références historiques ou sa manière de restituer les branches et les fleurs, explique Manaugh. Un cambrioleur y verra d’astucieuses ou pratiques prises pour escalader la façade jusqu’au deuxième ou troisième étage. Là où nous voyons un splendide palier, ils y verront une cachette ». Même les barrières et les clôtures ne sont pas si protectrices, puisqu’elles protègent les voleurs des yeux des passants : un plaidoyer pour l’archi lisse.
Via ABC

Architectural features like air conditioning units can provide entranceways for burglars. (Unsplash.com: Rikki Chan, CC-0) via ABC
Aux étudiants
Pour éviter qu’ils ne deviennent voleurs, sans doute, les pouvoirs publics font appel aux étudiants. « Architectes, constructeurs et étudiants en architecture ou design, votre patrie a besoin de vous », explique un journal australien qui relaie l’appel à concours pour imaginer des maisons jumelles, groupées, ou des « manor houses », rassemblant trois ou quatre appartements dans un bloc de deux niveaux. Les organisateurs de cette « mission densification » croient au pouvoir de l’architecture pour combattre l’étalement urbain. En Suisse, on compte plutôt sur les jeunes architectes pour recycler tout un patrimoine abandonné. À l’occasion d’un exercice de master, des étudiants d’une école suisse mal identifiée – vraisemblablement l’EPFL – ont lancé des projets pour réhabiliter tout un patrimoine de haute montagne de grande qualité, telle cette station du Furggen, dessinée par l’exubérant Carlo Mollino. « Exploiter le potentiel des bâtisses abandonnées permet d’éviter le mitage du territoire en montagne », souligne Yannick Guillermin. « Et il n’y a pas que les anciennes stations de ski à exploiter, ajoute son camarade de projet de master, Sacha Rey, mais aussi les anciens bunkers de l’armée, les cabanes de montagnes, les barrages abandonnés et bientôt, à l’heure de la fibre optique, les infrastructures liées aux antennes téléphoniques. » Pour les cabines téléphoniques, c’est déjà trop tard, apparemment.

SJB Architecture’s inspired take on medium-density design at Glebe. Photo: Brett Boardman Via Domain
Aux étudiant(e)s
À Nashville, Tennessee, les patrimoine ancien est peut-être moins riche en chalets de montagne, mais, selon la formule consacrée, le patrimoine de demain est encore à construire. « Nous savons que dans les 25 années à venir, le développement du centre urbain sera très important », explique le président du College O’More, une petite université implantée dans la Nashville Metro Area, la métropole nashvilloise. « Nous voulons former les étudiants pour qu’ils puissent contribuer au succès de ce secteur », poursuit-il décidément prévoyant. Un comité de 16 personnes suivra ces futurs architectes pratiquement élevés au grain sur les terres qu’ils sont appelés à servir un jour… Un cursus de quatre ans sera lancé à l’automne prochain et devrait voir sortir ses premiers diplômés à l’horizon 2020. Ce sera le premier cycle ouvert depuis les années 80 à O’More. Espérons qu’ils corrigent un travers constaté dans les universités américaines : « je pense que le sommet des cercles architecturaux en Amérique a activement découragé la participation des femmes durant les deux dernières générations », affirme Kathleen James-Chakraborty, professeure invitée à la Yale School of architecture.
Via Tenessean et Yale Daily News
Canoleaks
« Il ne s’agit pas de fuites », explique la Ville de Paris aux commerçants déplorant la présence de grandes flaques d’eau sous la Canopée des Halles. Pas de fuites, car la Ville ne s’était pas engagée à ce que l’ouvrage garantisse l’étanchéité. L’honneur est sauf, mais un appel à projets va tout de même être lancé pour éviter que le sol sous Canopée ne se transforme en base de loisir aquatique ou en un de ces miroirs d’eau qui plaisaient tant à la maire de Paris. Coût prévisionnel des « ajustements » : 1,2 million d’euros HT. À 10 000 euros près, le prix de vente de la maison Bordeaux le Pecq dessinée par Claude parent à Bois-le-Roi (27), « réalisée par Claude Parent en 1965, cette maison de 400 m² aux toitures obliques est un édifice remarquable du 20e siècle. Située à Bois-le-Roi, en lisière de la forêt de Croth, elle profite d’un environnement naturel préservé aux abords de la vallée de l’Eure. La maison se trouve à 90 km de Paris (1 h 30 min en voiture). De plain-pied, elle offre un triple espace réception de 150 m² aux volumes majestueux ouverts sur une terrasse, un bureau en mezzanine, 4 chambres, 3 salles de bain, une cuisine et un office. Une dépendance et un garage double complètent l’ensemble. Le parc vallonné de 3,5 ha abrite un court de tennis. Le délicat traitement du béton mis à nu vient faire écho au sculptural mouvement des toitures. Des jeux de cadrages successifs viennent guider le regard et ouvrir pleinement la maison sur l’extérieur». Tout cela est bien, mais y a-t-il au moins une mare pour ce prix là ?
Via le figaro immobilier et Se Loger

