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« Architecture Studio en liberté », aux Éditions Hermann

L’ « agence-époque », c’est ainsi que va la définir le sociologue Jean-Louis Violeau tout au long de cette nouvelle publication. « Une histoire d’Architecture Studio de 1973 à 2023, 50 ans, de l’insouciance à l’inquiétude, un mélange de militantisme, de légèreté et d’attention aux autres. Au commencement était… le plaisir et l’excitation de démarrer une aventure dans un contexte optimiste, rien ne pouvait nous arrêter. Il suffisait de traverser la rue ! Illusion. 1973, année de notre création en même temps que Libération. »

« Est ce que l’agence raconte une époque ? Oui certainement ! » affirme Jean-Louis Violeau. « Elle a incarné les différents moments qui coloraient le monde des architectes tout au long de ses étapes. Il y a d’abord le travail sur la participation, la concertation, les espaces partagés, les surfaces extensibles, cette idée de l’espace flexible. Le caractère expérimental ». Une « grande » agence, un « acteur-champ », un « acteur-époque », le « cas Architecture Studio » est difficile à cerner tant ses limites semblent lointaines. Une « agence vivante » de toute évidence, dont la trajectoire « incidiaire » (toujours selon les mots du sociologue), montre une faculté rare d’intégrer les possibles de son temps.

L’auteur du livre rappelle en guise de démonstration la première période, une recherche de « ré-intellectualisation » de l’architecture, d’un certain reclassement de la profession. Vient 83 et la décentralisation, les équipements scolaires en régions, le Futuroscope, l’Université de la Citadelle à Dunkerque, l’école Nationale d’Ingénieurs à Metz, une commande qu’accompagne alors l’agence. Puis avec 89 vient l’espoir d’une Europe volontaire, c’est la création du Parlement Européen. La mondialisation suivra, Architecture Studio est alors parmi les premières agences françaises présentes en Chine, avant de se diriger vers des territoires peu mondialisés comme l’Afrique, le Moyen-Orient… « Architecture Studio est un bijou pour un sociologue » se réjouit le Jean-Louis Violeau que les recherches ont toujours mené à s’intéresser aux enjeux du champs architectural.

Faut-il aussi la définir comme l’agence de l’ « entre-deux mai » (de mai 68 à mai 81) ? Elle est en effet à l’origine d’un nombre impressionnant de tentatives, quelques conflits avec les ABF donnant naissance -entre bien d’autres- à l’étonnant projet du boulevard de Courcelles à Paris. Les recherches sont risquées, guidées par la volonté de fuir les références déjà installées, le géométrique, le neutre, l’austère.

Don de métamorphose
Autrice de la préface du livre, Chris Younes souligne la capacité de métamorphose hors norme de l’agence : une agence forte, capable de se réinventer dans des contextes variés. Sa capacité de durer aussi, de traverser le temps, et toujours en changeant de forme. Intervient alors le mot-clé qui aidera le lecteur à comprendre cette (demie) traversée du siècle : la méthode.
Celle qui se base sur le collectif, avec ce que cela comporte encore une fois d’anticipateur. « Avec une part d’utopie, ensemble, on peut tout faire ». La transmission aussi, une évidence pour les fondateurs. Martin Robain le souligne : « On attache une importance extrême à la transmission, c’est essentiel. Pour transmettre il faut parler de la manière, beaucoup plus que de la matière. La manière de faire compte plus que le faire. Quand on est une équipe il faut faire attention aux autres, sinon ça ne marche pas. Donc il y a une méthode ». Et Rodo Tisnado de poursuivre : « La clé de cette méthode c’est de faire à plusieurs, il faut expliquer, comprendre, savoir. L’architecture est abstraite, travailler à une main c’est facile, mais comment passer à dix ou vingt mains à la fois ? Pour communiquer lorsqu’on est si nombreux, il y a le dessin, la couleur, le trait, tout cela devient un langage. Ce langage est comme la musique, les notes sont comme une écriture. La méthode d’Architecture Studio revient à cela : plus la méthode est forte, plus les questions inutiles disparaissent. »

L’énergie du collectif
« Aujourd’hui, cette envie naturelle de recommencement a surgi chez nos jeunes associés. Un nouvel Architecture Studio devrait en découler dans un contexte élargi, incertain, passionnant, avec un livre support “Tracé bleu ” qui va ouvrir une nouvelle route plus large, plus soucieuse du vivant. Notre fierté en tant que fondateurs d’Architecture Studio, c’est d’avoir, avec certains projets réalisés ou non, réussi à fédérer l’équipe, les associés, les partenaires, et tous ceux qui sont passés chez nous, venant de tout horizon, géographique ou social, plus de mille cinq cents personnes ».
La manière plus importante que la matière. On l’aura compris, rarement la matière a fait monument pour l’agence qui fête aujourd’hui ses cinquante ans de pratique. Une illustration parfaite de ce mouvement permanent et de cette liberté sans faille, est faite par l’auteur du livre Jean-Louis Violeau citant Roland Barthes : « Dès qu’une chose va de soi, je la déserte »*

*extrait de Le Plaisir du texte, Paris, Éditions du Seuil, coll. « Points/Essais », 1973.

Les associés d’Architecture Studio sont Martin Robin (depuis 1973), Rodo Tisnado (depuis 1976), Jean-François Bonne (depuis 1979), Alain Bretagnolle (depuis 1989), René-Henri Arnaud (depuis 1989), Laurent-Marc Fischer (depuis 1993), Marc Lehmann (depuis 1998), Roueïda Ayache (depuis 2001), Gaspard Joly (depuis 2009), Marie-Caroline Piot (depuis 2009), Mariano Efron, (depuis 2009), Romain Boursier (depuis 2018) et Widson Monteiro (depuis 2018).


Architecture Studio en liberté
L’agence-époque
de Jean-Louis Violeau
Paru le 04/10/2023, 200 pages
pour en savoir plus : https://www.editions-hermann.fr/livre/architecture-studio-en-liberte-jean-louis-violeau

Jean-Louis Violeau est sociologue, professeur à l’École nationale supérieure d’architecture de Nantes et enseignant à Sciences-po Paris, il travaille depuis une trentaine d’années sur les architectes, leur histoire, les élites, leur formation et la succession des générations, et les multitudes, les destinataires à travers leurs usages et leurs pratiques.

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