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Nature paysagère à Saclay, Emmanuelle et Laurent Beaudouin & José Morales et Sara de Giles (MGM, Morales de Giles arquitectos)

A proximité directe de la future gare de métro Orsay-Gif, la position est stratégique au cœur de l’Université Paris-Saclay, desservie par différents réseaux de transports urbains. Le programme lui-aussi est emblématique : un espace hybride, sur une surface d’environ 10 000 m², à la fois centre de documentation, lieu de médiation scientifique et espace de travail collaboratif.
Devant ainsi permettre à la fois mutualisation et collaboration, le nouveau learning center – dénommé LUMEN – abrite un gigantesque fonds documentaire augmenté de contenus numériques tant sur les activités scientifiques du campus qu’à destination de toutes les communautés d’utilisateurs. Des espaces au service de la ressource se retrouvent ainsi sous tous les formats, bibliothèque, espaces de médiation, de partage ou de travail, pour un édifice ouvert aux étudiants des établissements installés dans le quartier du Moulon (parmi lesquels CentraleSupelec ou encore l’ENS Paris-Saclay) comme aux chercheurs, entrepreneurs et habitants. Une vitrine active pour le pôle scientifique et technologique de Saclay, un lieu ouvert sur la ville.

Nature paysagère
Le site est contraint, dicté par le tracé du métro aérien qui vient l’inscrire dans une géométrie anguleuse. Pour adoucir ce contour abrupt, la volumétrie de l’édifice s’assouplit, ses lignes se courbent dans un dessin expressif en quête de légèreté. Sur toute sa hauteur, une dentelle de colonnes en métal blanc vient frôler le volume et s’en écarter, invitant des arbres au feuillage léger, plantés adultes, à pénétrer jusque dans le bâtiment, inscrivant ce dernier dans le prolongement des jardins extérieurs. Alors que la jupe accueille la végétation, une lumière changeante inonde les espaces intérieurs, filtrée par cet entre-deux arboré. La galerie ainsi formée agit comme un élément de liaison et d’articulation urbaine tout en permettant une double entrée : une première, accès principal de l’édifice, située sur le « deck », le long de la façade sud, et une seconde à l’est, ouverte sur un patio planté, en partie dallé de pierre naturelle, et meublé de bancs confortables en béton blanc moulé et poli, faisant office de lieu de rencontre. Cette accessibilité traversante laisse immédiatement entrevoir l’essentiel des fonctions du lieu, tandis que le dessin des lames ouvre dans la façade de grandes fenêtres horizontales, face aux salles de lecture.

Interdisciplinarité et fluidité de l’espace
Les espaces intérieurs du bâtiment sont eux aussi étudiés à la façon d’un paysage, conçus pour établir des échappées visuelles sur le campus. Partout les transparences et la fluidité de l’espace participent d’une atmosphère propice tant à la lecture qu’au partage des savoirs. Le cheminement dans les niveaux de consultation se présente comme une déambulation en spirale, s’élevant par plateaux successifs autour d’un volume ouvert jusqu’en toiture, et permet une circulation naturelle, variée et instinctive. Chaque fonction est ici reconnaissable, depuis le rez-de-chaussée, lieu de vie dédié aux étudiants et à l’ensemble du personnel, jusqu’au toit en belvédère. Lors de cette promenade ascensionnelle, l’on passe de niveau en niveau par une série de gradins où chacun peut s’asseoir ; des terrasses s’ouvrent sur l’espace central depuis les deux plateaux de lecture, le tout donnant le sentiment d’une boucle paysagère continue. Un auditorium enfin, accessible depuis l’atrium, accueille sur son toit un théâtre extérieur marquant la tête du bâtiment. La terrasse en belvédère marque alors l’aboutissement d’un parcours où l’on est invité dans une lente dérive parmi les collections, profitant de l’interdisciplinarité constitutive du site.

LUMEN – Learning Center à Saclay
Maîtrise d’ouvrage : Université de Saclay
Maître d’œuvre: Emmanuelle Beaudouin, Laurent Beaudouin, MGM Morales de Giles arquitectos (José Morales et Sara De Giles)
Ingénierie structure : Jean-Marc Weil C&E-Ingénierie
Surface construite : 6 900 m2
Coût : 23 M€

« Une pensée en mouvement »
Fondé en 1978, à la suite de la 10e session du PAN 10 dont elle fut lauréate, l’agence Beaudouin Architectes obtient rapidement par le biais de concours d’importantes commandes, parmi lesquelles écoles, médiathèques, universités et musées. Les multiples rencontres façonnent le travail de l’atelier, parmi lesquelles l’architecte portugais Alvaro Siza devenu compagnon de route de Laurent Beaudouin, « référence en mouvement » dont la méthodologie lui sert de guide. Pensionnaire en 1983 de la Villa Médicis « hors les murs », Laurent Beaudouin rencontre plus tard l’architecte-artiste germano-mexicain Mathias Goeritz qui influe également sur le travail de l’agence. Alors qu’il part étudier à New York auprès de John Hejduk, il développe une conception ouverte de l’architecture, reliée aux autres arts sans pour autant s’y dissoudre.
Laurent Beaudouin participe à de prestigieuses expositions internationales, parmi lesquelles ‘la Nouvelle direction de l’architecture moderne : France / USA’, organisée en 1985 par Kenneth Frampton et Michel Kagan à Paris et à Sao-Paulo, ou encore ’40 architectes de moins de 40 ans’, montrée en 1991 à l’Institut Français d’Architecture ainsi qu’à la Biennale de Venise. Avec Emmanuelle Beaudouin, diplômée en 1991 de l’Ecole d’Architecture de Nancy, la pratique de l’atelier se place sous le signe de l’étude continue et d’une prise en compte toujours plus large de la culture architecturale ; à la recherche théorique et plastique, s’ajoute celle de l’expérimentation spatiale. D’un point de vue urbain, les architectes cherchent à définir, à travers une connaissance fine des typologies rencontrées, un « urbanisme interstitiel », visant à rénover la ville sans la bouleverser. En parallèle, l’atelier explore les sens multiples de l’architecture, incluant les thèmes de la gravitation, le traitement des parcours, le cadrage des vues, la construction par la couleur… La lumière devient matière et apparaît comme une composante active du projet, pouvant être « diffusée, ralentie, concentrée, accélérée ». Les éléments architecturaux prennent un sens nouveau et un vocabulaire spécifique à l’atelier vient les définir : « la rampe, l’escalier-espace, la façade épaisse, le brise-lumière, le volume coloré, le voile suspendu, la dalle posée, le pan vitré, la matière abstraite ». La matière occupe une place fondamentale : le béton – utilisé apparent, enduit, brut ou poli, évoquant le granit ou le marbre -, le verre transparent, dépoli, émaillé ou sérigraphié. Le dessin enfin joue un rôle essentiel, vécu non comme « une simple projection de l’esprit ou le tracé d’une vision déjà construite, mais comme le médium d’une pensée en mouvement » (Laurent Beaudouin, Manifeste pour une architecture lente).

« L’architecture utilise une langue universelle comme la musique ou la peinture, une langue qui n’a pas besoin de traduction. Elle résonne et s’étend simultanément dans l’espace et dans le temps. Elle est un art de la durée ».
extrait de E. & L. Beaudouin, La nature invisible”

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