Villa à Bois-le-Roi réalisée par Claude Parent via Se Loger
Lifting à Buckingham
Pendant ce temps à Londres, les autorités avertissent qu’un risque potentiel de « dommages constructifs catastrophiques » menace le Buckingham Palace, si des travaux de rénovation n’étaient pas engagés rapidement. Son occupante – le Palais appartient à l’état anglais – la Reine Élisabeth II, s’est vue octroyer une augmentation de sa dotation de 66 % pour financer les 369 millions de livres de travaux étalés sur dix ans. Peu de locataires bénéficiant de telles largesses, la mesure fait grincer des dents. Parmi d’autres, le parlementaire Paul Monaghan estime incroyable que le gouvernement soit prêt à dépenser autant d’argent sur Buckingham Palace alors qu’il cherche à réduire le nombre de parlementaires écossais de 59 à 53 en partie pour faire des économies budgétaires. En des temps d’austérité, des voix suggèrent que la famille royale, très fortunée, finance les travaux par la vente d’un ou deux châteaux. Les partisans du financement public font appel à la fibre patriotique de la population. En 2027, Buckingham pourra repartir comme neuf jusqu’en 2067, et chaque penny sera dépensé au mieux, affirme-t-on du côté des pro-travaux. Il y a urgence : un morceau de façade est tombé à quelques centimètres de la voiture de la princesse, il faut utiliser des seaux pour éviter que des fuites d’eau n’endommagent des œuvres d’art. Un ouvrier venu réparer la chaîne des royales toilettes a failli être blessé par la chasse d’eau, qui s’est décrochée du mur. Y a-t-il un plombier pour sauver la Reine ?
Via The Guardian
Démettre les voiles
Tout passe, ainsi que le rappelle à nouveau ce témoignage d’un journaliste italien en visite dans le quartier de Scampia, décor de la série Gomorrah, haut lieu du trafic de drogue et de l’architecture mégastructurelle des années 70. « Qui arrive aujourd’hui à Scampia à l’impression de s’être trompé d’arrêt. Ou de film. Une banlieue d’immeubles résidentiels, rues larges, pelouse moyennement sale et moyennement en friche, et, à l’exception des Vele (ou Voiles, unités en gradin qui donnent leur nom à un grand ensemble résidentiel conçu dans les années 70 par l’architecte Franz di Salvo, NDLR) rien de particulièrement dégradé par rapport aux standards de la périphérie italienne. En somme, Scampia a perdu son image de marque, construite sur la drogue, les assassinats entre clans rivaux, le danger et la fatigue d’y vivre ». Luigi de Magistris, maire de Naples, vient de décider la démolition des dernières voiles encore debout, à l’exception d’une qui fera l’objet d’un concours international de réhabilitation, afin de laisser « un souvenir de l’utopie trahie du gigantisme rationaliste (…) qui aurait dû libérer le meilleur de l’énergie sociale, plutôt que produire dégradation et criminalité ». La faillite architecturale cache une démission des pouvoirs publics « à mon arrivée en 1972, les Voiles étaient déjà abandonnées. Il a fallu attendre 1987 pour l’ouverture du premier commissariat ». Le trafic de drogue a quitté les coursives et les caves des immeubles vers d’autres secteurs de la métropole napolitaine, les associations essaient d’améliorer le quotidien, des réfugiés et des sans-abri investissent les logements vacants avant leur démolition. « Les explosifs et les bulldozers suffiront-ils à faire changer le visage de Scampia ? », s’interroge le journaliste. Le milliard de mètres cubes d’eau perlant ces dernières années des canalisations dégradées fait pousser les fougères. Sous les coursives, la forêt.
Il Venerdí di Repubblica, via Courrier International

