L’architecture des frères Aires Mateus est à la fois minimaliste, épurée et se distingue par sa non-conformité et son atemporalité.
Relations environnantes et dichotomies
Elke Mittmann*, docteur en histoire de l’architecture, lit à travers la lecture globale d’une soixantaine de projets des architectes « un lexique d’espaces », souligné dans deux concepts forts. D’une part, se traduit un rapport évident à l’espace environnant matériel (topographie, géologie) et aux valeurs immatérielles (mémoires, archétypes) du site d’intervention. L’interprétation du lieu devient l’essence du projet architectural. Parce que fondée sur des strates historiques, l’architecture se fait atemporelle, hors du temps.
« Références matérielles et immatérielles » au lieu
D’autre part, dans une « dialectique des antinomies », constituée d’opposition et d’interaction, sont générés les projets des deux frères. Plein et vide, positif et négatif, compression et dilatation, continu et discontinu, régularité géométrique et décomposition… tout est dichotomie.
« Dialectique des antinomies »
« Lexique d’espaces »
Dans son lexique, Elke définit la notion d’espace « entre-deux », des espaces vides et interstitiels générateurs de tensions spatiales, à la fois irréguliers et imprévisibles. Elle définit également l’espace sculptural, qui marque l’interface entre l’art et l’architecture, inspiré de la sculpture minimaliste des années 60, qui en plus de prendre en compte l’espace environnant, utilise la stratégie de l’évidement. Les volumes semblent creusés par le vide et la lumière, révélatrice d’espace. De plus, la géométrie est un apport important pour les architectes. Si le carré se définit comme un contenant neutre, il enveloppe une figure seconde, elle-même composée de formes complexes diffractées, juxtaposées, emboîtées. Entre un volume monolithique extérieur aux formes élémentaires et un espace intérieur fragmenté, il semble que la complexité ne soit compréhensible qu’à partir du parcours des espaces.
« Relation entre une forme claire et simple définie comme une super-structure qui enveloppe une figure seconde, elle-même constituée de formes superposées, juxtaposées ou emboîtées »
La perception, guide de la conception
Le tout est uniformisé de manière neutre par la couleur blanche, rendant l’idée d’espace abstraite. Les maquettes de l’exposition monographique des frères portugais au CCCOD sont elles-mêmes présentées blanches, tout comme les photos de projet dont le noir et blanc soulignent la sacralisation du vide. Ces images dénuées de vie viennent offrir des possibles. Ainsi, aux deux principes régulateurs de l’architecture des frères Aires Mateus – qui s’inscrivent dans la continuité historique de l’architecture portugaise, portée notamment par Alvaro Siza, entre régionalisme et modernisme – s’ajoute l’expérimentation. Leur architecture est contemplation ; la perception précède l’espace, l’espace est la résultante de la perception.
« Espaces d’exposition vs expérience de l’espace »
Amélie Luquain
*Catalogue monographique de l’exposition au Centre de Création Contemporaine Olivier Debré (CCCOD), préface par Elke Mittmann, « L’architecture d’Aires Mateus – un lexique d’espaces », 2015
Courtesy CCCOD / François Fernandez
Voir aussi : Aires Mateus, un centre d’art contemporain à Tours et Aires Mateus, exposition