Vele di Scampia à Naples

Une des « Vele » de Scampia, en février 2012. Photo Reuters/Ciro De Luca via courrier international
Venturismes
«C’est comme un rassemblement pour déchiffrer le Talmud», observe l’historien Jean-Louis Cohen lors d’un symposium de trois jours autour de l’ouvrage «Complexité et contradiction en architecture». Pendant que l’on se penche sur l’un des textes majeurs de l’histoire de l’architecture contemporaine, un nouveau propriétaire emménage dans les murs de la Vanna House, une des oeuvres phare de Venturi d’ailleurs intégrée au corpus d’illustration du livre. La maison n’a jamais été habitée que par la mère de l’architecte. Elle est restée en vente pendant un an. David Lockard, le nouveau propriétaire, dit l’avoir vue pour la première fois en août ou septembre. « Le prix de départ était fixé à 1,75 million de dollars, ce qui m’est apparu assez élevé, traduisant la volonté de faire payer le nom de Venturi. C’est une maison incroyable, alors pourquoi pas, mais c’était aussi beaucoup trop pour cette maison ». Le nouveau propriétaire, qui avait aussi des vues sur la maison Esherik de Louis Kahn, également en vente dans le secteur, aurait finalement acheté la maison pour 1,325 million. Il entend faire découvrir le bâtiment à tous les amateurs d’architectures « les étudiants d’architecture sont une chose, mais si je dois faire face à des flottes de bus chargés de touristes du monde entier, je ne sais pas encore comment je pourrais gérer la chose. On m’a dit qu’il y aurait beaucoup de visiteurs, mais je n’ai pas idée de ce que cela signifie ». Eprouvé par la visite des participants au séminaire évoqué plus haut, Lockard réalise qu’habiter une œuvre d’architecture tient du sacerdoce. « Je veux rester ouvert, mais je ne sais pas jusqu’où ira ma magnanimité », explique Lockard, prisonnier volontaire du post-modernisme.
Via The architect

Office of Venturi and Rauch/Complexity and Contradiction in Architecture Via The architect
Règles et recours
Le pays fouesnantais, terre des recours urbains ? La commune de 9000 habitants compte 33 actions en justice, concernant principalement des recours en annulation de permis de construire ou des requêtes de révisions de certificats d’urbanisme. « À ma connaissance, il n’existe aucune ville déjà autant condamnée pour violation de la loi Littoral et qui continue à faire face à autant de recours », explique Vincent Esnault, conseiller municipal d’EELV. « La majorité de ces procédures n’est pas indispensable, pour la bonne raison que pour la plupart de ces dossiers, l’ASPF se base plus souvent sur une décision de jurisprudence que sur la loi Littoral », affirme quant à lui le maire Roger le Goff (LR). L’ASPF, une association dont Vincent Esnault est proche. « Pour l’ASPF, le coût des requêtes est compris entre 1000 € sans avocats à 3000 € avec avocat », explique encore Esnault. « Nous avons une convention permanente d’assistance juridique avec nos avocats, un cabinet spécialisé en droit public. Quel que soit le volume d’actions en justice, cela représente 13 000 € à l’année. À cela, il faut rajouter les frais liés à la perte d’actions en justice. Je reconnais que nous en avons perdu quelques-unes qui ont été suivies de condamnations » détaille de son côté le maire. « Le fait de finaliser le PLU devrait, à court terme, faire baisser le nombre d’actions en justice » termine Le Goff. Jusqu’au PLU, on y pensera encore.
Via Ouest-France
Olivier Namias